Signum Ordinis Sanctae Trinitatis et Captivorum.
Vision de saint Jean de Matha : le Christ et deux captifs. Mosaïque de l’ancien hôpital trinitaire Saint Thoma à Formis de Rome, vers 1210.
Texte du P. Loïc, o.ss.t, de la « Maisonnée de Saint-Cyr »:
L’ordre de la Très Sainte Trinité pour la Rédemption des captifs a été fondé par Saint Jean de Matha en 1198. Né en Provence, maître en théologie à Paris et proche de l’Abbaye de Saint Victor, il cherchait intensément la volonté du Seigneur. Celui-ci lui apparut au cours de l’Eucharistie, occupé à libérer deux captifs. Une mosaïque représente la scène, réalisée à Rome du vivant de notre saint. Jean de Matha se retira alors avec d’autres ermites à Cerfroid, non loin de Meaux. La petite communauté se mit de tout cœur à suivre le Seigneur, dans la pauvreté, l’humilité, la prière, le partage.
On élabora une règle de vie. Les frères en maisonnée devaient réserver le tiers de leurs ressources au rachat des captifs, et partager le reste avec les pauvres. Le pape Innocent III approuva la règle.
Les frères partirent en Afrique du Nord et ramenèrent de nombreux esclaves. Ils portaient une croix rouge et bleue, aperçue lors de l’apparition. Du vivant de Saint Jean de Matha, jusqu’en 1213, une vingtaine de « maison de la Trinité et des captifs » furent ouvertes.
L’ordre se répandit dans toute l’Europe. Des confréries de laïcs se constituèrent pour préparer par la prière, la pénitence et la charité des voyages de rédemption. Tous les deux ou trois ans, quelques frères qualifiés étaient envoyés en ambassade dans les lieux de bagnes.
A travers les difficultés qu’on imagine, ils ramenaient leurs frères en liberté, rachetés par Celui qui dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle mes amis car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » (Jn,15,15) Ils retrouvaient leur vie de fils de Dieu, souvent pris en charge dans les Hôtel-Dieu trinitaires, autour desquels se constituèrent parfois des congrégations féminines, comme à Meaux.
Au XVIe et XVIIe siècles, Saint Simon de Rojas et Saint Jean-Baptiste de la Conception redonnèrent à l’ordre son élan primitif.
Malheureusement, bien que l’un des captifs de la vision, libéré par le Christ, ait été africain, les Trinitaires n’œuvrèrent pas contre la traite africaine. Les à-coups politiques les affaiblirent. La disparition de leur apostolat traditionnel en méditerranée les amenèrent à se tourner vers les missions : au XIXe siècle, c’était un apostolat de la marge, comme celui du XIIe. Il s’agissait d’apporter le Christ et sa libération à ceux qui n’étaient pas en mesure de le recevoir.
Aujourd’hui encore, les deux esclaves arrachés des fers, dans la vision de Saint Jean de Matha, représentent les hommes de partout, plongés sans espérance de salut dans de grandes souffrances, atteints dans les profondeurs de leur humanité, mutilés dans leur vocation de fils au point d’en oublier le Père. Les trinitaires, pendant huit cents ans, ont été envoyés au devant d’hommes captifs de situations déshumanisantes. Ils rejoignirent ce que voulait Saint Jean de Matha : faire rencontrer Dieu dans les réalités de mort, qu’il s’agissait de rejoindre pour y lutter d’espérance, comme un pauvre.
On connait Saint Jean de Matha par les données historiques : le contexte religieux et social de son époque (qui est celle aussi de Saint Dominique et de Saint François) ; sa règle primitive, élaborée et soumise au pape Innocent III ; les bulles faisant état de ses fondations sur le pourtour méditerranéen, au contact du monde musulman ; la mosaïque représentant son expérience mystique primitive ; deux récits des premières générations trinitaires relatant son cheminement spirituel et la fondation de l’ordre. Mais, surtout, son charisme est vivant : don de Dieu, il habite et anime les religieux de chaque époque. C’est lui qui fait connaître et comprendre de l’intérieur le prêtre et le religieux que fut Saint Jean de Matha. Bien connu à travers les nombreux voyages de rédemption opérés par ses frères jusqu’à la fin du XVIIIe siècle (en 1785, encore…), c’est dans la vie des saints de son ordre, religieux, religieuses et laïcs, qu’il nous parle aussi. Au début du 19e siècle, par exemple, la Bienheureuse Anne-Marie Taïgi, à Rome, mère de famille et mystique, a ramené à la foi et à l’amour son mari et ses enfants. Elle illustre par sa vie la transposition, aux défis du moment, de la communion à la Sainte Trinité, source de rédemption des captifs. A travers la famille spirituelle de Saint Jean de Matha, on perçoit et reçoit aujourd’hui la grâce de la charité rédemptrice trinitaire qu’il reçut en propre.
Le 31 juillet 1665, le cardinal vicaire de Rome rend un décret constatant le culte accordé de temps immémorial à Jean de Matha et à Félix de Valois, sentence confirmée par la Sacrée Congrégation des rites le 14 aout 1666 et par le pape Alexandre VII le 21 octobre. La fête du fondateur de l’Ordre de la Très Sainte Trinité est le 17 décembre, anniversaire de sa mort, à Rome, en 1213. Ses reliques sont vénérées au couvent trinitaire de Salamanque, en Espagne, pays de la réforme de l’ordre, au XVIIe Siècle, par Saint Jean-Baptiste de la Conception.
Fr. Loic, o.ss.t.
Sur la résurrection de l’ordre en France, voir ici, et leur site.
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