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Saints Prote et Hyacinthe

En 1845, le P. Marchi dirigeait des fouilles dans la catacombe de Saint-Hermès. Le soir du vendredi saint, 21 mars, un des terrassiers vint le trouver, tenant à la main un papier sur lequel se lisaient ces mots : DP. III. IDVS SEPTEBR. YACINTHVS MARTYR, copiés d’après une pierre fermant un tombeau. Le savant jésuite, qui croyait avec tout le monde que les corps des deux martyrs avaient été transportés dans Rome, par conséquent que le tombeau d’Hyacinthe avait été ouvert, demeura fort surpris. Cependant il se rendit, deux jours après, dans le cubiculum où la découverte avait eu lieu, constata que le marbre était bien en place, que les mots copiés s’y lisaient, et que le sépulcre était clos. De plus, il ramassa parmi les décombres un fragment de dalle de marbre, portant cette épitaphe en caractères damasiens : SEPVLCRVM PROTI M(artyris).

Le doute n’était plus possible : la chambre, comme l’indiquaient, du reste, les deux escaliers qui y menaient, le vaste luminaire qui l’éclairait, avait contenu les sépultures des célèbres martyrs : l’un d’eux y dormait encore.

Une question restait à résoudre : pourquoi, en retirant de la catacombe le corps de saint Protus, y laissa-t-on celui de saint Hyacinthe? La réponse devint facile quand, le 19 avril, le P. Marchi fut venu ouvrir le tombeau, accompagné du sacristain du Pape, de plusieurs dignitaires ecclésiastiques, et de quelques terrassiers. Une des restaurations faites dans la chapelle, soit au quatrième siècle, par le pape Damase, soit à la fin du cinquième, par le pape Symmaque, avait été un pavage entièrement nouveau, construit en tuf et en ciment : dans ce lieu humide, exposé par un luminaire à toute l’action des éléments, ce sol artificiel ne tarda pas à prendre la dureté de la pierre. Le tombeau de saint Hyacinthe avait été creusé dans la muraille, au niveau de la plus basse rangée des loculi. A l’origine, il était au-dessus du sol ; quand le nouveau pavage eut été superposé à l’ancien, le tombeau se trouva comme prisonnier, le niveau du sol arrivant maintenant au milieu de son ouverture, et le fermant à moitié. Pour enlever la plaque de marbre qui closait la bouche du loculus, il eût fallu briser une partie de ce pavage devenu si dur : or, comme le tuf dans lequel cette chapelle est creusée n’a aucune consistance, il était évident qu’une fois ce soutien enlevé et le tombeau ouvert, tout un côté de la muraille devait s’écrouler. Cela arriva, en effet, quand le P. Marchi eut fait l’ouverture : au bout de quelques jours l’éboulement eut lieu : la chambre n’est plus aujourd’hui qu’un amas de ruines. Évidemment, la crainte d’un tel désastre avait empêché d’ouvrir le tombeau de saint Hyacinthe en même temps que celui de saint Protus, qui occupait probablement une place plus favorable.

Le tombeau nouvellement découvert était une toute petite niche, qui ne correspondait pas aux dimensions de la pierre de forme oblongue, semblable à celle des loculi ordinaires, par laquelle il était fermé. Un corps entier n’eût pu y être inhumé. A première vue, cette cavité parut ne contenir que de la boue. Les assistants purent craindre que tant de surprise et d’espérances n’aboutissent à une déception. Le P. Marchi les rassura : il expliqua que, toutes les fois que l’eau de pluie pénétrait par un luminaire, elle entraînait des parties considérables du sol extérieur : une boue liquide finissait ainsi par s’insinuer dans les tombes ouvertes au niveau du pavé : mais, si elle dissolvait les ossements mous et encore peu formés des enfants, elle était sans action sur ceux d’un homme fait, comme saint Hyacinthe. En effet, l’explorateur, dégageant avec un roseau la couche de boue qui remplissait la niche, découvrit bientôt quelques cendres, mêlées d’ossements qui tous paraissaient avoir subi l’action du feu. Un subtil parfum d’essence de roses s’en exhalait encore après tant de siècles.

Quand ces reliques eurent été transportées dans le palais du Pape et examinées en pleine lumière, le P. Marchi remarqua, mêlés à la terre et aux ossements, quelques fils d’or entrelacés. Il les recueillit, et les soumit à l’examen d’un professeur de sciences naturelles, qui déclara que le corps avait été enveloppé dans une étoffe précieuse, soit drap d’or, soit toile ou soie brodée d’or, il ne pouvait décider lequel, le tissu ayant péri et quelques fils d’or seuls ayant été conservés. Dans beaucoup de tombes des cimetières souterrains ont été ainsi trouvés de fragments d’étoffe d’or, soit le vêtement du mort, soit le linceul où il avait été enseveli.

Une autre circonstance de la sépulture de saint Hyacinthe reste à expliquer. Le tombeau du martyr est un simple trou, creusé presque au niveau du sol, dans la chambre funéraire. Comment les premiers fossores ne songèrent-ils pas à lui donner des dimensions plus convenables et une place plus digne? L’explication de cette apparente négligence est dans la date même du martyre. Valérien est le premier persécuteur qui ait interdit aux chrétiens l’entrée des cimetières sous peine de mort. On comprend que des fidèles, s’introduisant en secret dans une catacombe, porteurs de quelques ossements et de quelques cendres ramassés dans le bûcher, aient enfoui à la hâte, dans une cavité rapidement creusée, ce précieux dépôt. Cependant une seconde question se pose. Comment, après la persécution, et particulièrement a l’époque où le sol de la crypte fut exhaussé au point de recouvrir presque entièrement le tombeau d’Hyacinthe, ne songea-t-on point à transférer les reliques de ce saint dans un lieu plus convenable? Il est évident, répond M. de Rossi, que même dans des circonstances si exceptionnelles on n’osa pas changer le lieu de la sépulture. Cet exemple montre mieux que tout autre quel fut le scrupule des premiers fidèles, qui craignaient de troubler de quelque manière le repos des saints, cineres sanctos vexare piorum. Et quand, plus tard, ce scrupule ayant cessé, on transporta des tombes primitives jusque dans Rome les corps des martyrs, ce qui restait de celui d’Hyacinthe demeura oublié, le tombeau restant presque entièrement caché par l’exhaussement du sol de la crypte.

Paul Allard, Les dernières persécutions du troisième siècle

Commentaires

  • Très heureux de pouvoir vous relire ! Et bon rétablissement !

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