Un texte de Dom Guéranger qui est d’une actualité permanente et qui mérite d’être lu et relu.
Le jour de Noël 428, Nestorius [qui venait d’être élu patriarche de Constantinople], profitant du concours immense des fidèles assemblés pour fêter l'enfantement de la Vierge-mère, laissait tomber du haut de la chaire épiscopale cette parole de blasphème : « Marie n'a point enfanté Dieu ; son fils n'était qu'un homme, instrument de la divinité. » Un frémissement d'horreur parcourut à ces mots la multitude; interprète de l'indignation générale, le scolastique Eusèbe, simple laïque, se leva du milieu de la foule et protesta contre l'impiété. Bientôt, une protestation plus explicite fut rédigée au nom des membres de cette Eglise désolée, et répandue à nombreux exemplaires, déclarant anathème à quiconque oserait dire : « Autre est le Fils unique du Père, autre celui de la vierge Marie. » Attitude généreuse, qui fut alors la sauvegarde de Byzance, et lui valut l'éloge des conciles et des papes ! Quand le pasteur se change en loup, c'est au troupeau à se défendre tout d'abord. Régulièrement sans doute la doctrine descend des évêques au peuple fidèle, et les sujets, dans l'ordre de la foi, n'ont point à juger leurs chefs. Mais il est dans le trésor de la révélation des points essentiels, dont tout chrétien, par le fait même de son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée. Le principe ne change pas, qu'il s'agisse de croyance ou de conduite, de morale ou de dogme. Les trahisons pareilles à celle de Nestorius sont rares dans l'Eglise; mais il peut arriver que des pasteurs restent silencieux, pour une cause ou pour l'autre, en certaines circonstances où la religion même serait engagée. Les vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur seul baptême, en de telles conjonctures, l'inspiration d'une ligne de conduite; non les pusillanimes qui, sous le prétexte spécieux de la soumission aux pouvoirs établis, attendent pour courir à l'ennemi, ou s'opposer à ses entreprises, un programme qui n'est pas nécessaire et qu'on ne doit point leur donner.
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