Tony Blair a annoncé, hier, que les troupes britanniques vont être réduites en Irak. Moins que ce que les rumeurs laissaient supposer cependant : l’effectif passera de 7.100 à 5.500 dans les prochains mois, et en dessous de 5.000 à la fin de l’été. Mais Tony Blair ajoute que le transfert de la province de Bassorah aux Irakiens est prévu au cours du deuxième semestre, ce qui laisse supposer une nouvelle réduction d’effectifs à ce moment-là. Et plus importante, puisque les troupes britanniques sont essentiellement basées dans cette province du sud.
Tony Blair, tel qu’en lui-même, n’a pas hésité à souligner que George Bush considérait ce retrait « comme un succès », un signe des progrès réalisés sur le terrain.
Telle est en effet la réaction officielle de la Maison Blanche. Elle avait été annoncée dès mardi matin, à l’issue d’un coup de téléphone de Tony Blair à George Bush informant celui-ci de la décision britannique : « Le président Bush considère ceci comme un signe de succès et de ce qui est possible pour nous une fois que nous aurons aidé les Irakiens à régler le problème de la violence confessionnelle à Bagdad », avait déclaré le porte-parole.
C’est un tel « succès » que les Américains sont en train de déployer 21.500 soldats supplémentaires… Dans le seul but de réduire « la violence confessionnelle à Bagdad » ?
L’annonce de Tony Blair a été immédiatement suivie de l’annonce du gouvernement danois qu’il allait retirer son bataillon de 430 hommes, stationné à Bassorah (chez les Britanniques). Et de l’annonce de la Lituanie et de la Lettonie qu’elles envisageaient également de rapatrier leurs soldats.
Commentaire de Condoleezza Rice : « La coalition reste intacte. » Ce serait à hurler de rire si la situation n’était pas aussi tragique.
On peut se demander pourquoi le plus fidèle et important allié de Bush accélère le retrait de ses troupes (il y avait 9.000 Britanniques en Irak il y a deux ans) au moment où la situation s’aggrave et conduit les Américains à renforcer leur présence.
Il y a deux raisons. L’une est que Tony Blair, qui doit quitter ses fonctions d’ici septembre, veut assurer sa passation de pouvoir à Gordon Brown dans les moins mauvaises conditions. Or l’opinion publique est très défavorable à la présence militaire britannique en Irak, et Gordon Brown lui-même n’en est pas un chaud partisan. Si Tony Blair veut quitter le pouvoir avant de battre des records d’impopularité et de faire chuter les travaillistes aux élections suivantes, il n’a pas d’autre choix.
L’autre raison est que selon nombre d’observateurs l’armée britannique a désormais perdu le sud de l’Irak, qui est aux mains des factions chiites, et pour tout dire de l’Iran. Le correspondant de l’AFP à Bassorah constatait récemment que s’il y a trois ans, les soldats britanniques patrouillaient en béret, aujourd’hui, ils portent casque lourd et gilet pare-balles, même à l’intérieur de leurs bases, frappées quotidiennement par des obus de mortier et des roquettes. Et quand ils envoient les policiers irakiens, qu’ils entraînent, sécuriser une zone avant leur passage, ils ne savent jamais si le travail est fait ou si les policiers en ont profité pour organiser une attaque… « A chaque fois que nous avons un problème, la police est passée par là avant nous », déclarait un caporal…
Autrement dit, tant sur le plan intérieur que sur celui de la situation en Irak, Tony Blair est contraint à prendre cette décision. Tant pis pour Bush.