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A propos des limbes

Lors de l’assemblée plénière de la Commission théologique internationale, qui s’est tenue au Vatican au début de ce mois, les théologiens catholiques ont poursuivi leur réflexion engagée en 2004 et portant jusqu’en 2008 sur différents thèmes, notamment les limbes.

Contrairement à ce que l’on a pu lire ici ou là, ils sont arrivés à une première conclusion : « L'idée des limbes, comme lieu auquel sont destinées les âmes des enfants morts sans baptême, peut être abandonnée sans problème de foi », car elle n'est « ni essentielle, ni nécessaire ».

Ce n’est pas une surprise. Les limbes ne figurent pas dans le Catéchisme de l’Eglise catholique promulgué par Jean-Paul II, et le cardinal Ratzinger, dès 1984, s’était prononcé pour l’abandon de cette « hypothèse théologique » qu’il jugeait « problématique ».

L’hypothèse des limbes a une longue histoire, mais elle a surtout pris corps au moyen âge, notamment avec saint Thomas d’Aquin, et s’est peu à peu imposée, au point d’être enseignée dans le catéchisme de saint Pie X.

Mon opinion personnelle (mais je ne suis pas le seul à le penser) est qu’il ne s’agit pas d’une hypothèse mais d’une erreur, due au développement d’une théologie occidentale de plus en plus rationalisante et, en matière eschatologique, judiciaire, qui tente de mettre le mystère en fiches, en diagrammes et en verdicts au lieu de le contempler (rappelons que les orientaux appellent théologie, au sens propre, la contemplation).

Le Christ est mort et ressuscité pour sauver tous les hommes. Il a déchiré le chirographe de la dette que nous avait légué Adam. Il est la lumière qui illumine tout homme venant en ce monde. Pour être damné, il faut refuser cette lumière. L’enfant qui vient de naître ne le peut pas. Il ne peut donc pas être damné, même à la peine ultra-allégée des limbes. Le baptême confère le salut, mais cela n’implique pas que celui qui n’a pas pu être baptisé soit damné : « Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné. » Le baptême n’apparaît pas dans la deuxième partie de la phrase, alors que le parallélisme entre les deux propositions impliquerait logiquement qu’il y soit. C’est celui qui ne croira pas qui sera condamné, non pas celui qui ne sera pas baptisé. Dieu est amour, Dieu est miséricorde, il ne peut pas laisser dans un « lieu » (quelle drôle d’expression) tel que les « limbes » (en « bordure » de l’enfer !) les âmes d’enfants qui n’ont pas pu refuser sa grâce.

Les limbes sont une insulte à l’amour de Dieu, à la miséricorde de Dieu, et à la toute-puissance de Dieu, qu’on veut réduire à la mesure de notre petit cerveau. Je me souviens d’avoir entendu Jean-Marie Paupert, pourtant fervent thomiste, traiter d’imbéciles (au sens propre du mot) les partisans des limbes.

Cela me fait penser à l’immaculée conception. Saint Thomas d’Aquin, et de nombreux autres théologiens, avaient montré, par un raisonnement impeccable (c’est le cas de le dire) que l’immaculée conception était impossible. Parce que si l’on raisonne selon les catégories de la raison humaine, elle est effectivement impossible : aucune créature humaine ne peut échapper au péché originel. N’empêche que la Mère de Dieu a méchamment taclé saint Thomas d’Aquin lorsqu’elle a dit à Bernadette : Je suis l’Immaculée Conception. En disant cela elle ne confirmait pas seulement le dogme que venait de définir le pape : elle ne disait pas seulement qu’elle avait été conçue sans péché, mais qu’elle est elle-même la Conception immaculée. Ce qui est impossible à « comprendre ». Et pourtant « l’explication » se trouve dans la liturgie de la sainte Vierge, qui fait de Marie comme une incarnation de la Sagesse éternelle. Elle se trouve dans le mystère d’une femme dont la conception se situe hors du temps, donc « en amont » du péché originel, et qui est elle-même cette Conception, dans le Saint-Esprit.

Il y a des domaines où il faut arrêter de raisonner. Et passer à la vitesse supérieure : l’adoration. Et cela, c’est la vie éternelle. Il n’y a pas de « lieu » qui s’appelle les limbes, mais le paradis n’est pas non plus un « lieu » « après la mort », le paradis c’est connaître et aimer Dieu dans la prière et la contemplation, vivre en Dieu. Ici et maintenant. (Cela se trouve noir sur blanc dans l’Evangile.) Le paradis n’est pas plus un lieu que l’éternité n’est une durée. Il faut se dégager de l’espace-temps pour comprendre quelque chose au mystère divin. C’est très difficile, mais nous avons des outils extrêmement performants pour cela : la prière et les sacrements, et d’abord la messe qui nous met en contact direct avec « l’au-delà ».

Commentaires

  • Vous me semblez faire quelques erreurs simplificatrices. En particulier vous semblez oublier que la Foi ne s'oppose pas à la raison, sinon elle serait contre nature. Elle complète la raison en faisant connaître à l'homme ce que son intelligence est incapable de connaître par elle-même. Mais elle ne la contredit pas.
    Pour reprendre votre exemple de l'Immaculée Conception, cela ne s'oppose en rien à la raison humaine. C'est un point qui était problèmatique vu que pour ses partisans (Dus Scott en particulier) il était inconcevable du pint de vue humain que la Mère du Christ ait pu être pécheresse, fusse du seul péché originel et pour ses opposants (surtout St Thomas d'Aquin) il était inconcevable qu'elle ne bénéficie pas des mérites de son Fils sur la Croix. Sur le plan de la raison, les deux points de vue sont acceptable, mais la raison ne peut en savoir plus. Et le dogme de l'Immaculée Conception, promulgué par le BxPie IX enseigne que les deux points de vue doivent être acceptés : c'est par anticipation des mérites du Christ (et donc par eux) que Marie a reçu le privilège de l'Immaculée Conception, elle est donc, elle aussi, sauvée par son Fils. L'objection que posait St Thomas est donc résolue.

    Si on revient au problème des limbes, il faut commencer par dire que parler de peine pour les limbes est une erreur. Pour qu'il y ait peine, il faudrait qu'il y ait privation. Or, sans la grâce reçue par le baptême, il est impossible à l'homme d'avoir la vision béatifique. Les enfants morts sans baptême n'ayant jamais eu cette grâce (et donc ne l'ayant pas perdue) ne seraient pas privés de la vision béatifique mais jouieraient du plus grand bonheur possible naturellement pour l'homme.
    Bien évidemment, Dieu peut, par pure libéralité, leur donner la grâce. Mais nous ne le savons pas. Et le vrai problème qui se pose est celui du baptême des enfants en bas âge. Si les enfants morts avant l'âge de raison ont la vision béatifique, on peut attendre qu'ils aient l'âge de raison pour les faire baptiser. Voilà l'enjeu de ce débat. On ne peut que comprendre l'argument des partisans des limbes : quelle responsabilités que d'en supprimer la possibilité.
    Mais ne doutons pas que l'Eglise dans sa décision répondra de manière adéquate a toute les objections.

  • Trois brèves réponses au chercheur masqué (pourquoi masqué ?).

    Saint Augustin : les enfants morts sans baptême subissent « la peine la plus douce ». Saint Thomas d’Aquin : « toute douleur est exclue de leur peine. » (car c’est une peine d’être privé de la vision béatifique, mais les âmes prétendument dans les « limbes » n’ont pas conscience de cette privation – ce qui, franchement, est aberrant).

    Immaculée Conception : « Il fallait, avant que la Vierge Mère de Dieu fût conçue par Anne, sa mère, que la grâce eût fait son œuvre et donné son fruit ; il fallait que celle qui devait concevoir le Premier Né de toute créature fût elle-même conçue Première Née. » (bulle de Pie IX).

    La foi ne s’oppose pas à la raison. Mais la raison déraille quand elle tourne sur elle-même, en roue libre, en se déconnectant du Logos, qui est mystère infiniment supérieur à la raison humaine. C’est le cas pour l’invention des limbes, comme pour le refus de l’immaculée conception.

  • Merci de vos réponses (masqué date du mois de févirier où il était difficile pour nous d'accèder à nos bureaux dans les facultés, je l'ai gardé depuis).

    Cependant, il ne faudrait pas confondre la position de Saint Augustin, pour qui les limbes font partie de l'Enfer, et celle de Saint Thomas, pour qui elles sont distinctes du Paradis et de l'Enfer.
    Je ne suis pas sûr qu'on puisse parler , au sens strict, de privation mais plutôt d'absence de la vision béatifique. L'arbre don la nature ne comporte pas de voir n'est pas privé de la vue, en revanche l'aveugle en est privé parceque la nature humaine comporte la vue. Or la nature humaine ne comporte pas la vision béatifique qui est pur don de Dieu, auquel nous dispose le baptême. Tout ceci pour dire que les limbes sont une hypothèse possible.Elles ne seront jamais une certitude car Dieu peut leur communiquer la Grâce s'Il le souhaite. Cependant peut-être que l'Eglise arrivera à la certitude que les enfants morts sans baptême ont, par une Grâce spéciale la vision béatifique. Mais, en attendant cette certitude que seule l'Eglise peut nous fournir, il me semble plus charitable de dire que les limbes sont une possibilité car tant que cette possibilité existe, différer un baptême est d'une grande témérité.

    Immaculée Conception : la définition dogmatique donne très précisément : "Nous déclarons, Nous prononçons et définissons que la doctrine qui enseigne que la Bienheureuse Vierge Marie, dans le premier instant de sa Conception, a été, par une grâce et un privilège spécial du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée et exempte de toute tache du péché originel, est révélée de Dieu, et par conséquent qu'elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles". Lumen Gentium rapelle d'ailleurs que la Vierge Marie a été « rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils ». Ceci pour dire que le raisonnement de Saint Thomas n'était justement pas impeccable, la nécessité du rachat de tous les hommes par le Sacrifice de la Croix ne s'opposant pas l'Immaculée Conception qui est la forme que prend se rachat pour la Très Sainte Vierge Marie.

  • S'il est difficile et même téméraire de se "représenter" le paradis, je pense que le dogme de la résurrection des corps implique D'UNE CERTAINE MANIÈRE un espace et le fait que cette résurrection ait un commencement implique D'UNE CERTAINE MANIÈRE un temps.
    Merci de nous avoir permis cet échange.

  • Cher Monsieur,

    Le compendium de Benoît XVI recommande à la miséricorde de Dieu les âmes des enfants morts sans baptême avant l'âge de raison, plus précisément avant d'avoir pu poser un acte responsable.

    En ne parlant plus de limbes, on allège la question mais on n'y répond pas car nous ne savons pas quelle est la volonté de Dieu pour ces êtres morts sans la grâce. Vous prenez d'ailleurs l'exemple de l'Immaculée Conception. C'est très significatif. Les enfants naissent sans la grâce.

    Alors, en dehors du baptême qui n'est pas un rite symbolique mais un sacrement qui donne vraiment la grâce de par la volonté libre de celui qui la demande de Dieu et le donne à celui qui ne peut la refuser par une vonlonté contraire, comment une âme sans acte de volonté élairée peut-elle la recevoir ? Nous ne savons pas. Nous ne pouvons pas affirmer qu'elles auront certainement la vision face à face du "ciel". Nous les recommandons à la miséricorde de Dieu.

    Donc, dans ce doute, il faut faire tout son possible pour baptiser un enfant et lui donner la grâce qu'il n'a pas contrairement à Marie dès sa conception.

    Unin de prière

  • Je remercie le P. Guelfucci pour ses remarques. Ily avait déjà eu plusieurs commentaires (notamment sur Le Salon Beige) pour insister sur le baptême des petits enfants. Ce n'était pas mon propos, entièrement centré sur les limbes. Mais je profite de l'occasion, puisque certains ont semblé troublés à ce sujet, pour dire que bien évidemment, quoi qu'on pense des limbes, il faut baptiser les petits enfants.

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