Il nous faut maintenant expliquer ces paroles de Notre Seigneur : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera ». Déjà, dans les premières parties de ce discours de Notre Seigneur, et à l'occasion de ceux qui demandent certaines choses au Père au nom de Jésus-Christ et ne les reçoivent pas, nous avons dit que demander quelque chose de contraire au salut, ce n'est pas demander au nom du Sauveur ; car lorsque Jésus a dit : « En mon nom », il a voulu faire allusion, non pas au bruit que font les lettres et les syllabes, mais à ce que ce son signifie et représente réellement. Ainsi celui qui pense de Jésus-Christ ce qu'il ne doit pas penser du Fils unique de Dieu, ne demande pas en son nom, bien qu'il prononce les lettres et les syllabes qui composent son nom; il demande au nom de celui dont il se fait l'idée au moment où il formule sa demande. Pour celui qui pense de Jésus-Christ ce qu'il en doit penser, il demande en son nom, et il reçoit ce qu'il demande, s’il ne demande rien de contraire à son salut éternel. Mais il le reçoit quand il doit le recevoir. Il est certaines choses qui ne sont pas refusées, mais qui sont différées, pour être données dans un temps opportun. Il faut donc entendre que, par ces paroles. « Il vous donnera, à vous », Notre Seigneur a voulu désigner les bienfaits particuliers à ceux qui les demandent. Tous les saints, en effet, sont toujours exaucés pour eux-mêmes, mais ils ne le sont pas toujours pour tous, pour leurs amis, leurs ennemis, ou les autres; car Notre Seigneur ne dit pas absolument : « il donnera », mais : « il vous donnera à vous ».
« Jusqu'à présent », dit Notre Seigneur, « vous n'avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit entière. Cette joie qu'il appelle une joie pleine, n'est pas une joie charnelle, mais une joie spirituelle, et quand elle sera si grande qu'on ne pourra plus rien y ajouter, alors elle sera pleine. Donc tout ce que nous demandons pour nous aider à obtenir cette joie, il faut le demander au nom de Jésus-Christ, si nous comprenons bien la grâce divine, et si nous demandons vraiment la vie bienheureuse. Demander tout autre chose, c'est ne rien demander. Sans doute, il y a autre chose; mais en comparaison d'une si grande chose, tout ce que nous pourrions désirer n'est rien. On ne peut pas dire, en effet, que l'homme n'est rien, et cependant l'Apôtre dit de lui : « Il pense être quelque chose, et il n'est rien ». Car, en comparaison de l'homme spirituel qui sait que c'est par la grâce de Dieu qu'il est ce qu'il est, celui qui s'abandonne à de vains sentiments de lui-même n'est rien. Ainsi on peut très bien entendre que, dans ces paroles : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous demandez quelque chose au Père en mon nom, il vous le donnera », Notre Seigneur, par ces mots « quelque chose », a voulu parler, non pas de toute sorte de choses, mais de quelque chose dont on ne puisse dire que ce n'est rien en comparaison de la vie éternelle. Ce qui suit : « Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en mon nom », peut s'entendre de deux manières. Ou bien vous n'avez pas demandé en mon nom, parce que vous n'avez pas connu mon nom comme il doit être connu; ou bien vous n'avez rien demandé, parce qu'en comparaison de ce que vous deviez demander, ce que vous avez demandé doit être regardé comme rien. Aussi, pour les exciter à demander en son nom, non pas rien, mais une joie pleine (car s'ils demandent autre chose, cette autre chose n'est rien), il leur dit : « Demandez, et vous recevrez, afin que votre a joie soit pleine » ; c'est-à-dire, demandez en mon nom que votre joie soit pleine, et vous le recevrez. Car les saints qui demandent avec persévérance ce bien-là, la miséricorde divine ne les trompera pas.
(Saint Augustin)