Il y a quelque chose de fascinant dans les résultats du premier tour de la présidentielle.
Ce qui est fascinant est d’abord la fascination qui a été exercée par des ectoplasmes sur l’électorat.
Comment est-il possible que ce vide abyssal arborant un sourire forcé, étiqueté « Ségolène Royal », ait pu séduire tant d’électeurs ? Comment est-il possible que le discours mécanique qui sortait de ce faux sourire, mêlant vieilleries socialistes et compassion de bazar, assénant des catalogues interminables de promesses et de « priorités » qui s’entrechoquaient, ait produit un effet aussi hypnotisant ?
Comment est-il possible que l’ambition personnelle incarnée, étiquetée « Nicolas Sarkozy », ait pu séduire encore plus d’électeurs ? Comment est-il possible que près d’un tiers des électeurs aient apporté leur voix à cet homme qui change de discours comme de chemise, et qui a apporté la preuve irréfutable que dans les domaines relevant du ministère de l’Intérieur, qui ne sont pas de moindres puisqu’il s’agit de l’insécurité et de l’immigration, il a été incapable de faire quoi que ce soit ?
Comment est-il possible que tant d’électeurs aient cru à cette farce grotesque du terne cheval de retour de la démocratie chrétienne laïcisée, étiqueté « François Bayrou », se fardant en homme de la nouveauté politique au-dessus du clivage droite-gauche ?
Mais, surtout, comment est-il possible que les Français aient plébiscité le système UMPS responsable de la décadence de leur pays, de l’invasion migratoire, de la faillite des finances, de la destruction économique, de l’effondrement social, de la disparition progressive de la souveraineté nationale dans un magma international totalitaire ?
On dira, et Jean-Marie Le Pen a eu raison de le souligner, que les deux grandes vedettes de cette élection sont venues l’une et l’autre sur le terrain du Front national, et ont repris sans vergogne des thèmes qui étaient honnis jusque-là, parce qu’ils étaient ceux du Front national. Ils ont entonné la Marseillaise et déployé les drapeaux tricolores, ils ont parlé de l’identité nationale à défendre... Mais c’était tellement artificiel et c’était tellement contraire à leurs parcours politiques, à leurs références idéologiques, à leurs pratiques quand ils sont au pouvoir...
Selon un sondage, ceux qui ont voté Sarkozy avaient pour première préoccupation l’immigration. C’est ahurissant. Sarkozy a été pendant des années le ministre de l’immigration. Ministre d’Etat. Donc avec les pouvoirs les plus étendus. Non seulement il n’a rien fait, mais il a promis qu’il mettrait en place une immigration choisie. Encore plus d’immigration, conformément aux consignes de l’Union européenne qu’il a reprises à son compte.
Ce qui est fascinant, sur un plan plus fondamental, c’est d’être témoin du caractère inexorable de la décadence. On a vu dans l’histoire de nombreuses décadences de peuples et de civilisations. C’est une constante que rien ne semble jamais pouvoir contrarier le mouvement qui conduit à l’abîme. Il peut y avoir des soubresauts, il peut y avoir des rémissions, mais le mouvement continue, jusqu’à la chute finale et l’émergence, dans des crises redoutables, d’autre chose.
C’est ainsi dans la grande majorité des cas. Ce n’est toutefois pas « fatal », car il n’y a pas de fatalité dans l’histoire humaine. Mais il faut un sursaut véritablement historique pour qu’il en soit autrement. Un sursaut qui change l’histoire, qui la retourne : une révolution.
Jean-Marie Le Pen est le seul qui puisse enrayer la chute et conduire une révolution nationale. Mais les citoyens, fascinés par le déclin, ont peur de celui qui leur dit la vérité. Ils ont eu tellement peur de rééditer le « choc » de 2002 qu’ils ont massivement porté leurs suffrages sur les ectoplasmes fourriers de la décadence. C’est effarant, mais c’est ainsi.
Il reste que la situation aujourd’hui est la même que celle d’hier. Et que le pire n’est jamais vraiment sûr. Ce n’est pas par hasard que Jean-Marie Le Pen a fait de Jeanne d’Arc la grande inspiratrice de son action, et qu’il célèbre chaque année l’héroïne de la patrie. La geste de Jeanne d’Arc est précisément l’un des rares exemples historiques d’un coup d’arrêt au déclin fatal. L’exemple que la France presque morte, en état de coma dépassé, peut renaître.
Puisqu’il n’y a pas de fatalité, même quand tout paraît désespéré, la seule attitude que l’on puisse avoir est de continuer le combat. Inlassablement. En résistant à la fascination du désespoir qui susurre qu’« il n’y a plus rien à faire ». En espérant que ce « peuple souverain », qui accorde aujourd’hui massivement ses suffrages à ceux qui bradent sa souveraineté, comprenne très vite à quel point il s’est fourvoyé.