Je me félicite du débat qui a eu lieu sur ce blog, suite à mon texte « Objection » sur la réception du document épiscopal sur l’immigration par le Salon Beige. Et je remercie Lahire et Michel Janva d’y avoir largement participé, avec toute leur pugnacité et leur force de conviction.
Mais je voudrais préciser, une fois pour toutes, que je n’admets pas l’argument d’autorité par lequel on laisse entendre que ceux qui n’adhèrent pas à toutes les virgules d’un document émanant du Saint-Siège sont de mauvais catholiques, ou ne sont pas catholiques du tout.
Fort heureusement, l’Eglise permet de discuter de très nombreuses questions, y compris théologiques (même quand elle y a répondu par un document), et il ne s’agit pas ici de théologie.
Pour prendre un exemple simple et d’actualité, le Concile Vatican II, dans sa Constitution sur la liturgie, a défini les modalités d’une réforme liturgique. Ceux qui ont critiqué cette réforme, et n’ont pas obéi à Paul VI qui avait rendu obligatoires les nouveaux livres liturgiques, ne sont pas de mauvais catholiques, et ne sont pas excommuniés : la preuve en est qu’ils ont aujourd’hui le droit de célébrer selon la liturgie d’avant la réforme.
Rappelons aussi que lorsque le pape Sixte Quint promulgua sa version de la Vulgate parce que l’édition traînait, il y eut de nombreuses critiques, et cette édition fut mise au pilon.
Il serait fastidieux de faire la liste de décisions des autorités de l'Eglise qui ont ensuite été rapportées. Par exemple, pour nous rapprocher de la Doctrine sociale de l’Eglise, la condamnation de l’Action française.
En ce qui concerne le regroupement familial, qui figure en effet dans le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, on peut constater que des références qui sont données, une seule l’évoque à proprement parler : c’est la Charte des droits de la famille, « présentée par le Saint-Siège » en 1983. En son article 12 et dernier. Or la seule référence qui est donnée pour cet article 12 est la Charte sociale européenne. Laquelle n’est pas un document du magistère. Si l’on cherche le degré d’autorité de cet article, le moins qu’on puisse dire est qu’il ne se situe pas très haut.
(On remarquera en passant que l’article 12 parle des « travailleurs émigrés », non de tous les migrants.)
L’Eglise ne demande pas une soumission servile à tout ce qui émane du Saint-Siège. Encore moins, naturellement, à tout ce qui émane des évêques.
La seule règle est la liberté des enfants de Dieu, dans la lumière de la foi et le respect des personnes.
In necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas.
Un « enseignement » qui ne concerne pas la foi et qui apparaît pour la première fois en 1983 ne peut pas être « nécessaire ».
NB 1 Au paragraphe 8 du Compendium est souligné ceci : « En étudiant ce Compendium, il sera bon d'avoir présent à l'esprit que les citations des textes du Magistère sont extraites de documents ayant des niveaux d'autorité différents. À côté des documents conciliaires et des encycliques figurent aussi des discours des Papes ou des documents élaborés par les Dicastères du Saint-Siège. Comme chacun le sait, mais il est bon de le souligner, le lecteur doit être conscient qu'il s'agit de différents niveaux d'enseignement. »
NB 2 Les textes officiels de l’Eglise catholique qui engagent l’Eglise en tant que telle sont en latin. Il n’existe pas de texte latin du Compendium de la doctrine sociale, ni de la Charte des droits de la famille.