Voici l’essentiel d’une dépêche de l’AFP qui révèle un curieux état de fait.
« J'ai demandé à l'agence des blacks pour notre prochain défilé mais il n'y en a pas », dit Mario Lefranc, de la jeune griffe Lefranc-Ferrant. « Il y en a marre des Russes blondes ! » ajoute-t-il.
« En ce moment, il faut vraiment faire un effort. Il n'y a pas de blacks sur le marché, les agences n'en envoient pas, ça devient l'invasion des filles d'Europe de l'Est, de ces canons de beauté », dit-on de même dans l'entourage de Jean-Paul Gaultier, pourtant apôtre de la « diversité ».
Pour l'historienne de la mode Lydia Kamitsis, « aujourd'hui où la diversité est promue, beaucoup plus acceptée », la logique voudrait que « ça se traduise immédiatement sur les podiums, or c'est exactement l'inverse ».
Dans les années 60, explique-t-elle, il y avait « une sorte d'uniformité et de prégnance de la race blanche ». Il y a eu une « rupture radicale » dans le milieu des années 60, qui « a été d'utiliser des mannequins noirs en cover girls mais aussi en défilés ». Dans les années 80, « c'est une explosion de diversité », avec « des mannequins de toutes cultures, de tous formats, et puis tout ça progressivement disparaît pour assister à cette uniformité et cette prégnance blanche aujourd'hui ».
Des couturiers comme Azzedine Alaïa et Jean-Paul Gaultier ont voulu « casser le moule des canons de beauté ». Aujourd'hui, « il y a une tendance générale à vouloir au contraire se fondre dans une certaine uniformité, une neutralité », ajoute-t-elle. Le champ d'action des créateurs est « très restreint par les stratégies de marketing », la « logique de produit » et « une prise de risque zéro ».
Par ailleurs, « le marché de la mode, les marchés dits émergents comme la Chine et la Russie , les pays arabes, sont des sociétés qui ne sont pas particulièrement réputées pour leur mixité ou en tous cas pour l'acceptation de la mixité culturelle ». « Le mannequin blanc est sans doute le plus passe-partout pour atteindre ces clientèles-là. »
« Il faut vendre », résume Renée Dujac-Cassou, directrice de l'agence de mannequins Crystal. Et « ce qui a toujours fait rêver les gens, c'est la blonde aux yeux bleus. C'est aussi bête que ça. La belle Africaine, ça ne fait rêver personne. Une princesse tibétaine, elle ne fait rêver personne aujourd'hui, une princesse chinoise non plus. » De ce fait, la proportion de mannequins non blancs sur les podiums « sera toujours extrêmement limitée »...