Le Christ, pour envoyer ses apôtres vers les peuples accablés de souffrances multiples, leur a donné la force de l’esprit, leur a donné un pouvoir céleste, leur a donné la grâce des guérisons; grâce à tout cela, ils parcouraient le monde en rendant la vue aux aveugles, l’usage des jambes aux estropiés, l’ouïe aux sourds, et pour ne pas vous retarder par chacune de ces guérisons, ils rendaient la santé à tous ceux qui étaient atteints d’une maladie; grâce aux dons qu’ils avaient reçus, ils se glorifiaient à leur retour en disant: En ton nom nous avons même soumis les démons (Luc, X, 17). Et le Seigneur de les tempérer par ces paroles: ne vous glorifiez pas parce que vous avez soumis les démons. Réjouissez-vous plutôt parce que vos noms sont écrits aux cieux (Luc, X, 20). Par conséquent, afin qu’ils ne perdent pas par orgueil ce qu’ils avaient acquis par leur peine, et qu’ils ne s’attribuent pas ce qu’ils avaient obtenu par une grâce divine, il les rappelle à l’humilité, qui est la mère de son enseignement, en évoquant cet exemple: qui de vous, s’il a un esclave qui cultive les champs ou qui garde les troupeaux, lui dirait à son retour des champs: entre vite et mets toi à table, et ne lui dit pas plutôt: prépare-moi de quoi dîner, mets ton tablier, sers moi jusqu’à ce que je finisse de manger et de boire puis tu mangeras et boiras à ton tour? Après avoir achevé leur mission et fait montre de grands et nombreux exemples de vertus, les apôtres s’estimaient suffisamment utiles; ils ignoraient qu’ils s’embourbaient dans la fange de la chair, dans la vase de ce corps et qu’ils étaient inutiles; mais ils sont pris en faute lorsque Judas trahit, que Pierre renie, que Jean fuit, que tous abandonnent, si bien qu’il apparaît comme le seul en qui, et le seul par qui existait toute utilité. Mais lorsqu’il dit : et tu mangeras après, il conseille à ses disciples de vivement désirer s’unir au Seigneur après son ascension dans ce bonheur céleste. En tout état de cause, Celui-ci approuve ceux qui auront tout abandonné: il les arme à endurer toute épreuve, les forme aux épreuves de son service. Dès lors, les apôtres ont servi celui qui était à table aussi longtemps qu’ils ont préparé, au milieu des cuisines des pécheurs et des foyers des peuples, en mémoire éternelle, le repas du Seigneur sur les autels de l’Eglise. Celui qui est baptisé connaît ce repas, celui qui ne le connaît pas et désire le connaître, qu’il se fasse baptiser.
Fin du sermon 161 de saint Pierre Chrysologue, traduction de Pierre Sarr. Ce sermon est tout entier un commentaire de « Qui de vous, s’il a un esclave… » et parle de l’esclavage. Il est un important témoignage que l’on doit traduire le grec doulos, le latin servus, par esclave, et non par serviteur.