David Cameron a présenté ce matin, au cours d’une conférence de presse, la lettre qu’il a envoyée à Donald Tusk, président du Conseil européen, où il expose les demandes que formule le Royaume-Uni concernant le fonctionnement de l’Union européenne, demandes qui si elles sont satisfaites permettrait au gouvernement britannique d’appeler à voter pour le maintien du Royaume dans l’UE lors du référendum qui aura lieu avant fin 2017. Sinon... « Je n'ai aucun attachement sentimental aux institutions de l'UE », a-t-il prévenu.
Si l’on en croit les commentaires, il n’y aurait rien de nouveau dans cette lettre et les demandes seraient imprécises. A priori il n’y aurait pas de quoi fouetter un chat européiste et rien qui puisse gêner l’exécutif européen, sauf éventuellement la revendication d’une période de quatre ans pendant laquelle les immigrants en provenance d’autres pays de l’UE n’auraient pas les avantages sociaux britanniques, car c’est « discriminatoire »…
Il semble que les commentateurs n’aient pas lu la lettre. Car il n’y a pas que cette « discrimination » qui pose problème. En outre, c’est une erreur de perspective de dire que les revendications sont imprécises. Elles sont très précises. Ce qui manque, en revanche, ce sont les solutions juridiques. Parce que, effectivement, Cameron laisse le soin à ses partenaires de les proposer…
La lettre est en quatre points. Le premier concerne la « gouvernance économique ». Ici, c’est Cameron qui s’oppose à la « discrimination » : en l’occurrence la discrimination entre les pays qui ont l’euro et ceux qui ne l’ont pas. Il veut des « principes juridiquement contraignants » qui sauvegardent le marché unique comme véritable marché unique et un « mécanisme de sauvegarde » qui assure que les principes soient respectés.
Il énumère alors sept principes. Qu’il suffise de citer le premier : « L’UE a plus d’une monnaie. » The EU has more than one currency.
C’est, dans la lettre, la première revendication de Cameron. Les commentateurs ne paraissent pas voir (si par hasard ils ont lu la lettre et non la dépêche de l’AFP), que cela commence par quelque chose qui est diamétralement contraire à l’un des principes essentiels du traité européen, lequel stipule que l’UE a une « monnaie unique, l’euro ». Depuis Maastricht, l’UE est l’union de pays qui s’engagent à avoir l’euro comme monnaie parce que l’euro est la monnaie de l’Union.
Pour reconnaître qu’il y a plusieurs monnaies dans l’UE, il faut modifier le traité. Et le modifier en le rendant contraire à ce qu’il est.
Si l’UE accédait à cette première revendication de Cameron, ce serait la fin de l’UE telle qu’elle existe depuis Maastricht, et telle que les idéologues aux commandes veulent qu’elle se fasse.
Ceci va de pair avec le troisième point de la lettre, celui qui est intitulé « Souveraineté », où Cameron demande « d’abord » qu’il soit mis fin à « l’obligation de la Grande-Bretagne de travailler à une union toujours plus étroite, ainsi qu’il est écrit dans le traité ». Mais cette « union toujours plus étroite » est un principe majeur de la construction européenne. Si les Britanniques obtiennent de ne plus y « travailler », c’est la porte ouverte à des revendications identiques d’autres pays, par exemple ceux du groupe de Visegrad (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie) qui n’attendent que cela… sans parler de la Suède, ou du Danemark (qui s’est exempté de tout dès le début), voire des Pays-Bas et de la Finlande… et pour finir il ne resterait rien de « l’union toujours plus étroite »…
Il va donc être fort intéressant, comme je le pensais, de voir ce qui va être proposé à David Cameron…