Extrait du Héraut de l’amour divin, livre IV, chapitre 58, De la fête de la dédicace de l’église, paragraphes 6-8.
À Matines, comme elle portait son attention sur Dieu et sur elle-même, pendant le répons : " Vidi civitatem : J'ai vu la cité ", le Seigneur lui rappela une parole qu'elle répétait souvent pour animer le prochain à la confiance en Dieu, et il lui dit : " Pour que tu saches avec plus de certitude combien j'aime la confiance, je veux te montrer la bonté avec laquelle je reçois l'âme qui, après avoir failli, revient à moi, regrette sa faute et se propose, avec le secours de ma grâce, d'éviter le péché. " En disant ces paroles, le Fils du Roi suprême, revêtu des insignes de sa souveraineté, s'avança devant le trône de Dieu le Père et chanta d'une voix douce et sonore ce répons : Vidi civitatem sanctam Jerusalem : J'ai vu Jérusalem, la cité sainte. A ces paroles, elle comprit l'ineffable consolation que ressent le Cœur du Seigneur lorsqu'une âme se propose d'éviter les fautes et les imperfections, parce qu'elle se souvient des bienfaits dont Dieu l'a entourée, et parce qu'elle confesse s'être éloignée de lui par manque de vigilance sur ses affections, ou sur ses paroles, ou sur l'emploi de son temps. Chaque fois que l'âme éprouve ces regrets, le Fils de Dieu, avec un nouveau transport de bonheur et de joie, chante à Dieu le Père les paroles de ce répons ou d'autres analogues.
Il sembla encore à celle-ci qu'entre les paroles : " Et audivi vocem magnam de throno dicentem : Et j'entendis une voix forte qui partait du trône et qui disait ", et celles qui suivent, le Fils de Dieu intercalait le gémissement du pécheur qui s'écrie dans la componction de son cœur : Hélas ! que je suis misérable ! Comment ai-je passé tout ce temps sans songer au Dieu qui m'aime ! etc. Le Fils de Dieu, comme homme, chantait ces mots sur les cordes basses, dans une harmonie parfaite avec la voix de Dieu le Père, qui, sur les cordes élevées, propres à la Divinité, disait: " Ecce tabernaculum Dei cum hominibus : Voici le tabernacle de Dieu parmi les hommes ", et les esprits bienheureux écoutaient cette mélodie dans une profonde admiration. Cette vision donnait à entendre que l'âme repentante qui veut sincèrement fuir le mal et accomplir le bien devient en vérité le tabernacle dans lequel daigne habiter, comme en sa propre maison, le Dieu de majesté, cet Époux de l'âme aimante, toujours béni dans les siècles des siècles.
En ce moment Dieu le Père, de sa main vénérable, donna la bénédiction en disant : " Ecce nova facio omnia : Je vais renouveler toutes choses " pour faire comprendre que tout se trouve suppléé et renouvelé dans l'âme fidèle par la componction, la bénédiction divine et la vie très sainte du Fils de Dieu. C'est pourquoi il est dit qu'il y a plus de joie au ciel pour un pécheur faisant pénitence que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de pénitence, car l'infinie Bonté de Dieu daigne verser elle-même ses délices dans l'âme repentante. Le Seigneur ajouta : " Quand je fais passer l'âme fidèle de cette vie présente au palais du ciel, je la comble de délices, et de plus je lui chante avec douceur ce cantique : Vidi civitatem sanctam Jerusalem novam ascendentem de terra : J'ai vu la cité sainte, la nouvelle Jérusalem s’élevant de la terre. Et quand j'arrive à ces paroles : Je vais renouveler toutes choses, je la remplis à l'instant même des délices que l'armée céleste a ressenties avec moi, toutes les fois qu'un pécheur a fait pénitence. "
On remarque, comme d’habitude, à quel point les révélations de sainte Gertrude sont étroitement liées à la liturgie. Ici tout vient du dernier répons des matines de l’office de la dédicace, c’est même un commentaire de ce répons. Mais avec quelque chose de véritablement extraordinaire. Jésus modifie le texte, et l’inverse, même, pour que le chant qui célèbre en l’église de la terre l’image de la Jérusalem céleste « descendant du ciel » (descendentem de cælo) devienne - sans crier gare - un chant qui célèbre l’âme fidèle « montant de la terre » (ascendentem de terra) : c’est elle qui est l’église, qui est l’image de la Jérusalem céleste, et qui y va…