Dans la série les menteurs :
La nécessité du traité de Lisbonne pour l’élargissement
Nicolas Sarkozy : « Sans traité de Lisbonne, il n’y a pas d’élargissement. »
Ferenc Gyurcsany : « Si nous voulons compléter l’UE avec l’adhésion des pays des Balkans, cela nécessite sans équivoque la modification du cadre mis en place par le traité de Nice. »
Mirek Topolanek : « Tout le monde sait que le traité (de Lisbonne) ne pourra pas entrer en vigueur au 1er janvier 2009 et tout le monde sait que sans amendements le traité existant de Nice ne permettra pas d’élargissements supplémentaires. »
Ursula Plassnik : « La Croatie ne doit pas devenir une victime du rejet du référendum en Irlande. »
Jean-Claude Juncker : « Sans nouveau traité, pas d’élargissement. »
C’est archi-faux. Les dispositions du traité de Nice concernant la pondération des voix des nouveaux membres de l’UE au conseil (etc.) sont renégociées à chaque nouveau traité d’adhésion et font l’objet d’un acte d’adhésion distinct du traité d’adhésion. Si le traité de Nice ne parle que de 27 pays, il n’y a rien qui empêche de faire exactement de même avec un 28e, etc.
Pourquoi cela ? Parce que, comme l’avait établi Georges Berthu (Traité de Nice, l’Europe sans repères, p. 157), la « déclaration relative à l’élargissement de l’Union européenne, précisant la place des futurs membres (les 10 futurs nouveaux plus la Roumanie et la Bulgarie ), au conseil européen, au Parlement européen,à la Commission européenne, etc., « n’a aucune valeur juridique : elle sert uniquement de référence pour la rédaction des futurs traités d’adhésion, qui seuls auront une valeur légale ».
Il y en a une qui a osé dire la vérité : la présidente finlandaise, Tarja Halonen : « Je pense que l’élargissement va se poursuivre », même sans traité de Lisbonne. Puis elle a redit à la presse : « Ne vous inquiétez pas, l’élargissement va continuer comme nous l’avons dit. »
Addendum. Angela Merkel: "Le traité de Nice limite en effet l'Union à 27 membres."
Mais Berlusconi s'est inscrit en faux, affirmant qu'il n'avait "pas de doute" sur l'adhésion de la Croatie. Et le Premier minsitre polonais Donal Tusk s'en est pris violemment à Sarkozy, jugeant "inacceptables" ses propos selon lesquels il n'y aurait pas d'élargisssement sans le traité de Lisbonne, et il a martelé qu'il ne devait pas y avoir "de lien, quel qu'il soit", entre le traité et l'élargissement de l'Union européenne.
Ceux qui ont ratifié
Ils étaient 18, ils sont maintenant 19, après la ratification du Royaume Uni. La déclaration finale du sommet de Bruxelles ne craint pas d’officialiser le mensonge.
Parmi les 19 qui ont ratifié le traité de Lisbonne, il y a l’Estonie. C’était le 11 juin, nous disent les eurocrates et les médias. Mais voilà que le président estonien a signé l’acte de ratification hier, le 19 juin. L’Estonie a donc ratifié hier, et non le 11. Pourtant elle était comptée parmi les pays qui avaient ratifié...
Je rappelle qu’à ma connaissance les présidents polonais et allemand n’ont toujours pas signé l’acte de ratification, et qu’au moment du référendum sur la Constitution européenne, le président allemand n’avait toujours pas signé l’acte de ratification. Pour un pays qui donne des leçons d’européisme, c’est assez croustillant.
La grande découverte
Une fois admis qu’il était urgent d’attendre au moins le sommet d’octobre pour commencer de chercher à entrevoir une solution après le non irlandais, les chefs d’Etat et de gouvernement et leurs diplomates se sont aperçus qu’il y avait aussi un problème tchèque. Sourds et aveugles comme à leur habitude, ils avaient benoîtement rédigé un projet de déclaration finale où ils lançaient un appel tonitruant à la poursuite de la ratification. Mais le Premier ministre tchèque leur a rappelé qu’il était là, et que ce n’était tout simplement pas possible. Il a donc fallu s’atteler à une nouvelle rédaction de la déclaration finale, prenant en compte le scepticisme tchèque.
Ce qui est extraordinaire est que Nicolas Sarkozy manifestait une sincère surprise, la nuit dernière, en découvrant qu’il y avait un problème tchèque. Alors qu’il était à Prague quatre jours avant... Cela veut dire que Sarkozy a été proprement roulé dans la farine par le Premier ministre tchèque, ce qui confirme ce que je dis de ce personnage un peu plus loin.
Il est étonnant de voir à quel point des gens intelligents, entourés d’experts et de diplomates qui connaissent la situation, peuvent être aveuglés par leur idéologie (cela vaut aussi pour les experts et les diplomates, naturellement).
Or donc ils ont appris tout à coup ce qu’ils savaient déjà, mais qu’ils ne voulaient pas intégrer dans leur schéma mental : la République tchèque ne ratifiera pas le traité. Il n’y a pas que l’Irlande. Et cela met tous leurs projets tordus par terre.
Un super-virtuose de la langue de bois
Le sommet de Bruxelles a été l’occasion de découvrir un très grand artiste de la langue de bois : le Premier ministre tchèque Mirek Topolanek (dont a déjà un bel exemple avec ce qu’il dit du traité de Nice). L’homme qui a obligé à reformuler la déclaration finale est aussi celui qui fait de grandes protestations d’européisme : « Mon gouvernement a approuvé le traité de Lisbonne, je l’ai signé. Il est donc assez clair que malgré le fait que le traité de Lisbonne soir un compromis difficile à avaler (sic), je lie ma carrière politique à ce traité. Il est très clair que ce processus va continuer... » Mais... (un ton plus bas), « cela ne veut pas dire que la ratification doive avoir lieu cette année ». Et... (à voix basse) il me faut convaincre certains partis réfractaires dans mon pays... ce qui compromet la ratification pour cette année... encore que, la Cour constitutionnelle pourrait donner son accord en octobre, et alors le traité pourrait être présenté au Parlement en novembre et il pourrait être ratifié en décembre... Elevant la voix : « C’est ce que je suppose et ce que je souhaite. » Plus bas : mais ce n’est pas sûr, d’autant que le non irlandais a renforcé l’opposition au traité dans mon pays, etc. Et en a parte : « Je ne forcerai pas qui que ce soit à voter pour ou contre, mais si le traité était ratifié maintenant, je ne parierais pas une centaine de couronnes sur le oui tchèque... »
Mirek Topolanek ne précise pas que le principal parti « réfractaire » est... le sien, l’ODS, que ce sont des sénateurs de ce parti qui ont immédiatement déféré le traité de Lisbonne à la Cour constitutionnelle, et que celle-ci a soigneusement rangé le traité dans un tiroir... Et surtout il oublie totalement d’évoquer un certain Vaclav Klaus, qui est le président de son pays, et qui a dit clairement que le traité était mort et qu’il n’était pas question de poursuivre la ratification.
Bien sûr les chefs d’Etat et de gouvernement, qui ont été obligés de revoir leur copie à cause de Topolanek, ne sont pas dupes de ses protestations européistes. Et les sous-entendus et les non-dits leur ont éclaté à la figure. Ils ont découvert avec stupeur (comme si l’ODS et Vaclav Klaus avaient parlé pour ne rien dire) que la République tchèque ne ratifierait pas le traité.
On en viendrait presque à compatir aux affres de Sarkozy, disant tout à l’heure : « L’Irlande, c’est un problème, mais si nous avions un deuxième ou un troisième problème, cela deviendrait très difficile.. »
Vous, je ne sais pas. Mais moi, je me régale...