Les rubriques de 1960 ont relégué la fête de saint Grégoire le Grand au rang de simple mémoire. Mais, chez les bénédictins, la fête du grand pape bénédictin prime toujours la férie de carême.
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Cette fête, également célébrée par les Grecs, se trouve déjà dans le Sacramentaire grégorien du temps d’Hadrien Ier, et c’est une des rares qui aient pénétré dès l’antiquité dans le Calendrier romain durant la période quadragésimale. Nous savons même qu’à Rome, au IXe siècle, eius anniversaria solemnitas, cunctis... pernoctantibus,... celebratur. In qua pallium eius, et phylacteria, sed et balteus eius consuetudinaliter osculantur [La solennité de son anniversaire est célébrée par tous… toute la nuit. En laquelle on baise son pallium, ses phylactères, mais aussi sa ceinture.]. La célébrité de saint Grégoire (+ 604) et surtout le sens symbolique assumé par sa personnalité historique, alors que, au moyen âge, il incarna l’idéal de la papauté romaine dans la plus sublime expression de sa primauté sur toute l’Église, justifiaient cette exception. On peut dire en effet que le moyen âge tout entier vécut de l’esprit de saint Grégoire ; la liturgie romaine, le chant sacré, le droit canonique, l’ascèse monacale, l’apostolat chez les infidèles, la vie pastorale, en un mot toute l’activité ecclésiastique dérivait du saint Docteur, dont les écrits semblaient être devenus comme le code universel du catholicisme. Le très grand nombre d’anciennes églises dédiées à Rome au saint Pontife atteste la popularité de son culte, lequel, outre son antique monastère de Saint-André au Clivus Scauri, avait pour centre sa tombe vénérable dans la basilique vaticane.
Bienheureux cardinal Schuster
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Les modes puissants et mesurés, saints et sanctifiants, du choral liturgique de l’Église romaine, portent encore aujourd’hui son nom et le porteront pour tous les temps. Il a, aussi, puissamment contribué à la constitution du latin d’Église par son style naturel, plein d’onction et de sentiment. Ses quarante sermons sur des péricopes liturgiques de l’Évangile sont presque tous devenus des leçons du bréviaire. Aucun prêtre ne peut célébrer la sainte messe sans rencontrer à tout moment la trace de saint Grégoire. C’est lui qui a introduit, dans la seconde oraison avant la Consécration (Hanc igitur), ces trois prières si riches de sens : « et dispose nos jours dans la paix et ordonne que nous soyons arrachés à l’éternelle damnation et que nous soyons comptés dans le troupeau de tes élus ». Son missel est devenu, à peu de choses près, le missel de tout l’Occident et il l’est resté. Pour ce qui est du culte divin, Grégoire mérite aussi d’être appelé le Grand.
Karl Bihlmeyer (cité par dom Pius Parsch)
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On lira ci-après l’essentiel de ce que dom Guéranger dit de saint Grégoire le Grand dans ses Institutions liturgiques. Pour les autres aspects de la vie et de l’œuvre de ce pape véritablement exceptionnel, on lira les deux catéchèses de Benoît XVI.