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Liturgie - Page 298

  • Mercredi de la deuxième semaine de carême

    La première lecture de la messe d’aujourd’hui est la belle prière de Mardochée, dans le livre d’Esther, adaptée – sans aucun doute de très bonne heure - pour son usage liturgique : les versets 12 à 14, qui ne concernent que Mardochée lui-même, sont supprimés, afin que la prière prenne un sens universel, et on a ajouté à la fin « Domine Deus noster ».

    Cette prière de Mardochée, dont le texte originel est grec, est un indice parmi tant d’autres, ou plutôt une preuve, que les juifs parlaient grec et priaient en grec bien avant la naissance du Sauveur.

    C’est une prière qui suit un très antique schéma de prière israélite. Elle commence par la confession de la grandeur et de la toute-puissance de Dieu (les prières plus longues ajoutent les bienfaits de Dieu pour les pères, de façon plus ou moins développée), et la deuxième partie, qui commence toujours par « et maintenant », ou « eh bien maintenant », est la demande spécifique qui est faite à Dieu pour qu’il délivre son peuple du fléau actuel, lui qui a libéré les Hébreux d’Egypte.

    Dans le livre d’Esther (dans les ajouts grecs au livre d’Esther), la prière de Mardochée est suivie de la prière d’Esther elle-même, sur le même modèle, et qui est spécialement remarquable dans la vieille version latine où Esther cite les 7 personnes (ou groupes) spécialement sauvées par Dieu, qui sont l’objet des cantiques de l’antique liturgie tirés de la Bible tels qu’on les trouve dans l’Alexandrinus (première moitié du Ve siècle).

    Il se trouve que ce schéma de prière, dont les derniers exemples de l’Ancien Testament sont donc en grec dans le livre d’Esther, sera repris dans ce qui est la toute première prière communautaire chrétienne, au chapitre 4 des Actes des apôtres (versets 24-30). Elle est en outre très proche de celle de Mardochée, puisque sa première partie évoque la persécution subie et non les « pères » qui furent sauvés.

    In diébus illis : Orávit Mardochǽus ad Dóminum, dicens :

    Dómine, Dómine, Rex omnípotens, in dicióne enim tua cuncta sunt pósita, et non est, qui possit tuæ resístere voluntáti, si decréveris salváre Israël. Tu fecísti cælum et terram, et quidquid cæli ámbitu continétur. Dóminus ómnium es, nec est, qui resístat maiestáti tuæ.

    Et nunc, Dómine Rex, Deus Abraham, miserére pópuli tui, quia volunt nos inimíci nostri pérdere, et hereditátem tuam delére. Ne despícias partem tuam, quam redemísti tibi de Ægýpto. Exáudi deprecatiónem meam, et propítius esto sorti et funículo tuo, et convérte luctum nostrum in gáudium, ut vivéntes laudémus nomen tuum, Dómine, et ne claudas ora te canéntium, Dómine, Deus noster.

    En ces jours-là, Mardochée pria le Seigneur et il dit :

    Seigneur, Seigneur, roi tout-puissant, toutes choses sont soumises à ton pouvoir, et nul ne peut résister à ta volonté, si vous as résolu de sauver Israël. Tu as fait le ciel et la terre, et tout ce qui est contenu dans l’enceinte du ciel. Tu es le Seigneur de toutes choses, et nul ne peut résister a ta majesté.

    Et maintenant, Seigneur, roi, Dieu d’Abraham, aie pitié de ton peuple parce que nos ennemis veulent nous perdre et détruire ton héritage. Ne méprise pas ce peuple qui est ton partage, que tu as racheté de l’Egypte pour toi. Exauce ma prière, et sois propice à une nation qui est ta part et ton héritage, et change notre deuil en joie, afin que, vivants, nous glorifiions ton nom, Seigneur, et ne ferme pas la bouche de ceux qui chantent ta louange, Seigneur notre Dieu.

  • Mardi de la deuxième semaine de carême

    Bossuet : Méditations, dernière semaine, 57e journée (commentaire de Matthieu 23,8-11) :

    « Un seul maître : » écoutez le maître intérieur : ne faites rien qu'en le consultant : faites tout sous ses yeux : songez ce que vous feriez si vous aviez à chaque moment à lui rendre compte : vous prendriez son esprit, comme vos subalternes prennent le vôtre : vous craindriez de vous rien attribuer au delà des bornes, pour n'être point repris d'un tel supérieur. Or, encore que vous n'ayez point à lui rendre compte en présence à chaque moment, il viendra un jour que tout se verra ensemble : et en attendant on observe tout : et celui à qui vous aurez à rendre compte, « viendra lorsque vous y penserez le moins, » pour voir si vous n'avez point insolemment abusé du pouvoir qu'il vous a laissé en son absence.

    «  Vous êtes tous frères. » Songez-y bien : vous qui êtes supérieur, vous êtes frère. S'il faut donc prendre l'autorité sur votre frère, que ce soit pour l'amour de lui, et non pour l'amour de vous : pour son bien, et non pour vous contenter d'un vain honneur.

    « Il n'y a qu'un Père ; il n'y a qu'un Maître. » Si on vous appelle « Père, » parce que vous en faites la fonction, elle est déléguée, elle est empruntée. Revenez au fond : vous vous trouverez frère et disciple : ayez-en donc l'humilité : apprenez d'un moment à l'autre ce que vous avez à enseigner. Ainsi vous serez un père, vous serez un maître : car saint Paul a bien dit « qu'il était père et qu'il engendrait des enfants ; » mais la semence de Dieu, c'est sa parole. Recevez donc continuellement de Dieu. Prêchez-vous, écoutez au dedans le Maître céleste et ne prêchez que ce qu'il vous dicte. Conduisez-vous, conseillez-vous, consolez-vous. Si vous parlez, que ce soient « des discours de Dieu : si vous servez quelqu'un » en le conduisant, « que ce soit par la vertu que Dieu vous fournit » sans cesse.

    « Un seul Maître : » une seule « lumière qui éclaire tout homme venant au monde : » qui a parlé au dehors, et parle encore tous les jours dans son Evangile : mais qui parle toujours au dedans, dès qu'on lui prête l'oreille. Dans quel silence faut-il être, pour ne perdre pas la moindre de ses paroles ? « Le plus grand d'entre vous, c'est votre serviteur : » il ne dit pas qu'il n'y ait pas d'ordre dans son Eglise, et que personne n'y soit élevé en autorité au-dessus des autres : mais il avertit que l'autorité est une servitude : « Je me suis fait serviteur de tous, » disait saint Paul : « tout à tous, afin de les sauver tous : » l'exercice de l'autorité ecclésiastique est une perpétuelle abnégation de soi-même.

    • Sur l’appellation de « père », voir aussi ici.
    • Sur la veuve de Sarepta, voir ici.
  • Lundi de la deuxième semaine de carême

    Au bréviaire, dans le commentaire de l’évangile de ce jour, saint Augustin évoque les deux sens du mot « chercher » dans la Bible, notamment dans les psaumes. Il y a ceux qui cherchent Dieu, et ceux qui « cherchent mon âme », c’est-à-dire qui veulent ma mort. Opposition qui culmine dans les quatre versets quasi identiques des psaumes 39 et 69 (cité dans le graduel), émettant le vœu que soient confondus ceux qui « cherchent mon âme », et que se réjouissent « tous ceux qui cherchent Dieu ». Comme c’est le Christ qui s’exprime dans les psaumes, il s’agit de ceux qui le cherchent pour s’unir à Dieu et de ceux qui le cherchent pour le tuer.

    Le Seigneur a parlé aux Juifs en ces termes : « Je m’en vais. » Pour le Christ Seigneur, la mort fut un départ vers ce lieu d’où il venait, d’où jamais il ne s’était éloigné. « Je m’en vais, dit-il, et vous me chercherez », non par désir, mais par haine. Car après qu’il se fût éloigné loin des regards des hommes, ceux-là qui le haïssaient, ceux-là qui l’aimaient, tous le cherchèrent, les uns par la persécution, les autres par le désir de la possession. Le Seigneur dit lui-même, dans les psaumes, par le prophète : « Le refuge se dérobe à moi, pas un qui cherche mon âme. » Et encore, à un autre endroit dans un psaume : « Honte et déshonneur sur tous ceux-là qui cherchent mon âme. » Le Christ a tenu pour coupables ceux qui ne cherchaient pas. Il a condamné ceux qui cherchaient. C’est un bien en effet de chercher l’âme du Christ mais comme les disciples l’ont cherchée, et c’est un mal de chercher l’âme du Christ, mais comme les Juifs l’ont cherchée, ceux-là pour la posséder, ceux-ci pour la perdre. Aussi qu’ajoute-t-il à ses paroles à l’intention de ceux qui le cherchaient à la manière mauvaise, d’un cœur pervers ? « Vous me chercherez, mais » – pour que vous ne pensiez pas que vous me cherchez bien, – « vous mourrez dans votre péché. » C’est là mal chercher le Christ : mourir dans son péché. C’est là haïr celui par qui seul on peut être sauvé.

  • Deuxième dimanche de carême

    Introït :

    Reminíscere miseratiónum tuarum, Dómine, et misericórdiæ tuæ, quæ a sǽculo sunt : ne umquam dominéntur nobis inimíci nostri : líbera nos, Deus Israël, ex ómnibus angústiis nostris.
    Ad te, Dómine, levávi ánimam meam : Deus meus, in te confído, non erubéscam.

    Souvenez-vous de vos bontés, Seigneur, et de votre miséricorde qui sont d’avant le temps. Que jamais nos ennemis ne dominent sur nous. Dieu d’Israël, délivrez-nous de toutes nos angoisses.
    Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme ; mon Dieu, en vous je mets ma confiance, je ne rougirai pas.

    Superbe interprétation par les moines d’En Calcat (de 1958) :

     

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    Sur l’évangile de la Transfiguration, voir ma note de l’an dernier.

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  • Samedi des quatre temps de carême

    Benedíctus es, Dómine, Deus patrum nostrórum
    Et laudábilis et gloriósus in sǽcula.

    Et benedíctum nomen glóriæ tuæ, quod est sanctum
    Et laudábile et gloriósum in sǽcula.

    Benedíctus es in templo sancto glóriæ tuæ
    Et laudábilis et gloriósus in sǽcula.

    Benedíctus es super thronum sanctum regni tui
    Et laudábilis et gloriósus in sǽcula.

    Benedíctus es super sceptrum divinitátis tuæ
    Et laudábilis et gloriósus in sǽcula.

    Benedíctus es, qui sedes super Chérubim, íntuens abýssos
    Et laudábilis et gloriósus in sǽcula.

    Benedíctus es, qui ámbulas super pennas ventórum et super undas maris
    Et laudábilis et gloriósus in sǽcula.

    Benedícant te omnes Angeli et Sancti tui
    Et laudent te et gloríficent in sǽcula.

    Benedícant te cæli, terra, mare, et ómnia quæ in eis sunt
    Et laudent te et gloríficent in sǽcula.

    Glória Patri, et Fílio, et Spirítui Sancto
    Et laudábili et glorióso in sǽcula.

    Sicut erat in princípio, et nunc, et semper, et in sǽcula sæculórum. Amen.
    Et laudábili et glorióso in sǽcula.

    Benedíctus es, Dómine, Deus patrum nostrórum
    Et laudábilis et gloriósus in sǽcula.

    Vous êtes béni, Seigneur, Dieu de nos pères
    Et digne de louange et de gloire dans les siècles.

    Et le nom de votre gloire, qui est saint, est béni
    Et digne de louange et de gloire dans les siècles.

    Vous êtes béni dans le temple saint de votre gloire
    Et digne de louange et de gloire dans les siècles.

    Vous êtes béni sur le trône saint de votre royaume
    Et digne de louange et de gloire dans les siècles.

    Vous êtes béni sur le sceptre de votre divinité
    Et digne de louange et de gloire dans les siècles.

    Vous êtes béni, vous qui, étant assis sur les Chérubins, voyez le fond des abîmes
    Et digne de louange et de gloire dans les siècles.

    Vous êtes béni, vous qui marchez sur les ailes des vents, et sur les flots de la mer
    Et digne de louange et de gloire dans les siècles.

    Que tous les Anges et les Saints vous bénissent
    Qu’ils vous louent et vous glorifient dans les siècles.

    Que les cieux, la terre et la mer, et tout ce qu’ils renferment, vous bénissent.
    Qu’ils vous louent et vous glorifient dans les siècles.

    Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit
    Et à celui qui est digne de louange et de gloire dans les siècles

    Comme c’était au commencement, et maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
    Et à celui qui est digne de louange et de gloire dans les siècles.

    Vous êtes béni, Seigneur, Dieu de nos pères.
    Et digne de louange et de gloire dans les siècles.

    Ce très bel hymne, qu’on ne trouve que dans la liturgie du samedi des quatre temps de l’Avent, du Carême et de septembre (aux quatre temps de Pentecôte il n’y en a qu’un verset d’alléluia) commence comme l’hymne des Hébreux dans la fournaise (Daniel 3, 52-60) et se poursuit par quelques versets de psaumes.

    Voici ce chant par les moines de Solesmes sous la direction de Dom Gajard (1959) – il manque deux versets – et par les moniales d’Argentan (1973) – les deux premiers versets et la doxologie.


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  • Vendredi des quatre temps de carême

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    ℟. Paradísi portas apéruit nobis jejúnii tempus: suscipiámus illud orántes, et deprecántes:
    * Ut in die resurrectiónis cum Dómino gloriémur.
    ℣. In ómnibus exhibeámus nosmetípsos sicut Dei minístros in multa patiéntia.
    ℟. Ut in die resurrectiónis cum Dómino gloriémur.

    Le temps du jeûne nous ouvre les portes du paradis : accueillons-le en priant et suppliant, afin qu’au jour de la résurrection nous soyons glorifiés avec le Seigneur.
    Montrons-nous en toutes choses comme des ministres de Dieu, par une grande patience.

    Dans les anciens manuscrits (comme ici sur l’antiphonaire de Saint-Gall) ce répons avait un autre verset, tiré lui aussi de la seconde épître aux Corinthiens :

    ℣. Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salutis, nemini dantes ullam offensionem.

    Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut, ne donnons à personne aucune occasion de chute.

    Sur l'évangile de la "piscine probatique", voir ici.

  • Jeudi de la première semaine de carême

    L’évangile de ce jour ressemble beaucoup à celui des noces de Cana. Pourtant celui-ci est en saint Jean, celui-là en saint Matthieu, et tout est différent, sauf l’essentiel.

    Jésus est dans la région de Tyr et Sidon. Une femme cananéenne lui demande un miracle : guérir sa fille. Jésus ne répond pas. Dans l’évangile de saint Jean Marie demande à Jésus un miracle, il lui répond par une fin de non recevoir, ajoutant « Mon heure n’est pas encore venue. » Ce qui est l’explication du silence de Jésus face à la Cananéenne, puis de ce qu’il va lui dire sur l’insistance des apôtres : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis d’Israël. » L’heure de s’adresser aux païens n’est pas venue, elle ne viendra qu’une fois la rédemption accomplie, par la mort et la résurrection. Et Jésus ajoute une parole dure : « Ce n’est pas bien de prendre le pain des enfants (les juifs) pour le jeter aux petits chiens (les païens). » La femme répond : « Mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » A cette parole Jésus s’exclame que la foi de cette femme est grande, et il accomplit le miracle demandé. De même qu’il a accompli le miracle de Cana à cause de la foi de Marie. Voici donc que, deux fois, deux femmes ont devancé « l’heure » du Christ. Les deux fois on voit que le miracle est lié à l’eucharistie : le vin et le pain.

    Ce que Marie et la Cananéenne ont obtenu, tout fidèle peut aussi l’obtenir : avancer l’heure de Dieu, le contraindre à nous exaucer, par la foi et par l’amour. Pas pour des miracles extérieurs, mais pour l’avancement de notre vie chrétienne.

  • Mercredi des quatre temps de carême

    Dimanche dernier le Christ jeûnait 40 jours. Dans la liturgie de ce jour nous voyons Moïse et Elie jeûner 40 jours (avant de voir Dieu). Dimanche prochain (et déjà samedi), nous verrons le Christ transfiguré entre Moïse et Elie, qui symbolisent la Loi et les Prophètes authentifiant la mission de Jésus. La liturgie de ce jour c’est aussi le signe de Jonas. Sur tout cela voir ma note de l’an dernier.

    La « station » de ce jour est, comme à tous les mercredis des quatre temps, Sainte Marie Majeure, l’église mère des églises dédiées à la Mère de Dieu. Est-ce pour cela que l’évangile composite de ce jour se termine par la tentative de visite de la mère et des frères de Jésus ? Les pieux commentateurs tentent désespérément de voir dans la réponse de Jésus un éloge de Marie. En fait la présence de la Sainte Vierge et des cousins du Sauveur est seulement pour le Christ l’occasion de faire comprendre que la vraie famille n’est pas la famille charnelle mais la famille divine : la « mère », le « frère » ou la « sœur » de Jésus, c’est celui qui fait la volonté du Père qui est dans les cieux. Celui qui fait la volonté du Fils entre dans la famille du Père. Sa très sainte Mère s’y trouve déjà, mais ce n’était pas encore le moment de l’expliciter. Ce sera à l’Eglise (dont Marie est le type) de le dire, plus tard…

  • Lundi de la première semaine de carême

    La messe de ce jour ne peut que paraître paradoxale à ceux qui colportent le vieux cliché du Dieu terrible de l’Ancien Testament et du Dieu d’amour du Nouveau Testament.

    En effet, l’« épître » est un émouvant passage du prophète Ezéchiel où Dieu est le bon pasteur qui va chercher ses brebis dispersées pour les rassembler et les faire paître dans les meilleurs pâturages. « Moi je paîtrai mes brebis, moi, je les ferai reposer, dit le Seigneur Dieu. Je chercherai celle qui était perdue, je ramènerai celle qui était égarée, je panserai celle qui est blessée, et je fortifierai celle qui est malade… »

    Tandis que l’Evangile nous brosse la scène terrible du jugement dernier où Jésus est le Juge implacable : « Retirez-vous de moi, maudits ; allez au feu éternel ! »

    Il y a là tout un jeu de miroirs. Le Juge de l’évangile est aussi le bon pasteur : il sépare les brebis des boucs et donne aux brebis la possession de son Royaume. Et le bon pasteur d’Ezéchiel, juste après le passage lu à cette messe, dit : « Voici que moi je vais juger entre brebis et brebis, béliers et boucs… » Puis il ajoute qu’il suscitera un berger pour ses bonnes brebis, ce sera son serviteur David qui les paîtra et qui sera leur pasteur… Annonce de la venue du Christ, et il est bien évident que le Christ fait allusion à la prophétie d’Ezéchiel dans l’évangile du jugement dernier, mais aussi dans les autres passages où il se décrit comme le bon pasteur, et particulièrement dans celui-ci, dont le texte d’Ezéchiel paraît un commentaire écrit quelques siècles plus tôt :

    Quel est l'homme parmi vous qui a cent brebis, et qui, s'il en perd une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert, pour s'en aller après celle qui est perdue, jusqu'à ce qu'il la trouve ? Et lorsqu'il l'a trouvée, il la met sur ses épaules avec joie ; et venant dans sa maison, il appelle ses amis et ses voisins, et leur dit : Réjouissez-vous avec moi, car j'ai trouvé ma brebis qui était perdue. Je vous le dis, il y aura de même plus de joie dans le Ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de pénitence.

    Tel est le message du carême.

  • Premier dimanche de carême

    « Alors Jésus fut conduit par l’Esprit dans le désert, pour être tenté par le diable. »

    Dans la deuxième tentation, le diable cite le psaume 90 : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet ; et ils te porteront dans leurs mains, de peur que ton pied ne heurte contre une pierre. » Quoniam angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis. In manibus portabunt te, ne forte offendas ad lapidem pedem tuum.

    Et une fois le diable vaincu, « voici que des anges vinrent auprès de Jésus, et le servaient ».

    Le psaume 90 est la source unique de tous les chants de la messe de ce premier dimanche de carême, et il est même presque entier dans le trait. « Nous le répéterons à l’introït, au graduel, à l’offertoire et à la communion, comme pour faire acte de protestation et de réparation pour la suggestion téméraire. D’autre part, le psaume 90 exprime si bien les sentiments de l’âme qui revient à Dieu par la pénitence et met en lui toute sa confiance, que l’Église en a fait comme le chant quadragésimal par excellence », dit le bienheureux cardinal Schuster. Plusieurs de ses versets rythmeront en effet toutes les heures de l’office du carême.

    Voici l’introït par les moines de Solesmes.

    Invocábit me, et ego exáudiam eum : erípiam eum, et glorificábo eum : longitúdine diérum adimplébo eum.
    Qui hábitat in adiutório Altíssimi, in protectióne Dei cæli commorábitur.

    Il m’invoquera et je l’exaucerai ; je le sauverai et je le glorifierai, je le comblerai de jours.
    Celui qui habite sous l’assistance du Très-Haut demeurera sous la protection du Dieu du ciel.

    L’an dernier j’avais mis les antiennes d’offertoire et de communion, qui sont sur le même texte.

    En 2015 j’avais donné une analyse du début de la liturgie du carême, à savoir des premières vêpres de ce dimanche.

    • Sur les 40 jours et les tentations, on peut voir aussi ma brève note de 2010.

    • Pendant le carême la divine liturgie byzantine est celle de saint Basile. Avec notamment une hymne à la Mère de Dieu spécifique.