Alessandro Gnocchi, dans un texte où il aborde diverses questions, attire notamment l’attention sur la réponse du pape à un enfant, lors de la fameuse réception de la « Fabrique de la paix » au Vatican, avec Emma Bonino (car ce pape ne sait pas que « le plus grand destructeur de la paix, aujourd'hui, est le crime commis contre l'innocent enfant à naître », comme le soulignait la bienheureuse Mère Teresa en recevant son prix Nobel).
Donc un enfant lui a demandé pourquoi les enfants souffrent-ils.
Réponse :
Cette question est une des plus difficiles auxquelles répondre. Il n’y a pas de réponse ! Il y a eu un grand écrivain russe, Dostoïevski, qui a posé la même question : pourquoi les enfants souffrent-ils ? On peut seulement lever les yeux vers le ciel et attendre des réponses qui n’existent pas. Il n’y a pas de réponse à cela, Rafael.
C’est évidemment effroyable de répondre cela. Et de le répondre à un enfant. En fait, François a déjà dit cela. Car il se répète beaucoup. On n’est pas obligé de suivre ses vaticinations jour après jour, d’autant que moins on l’entend et mieux on se porte. Mais je découvre qu’il a déjà dit cela, en substance, aux Philippines. Selon la légende bergoglienne (telle qu’elle est fabriquée et colportée par exemple par Zenit), une petite fille, Glyzelle, lui a posé cette question en éclatant en sanglots. Ensuite, lors de sa rencontre avec les jeunes, François, toujours bouleversé, a laissé de côté le texte écrit de son intervention pour évoquer cet épisode, et il aurait dit :
Attention ! Elle a posé aujourd’hui la seule question qui n’a pas de réponse. Et elle a dû le dire par des larmes. Cette question, c’est celle de la souffrance des enfants : pourquoi faut-il que les enfants pleurent ? Elle nous a enseigné à pleurer. (…) Apprenons à pleurer… Si vous n'apprenez pas à pleurer vous ne serez pas de bons chrétiens, c'est un défi.
En réalité, comme en fait foi le site du Vatican, François a dit
Faites attention : elle a posé aujourd’hui la seule question qui n’a pas de réponse. Et les mots ne lui sont pas venus, elle a du la dire avec des larmes.
Or cela n’a pas été relevé par la presse, pour deux raisons. La première est que le pape n’a pas dit quelle était la question, ni de qui elle émanait. La seconde est que c’est au milieu d’une tirade contre le « machisme » (qui elle a été abondamment reprise).
Voici le paragraphe :
Un peu… sur la faible représentation des femmes. Trop faible ! Les femmes ont beaucoup à nous dire dans la société d’aujourd’hui. Parfois nous sommes trop machistes, et nous ne laissons pas de place à la femme. Mais la femme sait voir les choses avec un regard différent de celui des hommes. La femme sait poser des questions que nous les hommes nous n’arrivons pas à comprendre. Faites attention : elle a posé aujourd’hui la seule question qui n’a pas de réponse. Et les mots ne lui sont pas venus, elle a du la dire avec des larmes. Ainsi, quand le prochain pape viendra à Manille, qu’il y ait davantage de femmes !
Ensuite le pape parle d’un autre témoignage, puis il revient, sans le dire, à Glyzelle :
La grande question pour tous : pourquoi les enfants souffrent ? Pourquoi les enfants souffrent ? C’est vraiment quand le cœur réussit à se poser la question et à pleurer, que nous pouvons comprendre quelque chose.
Il reviendra sur la question lors de sa conférence de presse dans l’avion, et en citant, déjà, Dostoïevski :
Nous chrétiens devons demander la grâce de pleurer, surtout les chrétiens nantis, et pleurer sur les injustices et pleurer sur les péchés. Parce que le fait de pleurer nous permet de comprendre de nouvelles réalités ou de nouvelles dimensions de la réalité. C’est ce qu’a dit la fillette, et c’est aussi ce que je lui ai dit. Elle a été la seule à poser cette question à laquelle on ne peut répondre : « Pourquoi les enfants souffrent-ils ? ». Le grand Dostoïevski se la posait, et il n’est pas parvenu à répondre : pourquoi les enfants souffrent-ils ? Elle, avec ses larmes, une femme qui pleurait. (Sic, et c’est la fin de la conférence de presse.)
Sans doute le frère Bergoglio a-t-il lu dans un de ses manuels d’apprenti jésuite cette référence à Dostoïevski. Mais d’abord si Dostoïevski est un immense écrivain ce n’est pas un père de l’Eglise, et l’on n’attend pas que le pape réponde par Dostoïevski quand on lui pose une question.
Ensuite et surtout, si François avait lu Dostoïevski il aurait vu que l’auteur lui-même donne la réponse. Car à la tirade d’Ivan Karamazov (qui n’est pas le porte-parole de Dostoïevski) sur l’injuste souffrance des enfants innocents, Aliocha réplique en invoquant « celui qui a versé son sang innocent pour tous et pour tout ». Et Ivan lui-même s’exclame : « Ah ! oui, c’est le seul sans péché, le seul innocent ! Non, je ne l’ai pas oublié ; je m’étonne même que tu ne me l’aies pas objecté depuis longtemps (…) ».
Car la réponse à la souffrance des enfants, à la souffrance des innocents, est dans le Crucifix. Il ne s’agit pas de « lever les yeux vers le ciel et attendre des réponses qui n’existent pas », comme ose le dire François (laissant entendre que le ciel serait vide, ou que Dieu est trop méprisant pour nous répondre), il s’agit de regarder le Dieu qui s’est fait homme pour prendre sur lui le péché, la chair du péché, et la clouer à la Croix, lui qui était le seul vraiment Innocent. La réponse à la souffrance des enfants, et à toute souffrance « injuste », est dans la contemplation de la souffrance de l’Enfant divin (c'est aussi l'enseignement de la fête des saints Innocents.) La souffrance est due au péché originel (qu’Ivan oublie dans sa tirade) : le péché originel affecte toute la création, donc aussi les enfants innocents. Personne n’est épargné. La souffrance des enfants innocents paraît être un scandale particulier, mais ce n’est qu’une conséquence inéluctable du péché originel. La révélation suprême du christianisme, de ce point de vue, est que Dieu lui-même est venu souffrir-avec-nous. Et cette compassion de Dieu nous vaut la rédemption et la vie éternelle. C'est là que se trouve la vérité ultime de la religion chrétienne, qu'on ne trouve ni de près ni de loin dans aucune autre religion, car aucune homme n'aurait pu imaginer une vérité aussi vertigineuse.