La lecture biblique de ce jour est le livre d’Habacuc, qui comporte trois brefs chapitres. Le troisième, assimilable à un psaume, est intitulé selon la Vulgate « Prière du prophète Habacuc pour les ignorances ». Comme pour de nombreux psaumes, c’est un titre très énigmatique diversement interprété, le mot hébreu traduit par « ignorances » étant impénétrable…
Dans le bréviaire romain jusqu’à la révolution de saint Pie X, et toujours dans le bréviaire monastique traditionnel, cette prière d’Habacuc est le cantique des laudes le vendredi. Et tous les vendredis (de férie) revient donc ce merveilleux verset :
Ego autem in Domino gaudebo, et exsultabo in Deo Jesu meo.
Mais moi je me réjouirai dans le Seigneur, et j’exulterai en Jésus mon Dieu.
Il est touchant que saint Jérôme n’ait pas pu s’empêcher de transcrire « Jésus » le mot hébreu qui veut dire « sauveur » ou « salut » : un simple nom commun, affirme arbitrairement Fillion, qui refuse de traduire selon la Vulgate alors qu’il est censé le faire, mais comme l’avait déjà fait Lemaître de Sacy avant lui. Or ce « Jésus » ne fait que renforcer le caractère de prophétie christique du cantique (« Tu es sorti pour le salut de ton peuple, pour le salut avec ton Christ, tu as frappé le faîte de la maison de l’impie, tu as mis à nu sa fondation jusqu’au col… »). On remarque que la Bible de Jérusalem garde quelque chose de la Vulgate en mettant « Sauveur », avec une majuscule, considérant que ce n’est donc pas un simple nom commun. Dans son commentaire, saint Jérôme renvoie bien sûr à la parole de l’Ange à Marie : « Et on l’appellera Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple. »
On signalera en passant que la Bible du rabbinat ose traduire « Dieu qui me protège », trahissant ainsi tellement le mot hébreu que c’est presque un aveu qu’il s’agit d’une prophétie du Christ, s’il faut la cacher à ce point.
Le verset de la Vulgate s’est cependant retrouvé tel quel en deux endroits de la liturgie : c’est une antienne de la fête du… Saint Nom de Jésus. Et c’est l’introït de la messe de saint Jean de Capistran. Celle-ci, de façon quelque peu réductrice, est entièrement centrée sur le rôle joué par le saint franciscain dans la victoire de Belgrade contre les Turcs : il avait brandi un étendard frappé de la croix en criant : « Jésus ! Jésus ! Jésus ! ».