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Liturgie

  • Lundi de la Passion

    Miserére mihi, Dómine, quóniam conculcávit me homo : tota die bellans tribulávit me. Conculcavérunt me inimíci mei tota die : quóniam multi bellántes advérsum me.

    Ayez pitié de moi, Seigneur, car l’homme m’a foulé aux pieds ; m’attaquant tout le jour, il m’a tourmenté. Mes ennemis m’ont foulé aux pieds tout le jour ; car il y en a beaucoup qui me font la guerre.

    Dès l’Introït, nous nous unissons au Sauveur souffrant. Lui et nous, nous ne faisons qu’un, le Christ mystique. Les trois premiers chants sont des lamentations du Christ souffrant. Ceci est important pour nous faire comprendre comment nous devons vivre la Passion. Laissons le Christ souffrir, se plaindre, mourir, mais aussi ressusciter en nous. Telle est la fête pascale liturgique. « Par lui et avec lui et en lui », nous célébrons la Passion et la Résurrection. « L’homme m’a foulé aux pieds » (Introït). C’est une expression forte et imagée. Le Christ, la divine grappe de raisin, est foulée aux pieds dans le pressoir de la Passion et, de cette grappe, sort la boisson salutaire. Laissons-nous presser avec lui. Comparons le chant initial avec le chant final. Quel contraste ! « Le Seigneur des armées est le Roi plein de majesté » (Communion). C’est la grande loi du christianisme : Par la souffrance à la gloire !

    Dom Pius Parsch

  • Dimanche de la Passion

    Le trait (tractus).

    Sæpe expugnavérunt me a juventúte mea.
    ℣. Dicat nunc Israël : sæpe expugnavérunt me a juventúte mea.
    ℣. Étenim non potuérunt mihi : supra dorsum meum fabricavérunt peccatóres.
    ℣. Prolongavérunt iniquitátes suas : Dóminus justus cóncidit cervíces peccatórum.

    Ils m’ont souvent attaqué depuis ma jeunesse.
    ℣. Qu’Israël le dise maintenant, ils m’ont souvent attaqué depuis ma jeunesse.
    ℣. Mais ils n’ont pas prévalu contre moi ; les pécheurs ont travaillé sur mon dos.
    ℣. Ils m’ont fait sentir longtemps leur injustice : le Seigneur est juste, il tranchera la tête des pécheurs.

    Ce chant marque l’ouverture de la puissante lutte dans laquelle le Christ s’engage maintenant. Dès sa jeunesse, dès son enfance, il a été harcelé, au point qu'il a dû être sauvé en fuyant son pays. Dans l'Évangile du dimanche de la Passion, nous entendons à nouveau comment ses ennemis avaient l'intention de le lapider ; en fait, ils avaient déjà les pierres entre les mains. Quels moyens n’ont-ils pas employé pour le rendre odieux, lui et son œuvre ? Les méchants ne lui ont-ils pas frappé le dos lors de la flagellation ? N’ont-ils pas prolongé leurs iniquités au cours de cette longue nuit et de ce terrible Vendredi Saint ? Mais ils ne l’ont pas vaincu. Malgré leurs machinations, le jour de Pâques se levait. Tout comme il l'avait été, son Église a été éprouvée depuis sa jeunesse, depuis les jours de la première Pentecôte, lorsque les apôtres furent flagellés, jusqu'à nos jours. Les chrétiens ont été persécutés et massacrés, les églises et les cloîtres sont devenus la proie du vandalisme. Les recherches des soi-disant savants et les intrigues des diplomates et des hommes d’État ont exercé contre elle tous leurs pouvoirs. Mais non, ils n'ont pas réussi à la vaincre. Le Christ a fait sa promesse et l'accomplira jusqu'à la fin des jours : et toute la fureur de l'enfer ne pourra rien contre elle.

    Dom Dominic Johner

    C’est superbement chanté. Dommage que la chaîne YouTube (Catholic Chant) ne donne aucune indication. Serait-ce le monastère de Clear Creek dont l’adresse est donnée en lien ?

    L’introït.

    Le graduel.

    L’offertoire.

    La communion.

  • Samedi de la quatrième semaine de carême

    Fiat, Dómine, quǽsumus, per grátiam tuam fructuósus nostræ devotiónis afféctus : quia tunc nobis próderunt suscépta ieiúnia, si tuæ sint plácita pietáti.

    Nous prions le Seigneur, dans la collecte, de nous accorder le fruit spirituel que se propose notre dévotion ; car le jeûne nous sera alors vraiment profitable, si toute notre existence chrétienne est une vivante expression de la sainteté divine.

    *

    Oblatiónibus nostris, quǽsumus, Dómine, placáre suscéptis : et ad te nostras etiam rebélles compélle propítius voluntátes.

    Dans la prière d’introduction à l’anaphore, nous demandons au Seigneur d’accueillir notre oblation et d’apaiser son courroux — voici le fruit propitiatoire du sacrifice ; et, parce que le plus grand obstacle à la grâce divine peut être mis par notre mauvaise volonté, nous supplions Dieu, par l’efficacité de son pouvoir, de changer ces tendances perverses et rebelles en autant de dispositions favorables pour agir selon la motion de l’Esprit Saint.

    *

    Tua nos, quǽsumus, Dómine, sancta puríficent : et operatióne sua tibi plácitos esse perfíciant.

    Nous supplions Dieu, dans la collecte eucharistique, que son sacrement nous purifie — c’est le fruit satisfactoire de la messe — et que, par son efficacité, il nous orne de vertus pour mériter les divines complaisances. L’école de sainteté la plus accréditée est assurément la communion. Elle commence par nous rendre Dieu propice, par nous purifier, par nous obtenir le don des vertus nécessaires, et enfin, par les liens d’un très suave amour, unitif et transformant, elle nous attache à notre Dieu, en sorte que, nous nourrissant de Lui, de Lui aussi nous vivons. C’est alors que la sainte communion opère en nous la plénitude de ses effets.

    *

    Deus, qui sperántibus in te miseréri pótius éligis quam irasci : da nobis digne flere mala, quæ fécimus ; ut tuæ consolatiónis grátiam inveníre mereámur.

    Dans sa bénédiction finale avant de congédier le peuple, le prêtre prie ainsi : « O Dieu qui, plutôt que de vous irriter, préférez user de miséricorde envers ceux qui se confient en vous, faites-nous la grâce de pleurer convenablement les péchés commis afin de mériter ensuite votre consolation. » En cette vie en effet, les larmes des pénitents éteignent non seulement les flammes de l’enfer, mais aussi le feu de la juste colère de Dieu. Si, au dire de Jésus, la maison terrestre du Père divin n’est pas une maison de négoce, le paradis l’est moins encore. La grâce ne s’achète pas, mais Dieu, dans sa magnificence, la donne généreusement à tous. Donc, pour devenir saint, il suffit de correspondre fidèlement à la vocation divine qui nous a été manifestée dans le saint Baptême, accourant joyeusement, bibite cum laetitia, aux sources de la grâce qui jaillissent de l’Eucharistie. Dans la messe de ce jour, le divin Sauveur insiste sur son invitation.

    Bienheureux cardinal Schuster

  • L'Acathiste à la Mère de Dieu

    Le cinquième samedi de carême est dans la liturgie byzantine le « samedi de l’Acathiste » : le jour où l’Acathiste à la mère de Dieu, est chanté intégralement, alors que les samedis précédents on ne chantait qu’une partie des strophes. L’Acathiste est en fait chanté le vendredi soir, soit parce qu’il est intégré aux complies du vendredi, soit parce qu’il est chanté aux matines qui sont anticipées (selon les Eglises).

    Voici les deux premières strophes, par Simon Karas (1905-1999) et la chorale ecclésiastique de l'Association pour la promotion de la musique nationale. Disque publié en 1974, réédité en CD en 1999.

    γγελος πρωτοστάτης, οὐρανόθεν ἐπέμφθη, εἰπεῖν τῇ Θεοτόκῳ τὸ Χαῖρε· (γ') καὶ σὺν τῇ ἀσωμάτῳ φωνή, σωματούμενόν σε θεωρῶν Κύριε, ἐξίστατο καὶ ἵστατο, κραυγάζων πρὸς αὐτὴν τοιαῦτα.
    Χαῖρε, δι' ἦς ἡ χαρὰ ἐκλάμψει,
      χαῖρε, δι' ἦς ἡ ἀρὰ ἐκλείψει.
    Χαῖρε, τοῦ πεσόντος, Ἀδὰμ ἡ ἀνάκλησις,
      χαῖρε, τῶν δακρύων τῆς Εὔας ἡ λύτρωσις.
    Χαῖρε, ὕψος δυσανάβατον ἀνθρωπίνοις λογισμοῖς,
      χαῖρε, βάθος δυσθεώρητον καὶ Ἀγγέλων ὀφθαλμοῖς.
    Χαῖρε, ὅτι ὑπάρχεις Βασιλέως καθέδρα,
      χαῖρε, ὅτι βαστάζεις τὸν βαστάζοντα πάντα.
    Χαῖρε, ἀστὴρ ἐμφαίνων τὸν Ἥλιον,
      χαῖρε, γαστὴρ ἐνθέου σαρκώσεως.
    Χαῖρε, δι' ἦς νεουργεῖται ἡ κτίσις,
      χαῖρε, δι' ἦς βρεφουργεῖται ὁ Κτίστης.
    Χαῖρε, Νύμφη ἀνύμφευτε.
      Χαῖρε, Νύμφη ἀνύμφευτε.

    Βλέπουσα ἡ Ἁγία, ἑαυτὴν ἐν ἁγνείᾳ, φησὶ τῶ Γαβριὴλ θαρσαλέως. Τὸ παράδοξόν σου τῆς φωνῆς, δυσπαράδεκτόν μου τῇ ψυχῇ φαίνεται, ἀσπόρου γὰρ συλλήψεως τήν κύησιν πῶς λέγεις; κράζων, Ἀλληλούϊα.
      Ἀλληλούϊα.

    Le prince des anges fut envoyé du ciel dire à la Mère de Dieu : « Salut ». Te voyant, Seigneur, assumer un corps à sa parole incorporelle, il resta interdit et se mit à lui crier ainsi :
    Salut, vous par qui la joie se lève ;
    Salut, vous par qui la malédiction se dissipe.
    Salut, renouvellement de la vocation d’Adam déchu.
    Salut, délivrance d’Ève de ses larmes.
    Salut, hauteur inaccessible aux pensées humaines.
    Salut, abîme insondable même aux yeux des anges.
    Salut, car vous êtes le trône du Roi.
    Salut, car vous portez Celui qui porte toutes les créatures.
    Salut, astre qui fait paraître le soleil.
    Salut, sein de la divine incarnation.
    Salut, renouveau de la création.
    Salut, vous par qui le Créateur se fait enfant.
    Salut, ô épouse sans époux !

    La sainte se voyant encore chaste dit hardiment à Gabriel : Votre discours étrange me paraît difficile à accepter. Comment parlez-vous d’un enfantement qui suivrait une conception sans semence, en vous exclamant : Alléluia.

    *

    On trouvera ici toutes les odes du canon (la première partie de l'Acathiste) superbement chantées par Petros Gaïtanos.

    Les stances (ou strophes), par le même Petros Gaïtanos, se trouvent ici, à 12'50, après le tropaire de l'Acathiste, magnifiquement chanté à 10'24.

  • Vendredi de la quatrième semaine de carême

    « Ils enlevèrent donc la pierre, et Jésus, élevant les yeux en haut, dit : Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m’avez exaucé. Pour moi, je savais bien que vous m’exaucez toujours; mais je l’ai dit à cause du peuple qui m’entoure, afin qu’ils croient que vous m’avez envoyé. Ayant dit ces mots, « il cria à haute voix ». Il frémit, il pleure, il crie à haute voix. Qu’il a de peine à se lever celui qu’oppresse le poids d’une, mauvaise habitude ! Cependant il se lève; une grâce cachée lui rend intérieurement la vie; il se lève après avoir entendu ce grand cri. Qu’arriva-t-il ensuite ? « Il s’écria à haute voix : Lazare, viens dehors. Et soudain le mort sortit, ayant les mains et les pieds liés avec des bandes et le visage enveloppé d’un suaire. » Tu t’étonnes qu’il ait marché les pieds liés, et tu n’es pas étonné qu’il soit ressuscité après quatre jours? En ces deux faits agissait la puissance de Dieu, et non les forces du mort. Il marcha, et il était encore lié; il était encore enveloppé, et cependant il sortit du tombeau : qu’est-ce que cela signifie? Quand tu violes la loi, tu es étendu mort; et si tu la violes en choses graves, comme j’ai dit plus haut, tu es enseveli; quand tu confesses tes péchés, tu sors. Qu’est-ce, en effet, que sortir, sinon sortir d’un lieu caché et se montrer? Mais que tu confesses tes fautes, c’est Dieu qui le fait en te criant à haute voix, c’est-à-dire en t’appelant par une grande grâce. C’est pourquoi le mort qui s’avance encore lié, c’est le pécheur qui se confesse, mais qui est encore coupable; et pour que ses péchés soient remis, le Seigneur dit à ses ministres : « Déliez-le et laissez-le aller ». Que veut dire : « Déliez-le et laissez-le aller? » : « Ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ».

    Saint Augustin, traité 49 sur saint Jean.

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    Novgorod, XVe siècle (restaurations XXe).

    Description et enseignement de l'icône, ici.

  • Jeudi de la quatrième semaine de carême

    L’hymne des matines de carême Ex more docti mystico était généralement attribuée à saint Grégoire le Grand. Mais à Milan elle est attribuée… à saint Ambroise – et elle n’est chantée que les dimanches. Ce qui est sûr est que (comme celles de saint Grégoire) elle entre dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler « hymnes ambrosiennes » : strophes de quatre vers d’octosyllabes, texte et mélodie simples.

    Voici cette hymne selon la mélodie « ambrosienne », par Giovanni Vianini, directeur de la Schola Mediolanensis de la basilique Saint-Marc de Milan. (Il montre la partition à 4’43.)

    Ex more docti mýstico
    Servémus hoc jejúnium,
    Deno diérum círculo
    Ducto quater notíssimo.

    Fidèles à la tradition mystérieuse,
    Gardons avec soin ce jeûne célèbre
    Qui parcourt le cercle
    De dix jours, quatre fois répétés.

    Lex et prophétæ prímitus
    Hoc prætulérunt, póstmodum
    Christus sacrávit, ómnium
    Rex atque factor témporum.

    La Loi et les Prophètes
    L'inaugurèrent autrefois ;
    Auteur et roi de toutes les choses créées,
    Le Christ daigna lui-même le consacrer.

    Utámur ergo párcius
    Verbis, cibis et pótibus,
    Somno, jocis, et árctius
    Perstémus in custódia.

    Soyons donc d'une plus grande réserve
    Dans l'usage de la parole, du manger et du boire,
    Du sommeil et des délassements,
    Veillons plus strictement sur la garde de nous-mêmes.

    Vitémus autem nóxia,
    Quæ súbruunt mentes vagas:
    Nullúmque demus cállidi
    Hostis locum tyránnidi.

    Evitons ces périls
    Où succombe l'âme inattentive ;
    Gardons de laisser la moindre entrée
    A notre tyran perfide.

    Flectámus iram víndicem,
    Plorémus ante Júdicem,
    Clamémus ore súpplici,
    Dicámus omnes cérnui:

    Fléchissons la colère vengeresse ;
    Pleurons aux pieds de notre Juge ;
    Poussons des cris suppliants, et,
    Prosternés devant notre juge, disons-lui :

    Nostris malis offéndimus
    Tuam, Deus, cleméntiam:
    Effúnde nobis désuper,
    Remíssor, indulgéntiam.

    O Dieu ! par nos péchés,
    Nous avons offensé votre clémence ;
    Daignez étendre sur nous
    Votre pardon.

    Meménto quod sumus tui,
    Licet cadúci, plásmatis:
    Ne des honórem nóminis
    Tui, precámur, álteri.

    Souvenez-vous que, malgré notre fragilité,
    Nous sommes l'œuvre de vos mains ;
    Ne cédez pas à un autre
    L'honneur de votre Nom.

    Laxa malum, quod fécimus,
    Auge bonum, quod póscimus:
    Placére quo tandem tibi
    Possímus hic, et pérpetim.

    Pardonnez-nous le mal que nous avons fait ;
    Donnez-nous avec abondance la grâce que nous implorons,
    Afin que nous puissions vous plaire
    Ici-bas et dans l'éternité.

    Præsta, beáta Trínitas,
    Concéde, simplex Unitas,
    Ut fructuósa sint tuis
    Jejuniórum múnera. Amen.

    Exaucez-nous, Trinité bienheureuse,
    accordez-nous, Unité simple,
    que soit profitable à vos fidèles
    le bienfait du jeûne.

  • Mercredi de la quatrième semaine de carême

    Lutum fecit ex sputo Dóminus, et linívit óculos meos : et ábii, et lavi, et vidi, et crédidi Deo.

    Le Seigneur a fait de la boue avec sa salive et en a oint mes yeux. Je m’en suis allé, je me suis lavé et j’ai vu et j’ai cru en Dieu.

    L’antienne de communion de la messe de ce jour est le chant clair et joyeux de l’ancien aveugle né, qui résume en un seul verset ce qui s’est passé au cours des 38 versets de l’évangile. Et même il prend la peine d’expliciter que le « Fils de Dieu » auquel il croit est bien Dieu lui-même.

    Par ses quelques différences avec celle de Rome, la mélodie que chantent les chartreux accentue le côté allègre et tonique de l’interprétation.

  • Mardi de la quatrième semaine de carême

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    Graduel

    Exsúrge, Dómine, fer opem nobis : et líbera nos propter nomen tuum. ℣. Deus, áuribus nostris audívimus : et patres nostri annuntiavérunt nobis opus, quod operátus es in diébus eórum et in diébus antíquis.

    Levez-vous, Seigneur, donnez-nous le secours et libérez-nous à cause de votre nom. ℣. O Dieu, nous avons entendu de nos oreilles : nos pères nous ont annoncé l’œuvre que vous avez faite en leurs jours, et aux jours anciens.

    Le graduel de la messe de ce jour est pris du psaume 43. Il commence par le dernier verset de ce psaume, mais dans une version très originale. Le psautier du bréviaire a :

    Exsurge Domine adjuva nos et redime nos propter nomen tuum.

    Le psautier romain est très proche :

    Exsurge Domine adjuva nos et libera nos propter nomen tuum.

    Il y a ici, comme dans le graduel, « libera » au lieu de « redime ». Les deux mots traduisent le grec litrossai : libère contre rançon. Donc « libère », ou « rachète ».

    On voit que dans le premier stique il y a, dans les deux versions du psautier : « adjuva nos ». Aide-nous.

    La formule du graduel : « fer opem nobis », a le même sens : « apporte-nous une aide ». Mais on ne la trouve dans aucun manuscrit des psaumes en latin. Le « psautier pourpré de Saint-Germain » (des Prés, début du VIe siècle) est le seul qui a quelque chose de proche : « fers opem nobis ». Mais le verbe est au présent, au lieu d’être à l’impératif : « Tu nous apportes de l’aide. »

    Enfin, dans son livre sur « l’erreur des religions profanes » (païennes), le très peu connu Juilius Firmicus Maternus, citant les derniers versets de ce psaume, écrit : « opem fer nobis ». C’est presque le graduel, mais avec le verbe et le complément intervertis…

    Voici la fin du psaume dans le « psautier pourpré », où les textes sont en lettres d’argent et les titres, ainsi que les mots Dieu et Seigneur, sont en lettres d’or : Fers opem se trouve juste après dme (Domine) en lettres d’or. Ci-dessus le graduel dans le codex 338 de Saint-Gall (XIe siècle), entre l’introït Exaudi et l’offertoire Exspectant.

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  • Lundi de la quatrième semaine de carême

    Revoici (par saint Jean) Jésus chassant les marchands du Temple. La première fois (par saint Matthieu), c’était au début du carême, le mardi de la première semaine. Pour nous faire comprendre que le carême doit servir à nous débarrasser de tout ce qui est « marchand », et marchandise, en nous, tout ce qui nous encombre et nous attache et nous empêche de courir vers Dieu. Le message est encore celui-là, et plus pressant : il est repris dans l’antienne du Benedictus : Auferte ista hinc : « Enlevez tout cela... »

    Mais il y a un autre message. Cet évangile commence par la mention : « La Pâque des Juifs était proche ». Pâques approche en effet. Et le coup de balai dans le Temple est surtout l’occasion d’un enseignement sur la Passion et la Résurrection. Ce qui est d’ailleurs l’unique véritable enseignement de ce geste prophétique, reconnu comme tel par les juifs (« Quel signe nous montres-tu en faisant cela ? »). Jésus annonce sa mort et sa résurrection : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai… Il parlait du temple de son corps. » (C’est l’antienne du Magnificat.) Le verbe grec, egero, est l’un de ceux qui sont utilisés dans le Nouveau Testament pour évoquer la résurrection d’entre les morts.

    Et donc, après la Résurrection, les disciples se souvinrent de cet épisode « et crurent à l’Ecriture, et à la parole que Jésus avait dite ».

    Déjà, sur le moment, les disciples s’étaient « souvenus qu’il est écrit (dans le psaume 68) : Le zèle de ta maison me dévore ».

    Le souvenir de l’Ecriture, le souvenir de la Parole, est devenu efficace : il réalise la promesse, le Testament, l’Alliance. Telle est la mémoire eucharistique, celle du "Mémorial", si efficace qu'elle transcende le temps : elle rend présent ce dont on fait mémoire, et dans la divine liturgie byzantine, juste après les paroles de la consécration, on fait même mémoire du second avènement du Seigneur.

  • Quatrième dimanche de carême

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    Monastère de Dionysiou, Athos, XVIe siècle.

    Par les cinq pains on entend les cinq livres de Moïse : c’est, à vrai dire, de l’orge, et non du blé ; car ils appartiennent à l’Ancien Testament. Vous le savez : l’orge est conformé de telle manière qu’on parvient difficilement à y trouver la farine ; car elle est renfermée dans une enveloppe de paille épaisse et résistante ; on ne l’en fait sortir qu’avec peine. Ainsi en est-il de la lettre de l’Ancien Testament, car elle est enveloppée dans les ombres de figures charnelles ; si on parvient jusqu’à son sens caché, elle nourrit et rassasie l’âme.

    Un enfant portait ces cinq pains et deux poissons. Si nous voulons avoir quel était cet enfant, nous verrons peut-être qu’il représentait la nation juive ; car elle portait les livres de Moïse avec le peu de réflexion d’un entant, et ne s’en nourrissait pas ; en effet, ces livres dont elle était chargée accablaient de leur poids celui qui n’y voyait qu’une lettre close ; ils nourrissaient, au contraire, ceux qui en pénétraient le sens.

    Pour les deux poissons, ils étaient, ce nous semble, la figure de ces deux personnages distingués entre tous, qui, dans l’Ancien Testament, recevaient l’onction sainte pour exercer ensuite, au milieu du peuple, les fonctions du sacerdoce et de la royauté, pour offrir le sacrifice et gouverner. Il est venu mystérieusement, un jour, dans le monde, Celui que préfiguraient ces deux personnages, Celui que représentait la farine d’orge et que la paille d’orge cachait de son enveloppe, Il est venu, réunissant en lui seul la double dignité de grand prêtre et de roi. De grand prêtre, car il s’est offert lui-même à Dieu pour nous comme une victime ; de roi, puisqu’il nous gouverne ; et ainsi brise-t-il les sceaux du livre fermé que portait le peuple d’Israël.

    Et le Sauveur donna l’ordre de rompre les pains, et, à ce moment-là même, ils se multiplièrent. Rien de plus vrai. En effet, que de livres on a écrits pour expliquer les cinq livres de Moïse ! En les rompant, en quelque sorte, c’est-à-dire en en exposant le sens, n’a-t-on pas travaillé à une multiplication de livres ? L’ignorance du peuple juif, quant au sens de la loi, se trouvait comme protégée par une sorte de paille d’orge ; car, en parlant de ce peuple, l’Apôtre a dit :  « Jusqu’à ce jour, lorsqu’ils lisent Moïse, ils ont un voile sur le cœur ». Ce voile n’était pas encore enlevé, parce que le Christ n’était pas encore venu ; il n’avait pas encore été attaché à la croix, et n’avait, par conséquent, pas non plus déchiré le voile du temple. Ce peuple ignorait donc le sens de la loi : voilà pourquoi le Sauveur interrogea son disciple et manifesta son ignorance.

    Rien ici n’est inutile ; tout a un sens, mais il faut des lecteurs qui le comprennent. En effet, le nombre lui-même des personnes nourries par Notre Seigneur représentait le peuple soumis à la loi. Car, pourquoi se trouvaient-elles au nombre de cinq mille, sinon parce qu’elles étaient les sujets de la loi, qui se compose des cinq livres de Moïse ? Aussi, les paralytiques étaient-ils déposés aux cinq portiques du temple, sans y être néanmoins guéris ; mais celui qui, ici, pourvut avec cinq pains à la subsistance d’une multitude, rendit la santé à un paralytique sous l’un de ces portiques. La foule était assise sur l’herbe ; le peuple juif jugeait de tout dans un sens charnel ; il n’avait que des espérances charnelles, car toute chair n’est que de l’herbe.

    Qu’étaient-ce encore que tous ces restes, sinon ce que le peuple n’avait pu manger ? Sous cet emblème on voit les vérités transcendantes auxquelles ne peut atteindre l’intelligence de la multitude, Pour ces vérités, d’un ordre supérieur aux lumières de la foule, que reste-t-il à faire, quand on ne peut les saisir, sinon de croire ceux qui, à l’instar des Apôtres, peuvent les comprendre et en instruire les autres ? C’est avec ces restes qu’on a rempli douze corbeilles. Prodige admirable en raison de sa grandeur ! Prodige d’une évidente utilité, puisqu’il a été opéré pour le bien des âmes ! Ceux qui en furent les témoins se sentirent saisis d’admiration ; pour nous, nous n’éprouvons aucun étonnement à en écouter le récit. Le Sauveur l’a opéré devant ces cinq mille hommes pour les rendre témoins du fait ; l’Evangéliste en a écrit l’histoire, pour nous l’apprendre. La foi doit nous faire voir ce qu’ils ont eux-mêmes contemplé, car nous apercevons des yeux de l’âme ce que nous n’avons pu apercevoir des yeux du corps ; et, sous ce rapport, nous sommes autrement privilégiés que cette multitude ; car à nous s’appliquent ces paroles de Jésus-Christ : « Bienheureux ceux qui ne voient pas et qui croient ».

    A cet avantage s’en ajoute peut-être encore un autre : c’est que nous avons saisi le sens caché de cet événement qui a échappé à cette foule de peuple ; et ainsi nous avons été nous-mêmes rassasiés, puisque nous avons pu réussir à trouver la farine, malgré l’épaisseur de la paille.

    Saint Augustin, sermon 24 sur saint Jean (§ 5-6).