A propos du mariage reconnu comme nul par le tribunal de grande instance de Lille, les explications du procureur confirment que nous sommes dans un cas d’espèce où la loi française est tournée pour donner raison à l’islam :
« La question ce n’est pas la virginité, c’est la liaison qu’elle a eu avant et qui a été cachée. C’est le mensonge qui motive la décision du juge, ce n’est pas la question de la virginité. »
En droit français, trois vices de consentement peuvent entraîner la déclaration de nullité d’un contrat : l’erreur, le dol, la violence. Le mariage fait exception, en ceci que c’est le seul contrat où le dol ne peut pas être cause de nullité, selon l’adage d’Antoine Loysel (1536-1619) : « En mariage trompe qui peut ». Le sens de l’adage est que la justice n’a pas à mettre son nez dans les manœuvres de séduction entre les futurs conjoints.
En l’occurrence, il y a eu dol, puisque la jeune femme, pour se faire épouser, a menti sur son aventure passée. Puisque le dol n’est pas une cause de nullité de mariage, le tribunal ne pouvait pas donner raison au mari.
Mais puisque « l’honneur » du musulman exigeait que le mariage soit annulé, le tribunal s’est rabattu sur « l’erreur » (ou plus exactement a suivi le raisonnement de l’avocat du mari). Le code civil évoque seulement l’erreur sur les « qualités essentielles » du conjoint. Les qualités essentielles, c’est que le conjoint soit de l’autre sexe et qu’il soit ce que dit son état civil. Tout le reste, ce sont des qualités accidentelles, même si la jurisprudence, comme le déplore Denis Merlin dans un commentaire, va là aussi à la dérive.
Le procureur dit que la question n’est pas la virginité mais le mensonge. Dire la vérité ou ne pas la dire à propos d’un quelconque événement n’est pas du champ des « qualités essentielles » de la personne. Il n’y a donc pas erreur sur les qualités essentielles, il y a dol. Et l’on en revient au point de départ : « en mariage trompe qui peut ».
Le tribunal n’a pas appliqué la loi française, il a fait droit à une demande fondée sur la conception musulmane du mariage. Comme le prouve a contrario qu’aucun chrétien n’a jamais demandé la déclaration de nullité de son mariage pour un tel motif. Et comme l’illustre le récit de Libération, dont la couleur locale n’est pas franchement ch’ti : « Le mariage se fait en grande pompe, comme il se doit. La nuit de noces, le marié découvre que son épouse a menti. Au bout de quelques heures, il débarque au milieu des invités qui sirotent un dernier jus. Il n’a pas de drap taché de sang à exhiber. Son père ramène immédiatement Y, sa belle-fille, chez ses parents. Tout le monde se sent déshonoré. »