Le corps du saint Padre Pio est exposé depuis hier dans la crypte de son couvent de San Giovanni Rotondo. L’exhumation avait eu lieu dans la nuit du 2 au 3 mars, pour la reconnaissance canonique qui aurait dû avoir lieu avant sa canonisation par Jean-Paul II en 2002, mais n’avait pas été faite.
Lorsque l’on ouvrit son cercueil, on constata que, 40 ans après sa mort, son corps était intact. Surtout ses mains, les mains des stigmates, « aussi lisses que si elles sortaient de chez le manucure », selon l’expression de Mgr d’Ambrosio, qui présidait à l’exhumation. (Les stigmates avaient subitement disparu au moment de sa mort.)
L’AFP a publié deux longues dépêches sur l’événement, mercredi et jeudi. La deuxième est fielleusement anticatholique. La journaliste se croit manifestement autorisée à débiner le Padre Pio et l’Eglise parce que l’on avait annoncé 50.000 personnes dans un premier temps, puis 15.000, et qu’il n’y en avait que « quelques milliers » à participer à la messe célébrée par le cardinal Martins.
La dépêche donne ensuite néanmoins l’explication. Cette journée d’inauguration était quasiment réservée aux officiels. Mais il y a 750.000 réservations pour vénérer le corps du saint dans les prochaines semaines, et les hôtels affichent complet.
La dépêche souligne que Jean-Paul II a béatifié et canonisé le Padre Pio en « un temps record auquel un pape pourtant aussi populaire que Jean XXIII n’a pas eu droit ».
Dans la première dépêche on nous disait : « Les démêlés de Padre Pio avec le Vatican ont alimenté plus que contrarié le culte de la personnalité dont il jouissait : le pape Jean XXIII, sceptique quant à l’authenticité des stigmates, avait commandé une enquête médicale et strictement encadré les activités du bouillant capucin. Ces mesures étaient annulées en 1964. »
Ce qui est repris ainsi dans la deuxième dépêche : « Les sceptiques n’ont pourtant jamais manqué sur l’authenticité de ses blessures et des miracles qu’il accomplissait, même au Vatican qui a diligenté plusieurs enquêtes. Mais la piété populaire, baptisée par d’autres superstition, a eu le dessus. » Sic.
Or la question de l’authenticité des stigmates du Padre Pio est réglée depuis... 1920, quand le Dr Romanelli, à la demande du Saint-Office, après l’avoir examiné à plusieurs reprises, constata : « La blessure du thorax montre clairement qu'elle n'est pas superficielle. Les mains et les pieds sont transpercés de part en part. Je ne peux trouver une formulation clinique qui m'autorise à classer ces plaies. » Cette même année 1920, puis en 1925, le Dr Festa conclut à « des phénomènes, reliés harmonieusement entre eux, qui se soustraient au contrôle des recherches objectives et de la science ».
Ce qui est vrai est que le Padre Pio fut persécuté par le Vatican. Malgré les études médicales, le Saint-Office, déclara en 1922 « ne rien constater de surnaturel dans les faits qui lui sont attribués », et lui interdit tout exercice du ministère, à l’exception de la messe en privé. Au cours des années 30 ces mesures furent peu à peu rapportées, mais il y eut une nouvelle vague de persécutions dans les années 50 et 60, et l’on alla jusqu’à poser des micros dans son confessionnal, ce qui est un sacrilège. Périodiquement des « spécialistes » le décrivaient comme un « hystérique » qui se blesse lui-même intentionnellement. Au mieux un malade, au pire un escroc. En 1960, Mgr Carlo Maccari écrivit un rapport de 200 pages, qui ne fut jamais publié, mais qui était un réquisitoire allant jusqu’à prétendre, dit-on, que le religieux avait des relations sexuelles deux fois par semaine avec une femme. « Les potins du Vatican disaient que le dossier de Maccari constituait un obstacle insurmontable à la canonisation de Padre Pio. », commentait le National Catholic Reporter.
C’est Paul VI qui mit fin à la nouvelle vague de persécutions en 1964. Mais, dès l’année suivante, le Padre Pio s’en prenait violemment à l’aggiornamento et rejetait la nouvelle messe (ad experimentum), demandant, et obtenant, d’en être dispensé.
Je me souviens d’avoir parlé du Padre Pio à un prêtre qui me disait que nous ne verrions jamais sa canonisation, malgré son évidente sainteté. Ce bon et admirable prêtre est en effet mort avant la béatification du Padre Pio. Mais Jean-Paul II a établi pour l’éternité la sainteté de ce religieux dans des délais qui paraissaient de fait humainement impensables, vu ce qui s’était passé...