Comme il le fait habituellement, le pape a baptisé quelques adultes venus de différentes parties du monde lors de la veillée pascale (qui est en effet aussi une veillée baptismale). Parmi les sept élus, cette année, il y avait Magid Allam, devenu Cristiano (Christian) Magid Allam au lendemain même de son 56e anniversaire. Il est peu connu en France, mais célèbre en Italie, car il est éditorialiste et vice-directeur du Corriere della Serra, et il participe souvent à des émissions de télévision. Or Magid Allam était musulman. Le fait que le pape en personne baptise une personnalité ex-musulmane de premier plan est évidemment un événement de grande importance.
D’autant que Magid Allam suscite souvent la polémique. Certains sont allés jusqu’à le comparer à Oriana Fallaci. En réalité, il se présentait comme un « musulman modéré », et en cette qualité il fustigeait l’islamisme en termes très forts, accusant les pays occidentaux de nourrir les extrémistes et donc le terrorisme. Il dénonçait le « multiculturalisme », l’inconscience islamiquement correcte de la classe politico-médiatique européenne, demandait qu’on en finisse avec la « mosquée-mania », etc.
Ce qui est intéressant est de constater que Magid Allam a quelque peu évolué. Il a fini par constater que le problème n’était pas l’islamisme, mais l’islam lui-même. C’est ce qu’il dit, semble-t-il pour la première fois, dans la longue lettre qu’il a envoyée à son journal : « J’ai dû prendre acte que, au-delà (…) du phénomène des extrémistes et du terrorisme islamique au niveau mondial, la racine du mal est inhérente à l’islam, qui est physiologiquement violent et historiquement conflictuel. »
Il ajoute qu’en acceptant de le baptiser publiquement, le pape « a lancé un message explicite et révolutionnaire à une Eglise qui jusqu’à présent a été trop prudente dans la conversion des musulmans », en « s’abstenant de faire du prosélytisme dans les pays à majorité islamique », « par peur de ne pas pouvoir protéger les convertis face à leur condamnation à mort pour apostasie ».
On constate aussi que le pape a baptisé publiquement un ex-musulman deux jours après que Ben Laden l’a accusé de participer à une « croisade » contre l’islam en compagnie des caricaturistes de Mahomet…
Magid Allam était un des noms les plus souvent cités de « musulmans modérés » susceptibles de faire « évoluer » l’islam et de le rendre compatible avec les valeurs occidentales. Les islamistes faisaient tout pour le discréditer, et sur leurs sites ils le présentent comme un faux musulman, un homme qui en réalité est un copte. Car Magid Allam est d’origine égyptienne. C’est Tariq Ramadan qui a fait circuler cette rumeur, traitant de menteurs ceux qui prétendaient que Magid Allam était musulman. Mais Magid Allam est en effet né de parents musulmans, et il a même fait le pèlerinage de La Mecque en 1991 avec sa mère. (Le prénom Magid, en égyptien, Majid, dans les autres pays arabes, veut dire « glorieux », et il est porté aussi bien par des chrétiens que par des musulmans, d’où la possibilité d’entretenir l’ambiguïté.)
Voilà donc une illusion qui se dissipe. Non, il ne peut pas y avoir d’islam occidentalement correct. L’un de ceux sur qui on comptait le plus, le « musulman modéré » Magid Allam, à force de réfléchir à la question, n’a pas contribué à faire émerger un islam de la modernité, il est devenu chrétien. Au cours de ces années, dit-il, « mon esprit s’est affranchi de l’obscurantisme d’une idéologie qui légitime le mensonge et la dissimulation, la mort violente qui conduit à l’homicide et au suicide, la soumission aveugle à la tyrannie, me permettant d’adhérer à l’authentique religion de la Vérité, de la Vie et de la Liberté ».
Or c’est cet homme-là que le pape a voulu baptiser lui-même, en sachant qui il est, en sachant ce qu’il dit. En outre, le Saint-Siège a souligné l’importance de l’événement et du geste de Benoît XVI, de façon quelque peu paradoxale, par un communiqué censé le relativiser, publié moins d’une heure avant la veillée pascale (alors que la conversion de Magid Allam avait été tenue secrète). Informant la presse que parmi les nouveaux baptisés il y aurait Magid Allam, vice-directeur du Corriere della Serra, le P. Lombardi ajoutait : « Pour l'Eglise catholique, toute personne qui demande de recevoir le baptême après une profonde recherche personnelle, un choix pleinement libre et une préparation adéquate, a le droit de le recevoir. Pour sa part, le Saint-Père confère le baptême au cours de la liturgie pascale aux catéchumènes qui lui ont été présentés, sans faire d'“acception de personne”, c'est-à-dire en les considérant tous également importants devant l'amour de Dieu et bienvenus dans la communauté chrétienne. »
Magid Allam est protégé par une escorte policière depuis cinq ans, car il est condamné à mort par une fatwa, comme falsificateur de l'islam, et aussi menacé de mort par le Hamas en raison de ses prises de position pro-israéliennes. Désormais il sera aussi menacé de mort comme véritable apostat de l’islam. « Je réalise ce à quoi je m'expose mais je vais faire face à mon destin la tête haute et avec la force intérieure de quelqu'un qui est sûr de sa foi », dit-il.
Pour l’heure, les autorités musulmanes italiennes font plutôt profil bas, soulignant que Magid Allam est adulte et libre de faire ce qu’il veut… « Ce qui m'étonne, c'est l'importance que le Vatican a donnée à cette conversion », a toutefois ajouté Yahya Pallavicini,vice-président de la communauté religieuse islamique italienne…