De saint Matthias on sait seulement ce que les Actes des apôtres disent de son élection parmi les Douze. On ne sait rien de lui ni avant, ni après. Et l’Eglise n’a reconnu aucune tradition qui le concerne. Ainsi sa notice du bréviaire est-elle uniquement le passage des Actes des apôtres.
Comme la nature a horreur du vide, on lui attribua diverses missions (en Ethiopie, en Géorgie…) mais aussi un livre, intitulé Traditions, et selon Clément d’Alexandrie de nombreux hérétiques (Valentiniens, Marcionites, Basilidiens) affirmaient suivre l’enseignement de saint Matthias (Stromates VII, 17).
Clément d’Alexandrie donne deux citations des Traditions. L’une est : « Admirez ce qui est devant vous. » Il la rapproche d’un propos de Platon : « Le commencement de la vérité est l'admiration », pour souligner que « l'admiration est le premier degré pour atteindre ensuite à la connaissance », et il cite ensuite l’évangile (qui n'était pas encore qualifié d'apocryphe) aux Hébreux : « Celui qui aura admiré régnera, et celui qui aura régné se reposera. » (Stromates II, 9) L’autre citation est assez étrange : « Si le voisin d'un élu vient à pécher, l'élu a péché ; car si l'élu s'était conduit comme le prescrit le Verbe, son voisin eût porté à sa vie assez de respect pour se tenir en garde contre le péché. » (Stromates VII, 13)
D’autre part, Clément cite saint Matthias sans référence explicite aux Traditions (Stromates III, 4) pour rapporter que l’apôtre disait comme le diacre Nicolas qu’il « faut abuser de la chair ». Clément explique d’abord qu’on a mal compris le propos de Nicolas (l’un des sept premiers diacres, dont on a fait l’hérésiarque des Nicolaïtes), et que celui-ci, loin de se livrer à la débauche comme ses soi-disant disciples, voulait dire qu’il fallait mortifier les sens. « C'est pourquoi l'on assure que Matthias enseignait aussi qu'il faut combattre les sens et abuser de la chair, en lui refusant tout ce qui peut servir d'aliment à la volupté ; mais augmenter les forces de l'âme par la foi et par la connaissance. »
Le verbe grec (παραχρῆσθαι) veut effectivement dire « abuser », mais aussi « exercer un mauvais traitement », ou « faire peu de cas ». La citation attribuée à saint Matthias montre clairement qu’il s’agit de dompter la chair.
Et cet unique propos de saint Matthias, qu’il soit authentique ou non, arrive fort bien pendant le carême.
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Pourquoi la fête de saint Mathias passe-t-elle du 24 au 25 février les années bissextiles ? Parce que, lorsqu’on instaura un jour supplémentaire tous les quatre ans, on le mit au sixième jour avant les calendes de mars, le jour appelé sexta kalendas martii, qui correspond au 24 février. Donc, on doubla ce jour : bis-sexta kalendas, d’où bissextus annus, année bissextile. Comme on comptait à partir des calendes de mars, en remontant, le sixième jour est le deuxième 24, donc aujourd’hui le 25.