Enfin c’en est fini des jongleries sur les « points non négociables » de Benoît XVI. Fini de comparer la carpe et le lapin, de multiplier les arguties et de bavarder sur le meilleur des mondes. Désormais il reste deux candidats, qui tous deux sont ouvertement des candidats de la culture de mort. De ce côté-là, on est donc tranquille avec ces bons cathos qui trouvaient que Le Pen était trop ceci ou pas assez cela, qui ont donc voté Villiers ou se sont abstenus, et qui ont donc gonflé le score de Villiers et celui de l’abstention à un point qui laisse pantois...
C’en est fini jusqu’au 6 mai. Mais après, il y a les législatives. Et sans aucun doute ça va recommencer. Alors, si j’arrive en retard pour la présidentielle (pardonnez-moi, mes urgences n’étaient pas là), je prends les devants pour les législatives. Comme ça ce sera fait, une fois pour toutes.
Les trois « points non négociables » (pas un de plus, pas un de moins) sont devenus une sorte de dogme électoral dans certains milieux. Mais ces dogmatiques des « trois points non négociables » oublient deux préalables qui sont des conditions sine qua non.
Le premier préalable est ce qui fonde la légitimité des « points non négociables ». Ils ne peuvent pas exister légitimement en dehors de ce qui les fonde. Jean-Paul II était très clair là-dessus, et il est évident que Benoît XVI n’avait aucunement l’intention de le contredire. Au cœur de l’encyclique Evangelium vitae, il n’y a pas trois points non négociables, mais ceci :
« En réalité, la démocratie ne peut être élevée au rang d'un mythe, au point de devenir un substitut de la moralité ou d'être la panacée de l'immoralité. Fondamentalement, elle est un « système » et, comme tel, un instrument et non pas une fin. Son caractère « moral » n'est pas automatique, mais dépend de la conformité à la loi morale, à laquelle la démocratie doit être soumise comme tout comportement humain: il dépend donc de la moralité des fins poursuivies et des moyens utilisés. Si l'on observe aujourd'hui un consensus presque universel sur la valeur de la démocratie, il faut considérer cela comme un « signe des temps » positif, ainsi que le Magistère de l'Eglise l'a plusieurs fois souligné. Mais la valeur de la démocratie se maintient ou disparaît en fonction des valeurs qu'elle incarne et promeut: sont certainement fondamentaux et indispensables la dignité de toute personne humaine, le respect de ses droits intangibles et inaliénables, ainsi que la reconnaissance du « bien commun » comme fin et comme critère régulateur de la vie politique. »
La première condition du vote n’est donc pas le respect des « points non négociables » (on voit du reste que ceux que Jean-Paul II indique sont beaucoup plus larges) mais la conscience du candidat que la démocratie doit respecter des valeurs qui lui sont supérieures. Ce que Jean-Marie Le Pen a toujours professé, et encore le 15 avril dernier : « L'histoire des peuples du monde entier l'atteste: une civilisation ne peut durer sans se référer à des principes politiques, moraux et spirituels qui dépassent les individus, les vicissitudes humaines ou les soubresauts de l'histoire. »
Il est clair qu’un candidat qui se prononcerait contre l’avortement pour des raisons de démographie et de retraites, tout en professant qu’il n’y a pas de loi morale qui puisse primer la loi civile, serait en contradiction radicale avec l’enseignement de l’Eglise : même en interdisant l’avortement, il serait un « tyran », comme le dit Jean-Paul II, en référence à Créon et à Antigone.
Le second préalable est directement politique. Pour que les « points non négociables » s’inscrivent dans les lois et dans les faits, il est absolument nécessaire qu’il y ait un Etat souverain. Il s’agit politiquement d’une condition première. Avant même de savoir si un candidat respecte ou non, ou dans quelle mesure, les « points non négociables », il faut savoir s’il veut maintenir et rétablir la souveraineté nationale. Car si ce n’est pas le cas, il est inutile d’aller plus loin. Surtout dans la situation actuelle, où la construction européenne jette les nations dans les bras d’un pouvoir supranational de plus en plus tentaculaire qui est, de façon volontariste et arrogante, au service de la culture de mort.
Les premiers points non négociables sont donc ceux-ci :
1 – Rétablissement de la souveraineté nationale.
2 – Reconnaissance de valeurs morales supérieures dont les élus doivent s’inspirer pour construire une démocratie digne de ce nom.
Les « trois » viennent après. Ils ne peuvent pas être premiers.