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Les discriminations au futur antérieur

L’Assemblée nationale a adopté hier le projet de loi qui transcrit cinq directives européennes contre les « discriminations », dans la version mise au point par la commission mixte paritaire Sénat-Assemblée.

Les députés avaient adopté le projet de loi le 25 mars. Le 10 avril, le Sénat s’était permis d’y ajouter des amendements, concernant notamment la définition ubuesque des discriminations directes et indirectes. Au nom du gouvernement, Valérie Létard avait grondé les sénateurs et leur avait rappelé que si la France n’obéissait pas au doigt et à l’œil à la Commission européenne, celle-ci nous ferait condamner par la Cour de Justice européenne, et que cela coûterait cher, alors même que des procédures sont déjà engagées par la Commission contre la France qui a trop tardé à transcrire certaines de ces directives.

Le Sénat ayant néanmoins voté ces amendements, il a fallu réunir la commission mixte paritaire. Ce qui a été fait mardi. Naturellement, la CMP a rétabli le texte initial, qui a donc été voté hier par l’Assemblée nationale et doit l’être aujourd’hui par le Sénat...

Néanmoins, un « compromis » a été retenu, de façon à satisfaire à la fois les sénateurs et nos maîtres de Bruxelles. Les mots « ne le serait », qui avaient été supprimés par le Sénat, sont remplacés par « ne l’auront été ».

Sic.

Et voici la superbe explication d’Isabelle Vasseur, « rapporteure de la CMP » :

« L'article premier définit les discriminations directes et indirectes. L'Assemblée nationale avait veillé en première lecture à assurer la conformité de ces définitions aux normes communautaires. Le Sénat s'était quant à lui interrogé sur leur formulation. Un débat a eu lieu sur ce point en CMP. La discrimination directe était définie à l’origine comme toute situation dans laquelle « une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable ». Le Sénat a supprimé le conditionnel pour éviter tout procès d'intention et toute comparaison fictive. Ce faisant, il s’est éloigné de la lettre des directives. J’ai donc proposé à la commission mixte paritaire un compromis, qu'elle a accepté. Constitue désormais une discrimination directe la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l’est, ne l'a été « ou ne l'aura été » dans une situation comparable. Ce recours au futur antérieur présente l'avantage de prendre en considération les réserves du Sénat tout en préservant la dimension temporelle de la définition communautaire. »

Ce que Valérie Létard a approuvé en ces termes :

« En conservant la triple temporalité, la définition de la discrimination directe se conforme à la demande de la Commission européenne. »

On retiendra ces deux phrases d’anthologie : « Le Sénat a supprimé le conditionnel pour éviter tout procès d'intention et toute comparaison fictive. Ce faisant, il s’est éloigné de la lettre des directives » : la lettre des directives est que la législation contre les discriminations doit permettre le procès d’intention et les comparaisons fictives.

En revanche, la CMP n’a pas pu trouver de compromis acceptable par nos maîtres de Bruxelles sur la définition de la « discrimination indirecte », et a donc maintenu la version initiale :

« La discrimination indirecte était quant à elle définie à l’origine – ce que l'Assemblée nationale a approuvé – comme toute disposition, critère ou pratique, neutre en apparence mais susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres. Redoutant là encore certaines dérives, le Sénat avait substitué aux mots « susceptible d'entraîner » le mot : « entraînant ». Mais en l’espèce, le risque de procès d'intention n'était pas avéré. Au contraire, la formulation communautaire – que la CMP a consacrée en votant le retour au texte de l'Assemblée nationale – permet une appréciation large de la notion de discrimination, au profit des victimes. »

Une appréciation très large, en effet. Celle de la loi des suspects.

Addendum. Le Sénat a voté le texte en début de soirée. Il est donc définitivement adopté.

Commentaires

  • Ces dispositons de loi sont contraires aux droits de l'homme :

    - présomption d'innocence
    - définition stricte des infractions
    - liberté de décision des Etats et des particuliers
    - respect de la vie privée

    Afin de condamner la "discrimination indirecte" la Cour Européenne des droits de l'homme a condamné un Etat d'Europe centrale parce que ses critères de recrutements de certaines écoles faisaient que les Roms étaient moins nombreux (mais non exclus) parmi les élèves recrutés. Elle ne s'est pas aperçue que son arrêt était liberticide et raciste.

    Ainsi les droits de l'homme sont devenus fous, il faut en venir à une saine application des droits de l'homme, car les applications malsaines conduisent au racisme et à l'inégalité.

  • trouvé sur le site de l'UE http://www.stop-discrimination.info/808.0.html

    Discrimination indirecte : Une société de traduction insiste pour que les traducteurs désireux de travailler pour elle disposent du permis de conduire, car il peut arriver qu’elle leur demande de livrer ou d’aller chercher le document chez les clients. Étant donné que cette condition empêche les personnes handicapées de postuler et que conduire n’est pas une exigence essentielle pour réaliser le travail, la société pratique effectivement une discrimination à l’encontre de ce groupe de personnes en particulier, à moins qu’il puisse être démontré que cette interdiction repose sur un motif objectif et fondé. Un grand magasin interdit à ses employés de porter un couvre-chef lorsqu’ils servent les clients. Cette mesure a pour effet d’interdire aux personnes dont les convictions religieuses les obligent à se couvrir la tête, comme les femmes musulmanes, de travailler dans le magasin. Le magasin se rend alors coupable d’une discrimination indirecte, à moins qu’il ne puisse démontrer que cette interdiction repose sur un motif objectif et légitime.

  • C'est la mise en application d'un "penseur" américain de grande renommée (usurpée selon moi) qui a axé sa réflexion sur la déclaration française du 26 août 1789 et son texte sur l'égalité qui ne devrait être fondée que sur "l'utilité publique". Comme on sait cette déclaration est sur beaucoup de points parfaitement valable, mais sur d'autres gravement déficiente puisqu'elle est la mère des totalitarismes du XXème siècle, notamment en raison de son analyse de la loi comme "volonté" et son égalitarisme.

    article 1er, deuxième phrase " Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune."

    Rawls (1921 - 2002), le penseur américain qui voulait instaurer l'égalité des chances, ne s'aperçoivat pas que l'inégalité des chances, oui même l'inégalité des chances, est dans la nature, elle ne pourra jamais être supprimée, sous peine de faire table rase de principes pourtant intangibles, certains fait comme 1) les humains ne se font pas eux-mêmes et ne demandent pas à vivre, comme 2) l'égalité des être humains voulue par Dieu qui appelle les êtres humains dans une certaine condition de vie.

    Or "Sa théorie de la justice énonce que dans un État parfaitement juste, il doit être indifférent de naître avec telles caractéristiques plutôt que telles autres." (Wikipédia v° Rawls) Ainsi être femme ou homme, grand ou petit, musclé ou gringalé devrait être indifférent. Cela met sur la société des charges qu'il n'est pas son devoir de mettre en oeuvre et si ce n'est pas dans son devoir, cela n'est pas non plus en son pouvoir. Cette phrase prise à la lettre est absurde.

    Rawls est un penseur important qui semble bien avoir inspiré et semble inspirer encore les théories faussement en faveur des droits de l'homme de la justice européenne (Union Européenne, Cour européenne des Droits de l'Homme, Conseil de l'Europe). Nous voyons que nous allons vers une société folle, totalitaire kafkaienne (voir le Procès de Kafka), comme le prouve le commentaire de V12.

    Bien sûr rien n'empêche de vouloir faire en sorte, autant que possible, de gommer les effets des inégalités notamment économiques, mais cela ne relève pas de la justice, ce n'est pas un droit de l'homme, c'est l'utilisation des talents et la cohésion sociale qui le commandent à la société un devoir de convenance mais non de justice.

    Il faut envoyer à la poubelle cette malheureuse déclaration de 1789 dont d'ailleurs l'article 2 est contraire à la laïcité (l'Etat n'est pas prophète), reçoit sa morale qui est d'abord justice et vérité.

    En revanche, la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 de l'ONU est beaucoup mieux écrite et ne suscite que quelques points de discussions, mais est fondamentalement valable.

  • Merci à Y.Daoudal de suivre avec acuité cette problématique importante (et également à Denis Merlin pour son commentaire).

    A la lecture de la note, je comprends pourquoi il est répété que les électeurs du FN ont le "front bas" et constituent "la France d'en bas" et "déclassée et peu diplômée". Grosse perplexité :
    - passage de "n'aurait été" à "n'aura été",
    - discrimination indirecte, que le Sénat refusait pour "procès d'intention", suffisamment large...

    Heureusement que les grosses pointures intellectuelles de l'UMP sont là pour défendre les principes de bon sens.

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