Pour évaluer ce que David Cameron a obtenu, on peut mettre côte à côte le premier « principe » qu’il voulait voir reconnu, et la première phrase de la réponse du Conseil européen. Le premier principe était : « L’UE a plus d’une monnaie ». La première phrase de la réponse est : « Afin d'atteindre l'objectif des traités consistant à établir une Union économique et monétaire dont la monnaie est l'euro, il est nécessaire d'approfondir cette union. »
Non seulement il y a une monnaie unique, mais il faut absolument approfondir l’union monétaire…
Ensuite, la réponse rappelle qu’il y a des Etats qui se sont exemptés de l’euro, dont le Royaume-Uni, et que ceux-là ne participent donc pas à l’approfondissement, mais… qu’ils doivent la faciliter.
Et l’on rappelle, à l’intention de la Pologne, de la Tchéquie, de la Hongrie, de la Roumanie, de la Bulgarie, mais aussi de la Suède, que ceux qui ne sont pas exemptés « sont tenus, en vertu des traités, de progresser en vue de remplir les conditions nécessaires à l'adoption de la monnaie unique ».
Bref il n’y a rien de nouveau, sinon des rappels sévères des termes du traité.
La deuxième demande concernait le renforcement de la compétitivité. Cela ne posait aucun problème et la réponse est conforme à ce qu’on pouvait attendre : un discours de campagne électorale. On va évidemment tout faire pour renforcer la compétitivité… (C’est le paragraphe le plus court de la réponse.)
La troisième demande concernait la souveraineté. Cameron demandait 1- que l’obligation d’aller vers « une union sans cesse plus étroite » ne s’applique pas au Royaume Uni, et que cela soit stipulé d’une façon juridiquement contraignante. 2 – que les parlements nationaux, agissant ensemble, puissent bloquer des processus législatifs. 3 – que des engagements soient pris, avec des propositions claires, pour qu’il y ait une véritable subsidiarité, « l’Europe quand c’est nécessaire, le national quand c’est possible ».
Ici, David Cameron a obtenu la reconnaissance que « le Royaume-Uni n'est pas tenu de prendre part à une intégration politique plus poussée dans l'Union européenne », et cela sera intégré dans le traité lors de sa prochaine révision. On ajoute que la référence à une « union sans cesse plus étroite » n’est pas, de toute façon, « une base légale pour étendre la portée des dispositions des traités ». Sur la subsidiarité, Cameron n’a rien obtenu, sauf au sujet de l’action des parlements nationaux. Ceux-ci vont pouvoir intervenir de façon plus précise s’ils considèrent qu’un projet législatif est contraire au principe de subsidiarité (c’est l’unique motif possible). Un refus représentant plus de 55% des voix attribuées aux parlements nationaux aboutira à un rejet du projet. Ceci n’est pas dans le traité européen. Mais le traité de Lisbonne a prévu que les parlements nationaux pouvaient donner un avis, si cet avis recueillait 33% des voix (chaque chambre législative nationale a une voix, ou deux voix s’il n’y a qu’une chambre). Il faut modifier le traité ? Par chance, ce mécanisme ne figure pas dans le traité lui-même, mais dans un « protocole ».
La quatrième demande était la revendication d’une période de quatre ans pendant laquelle les immigrants en provenance d’autres pays de l’UE n’auraient pas les avantages sociaux britanniques. C’était la plus difficile, selon les médias. Mais non. On pouvait très bien accéder à la demande de Cameron, en spécifiant simplement qu’il s’agit d’une mesure prise en raison d’une situation exceptionnelle. C’est ce qui a été décidé, et cette possibilité de dérogation sera inscrite dans les règlements européens.
Objectivement, tout cela ne donne à Cameron que de bien maigres arguments pour faire campagne contre le Brexit.
Et affirmer comme il le fait que c’est là « l’Europe réformée » que l’on voulait, c’est vraiment pousser le bouchon très loin…
Le référendum aura lieu le 23 juin.