Et il leur disait : Amen, je vous dis qu’il y en a certains de ceux qui se tiennent ici qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le royaume de Dieu venu avec puissance.
Ce propos du Christ (ici traduit de saint Marc 9,1 dans le texte grec, 8,39 dans la Vulgate) se trouve chez les trois synoptiques juste avant le récit de la Transfiguration. Je découvre avec stupéfaction cette note du chanoine Osty (dont l’opinion doit sans doute être partagée par la plupart des exégètes modernes) :
« Interprétation difficile. De quelle “venue” s’agit-il ? effusion de l’Esprit Saint et rapide diffusion du christianisme, chute de Jérusalem centre du judaïsme ? »
Aucune allusion au fait que les pères ont expliqué que Jésus annonçait ce qui allait se passer « après six jours » : la Transfiguration, où en effet trois apôtres virent « le royaume de Dieu venu avec puissance », Jésus dans sa gloire céleste, comme il viendra à la fin du temps pour instaurer avec puissance le Royaume.
Cette interprétation est tellement traditionnelle qu’Eusèbe de Césarée, au début du IVe siècle, à une époque où il n’y avait ni chapitres ni versets, indique dans ses canons de concordance que l’épisode de la Transfiguration, chez les trois synoptiques, commence par ce propos du Christ. Il était donc déjà admis par tous, à cette époque, que la prophétie de la venue dans la gloire concernait la Transfiguration.
Certes, chacun peut chercher une autre interprétation, mais ce qui est ahurissant est d’écarter d’emblée (sans même le dire) l’interprétation traditionnelle, pour dire qu’on ne sait pas ce que ça veut dire…
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Ensuite, Osty traduit: « Et, six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, et Jacques, et Jean, et les emmène sur une haute montagne, à l'écart, seuls. Et il fut transformé devant eux. »
Et il met en note: « Cette "transformation", appelée souvent "Transfiguration", consiste dans l'abandon momentané de la "forme" d'homme, remplacée par une autre "forme" (...) par "forme" il faut entende la manifestation visible de la nature invisible. »
Ainsi doit-il se livrer à une explication poussive et embrouillée pour justifier une traduction qui ne se justifie pas. Dès les premières traductions latines on avait "transfiguratus est". Le verbe grec est "métamorphoo", et le dictionnaire Bailly, qui n'est pas un dictionnaire catholique mais de l'université laïque, traduit par "métamorphoser", et, « au passif, être transfiguré »...