Les députés ont paraît-il adopté hier soir, à une large majorité, le projet de loi constitutionnel visant à geler au 8 novembre 1998 le corps électoral en Nouvelle-Calédonie.
Les projets de loi sont normalement adoptés à main levée, sauf si un président de groupe ou le président de l’Assemblée demande un scrutin public, ce qui est fréquent, surtout pour les textes importants. Personne n’a demandé de scrutin public, alors qu’il s’agit d’une modification de la Constitution. Donc il n’y a pas de comptage des voix. Mais ce qui est beaucoup plus fort est que Jean-Louis Debré a conclu à l’adoption du texte sans même appeler la petite centaine de députés présents à se prononcer à main levée…
Certes, il y avait une majorité de députés en faveur du texte, puisque tous les orateurs PS, UDF et PC avaient appelé à voter pour, ainsi que le président du groupe UMP Bernard Accoyer. Mais le procédé est stupéfiant.
Il s’agissait bien évidemment de ne pas montrer la profonde division de l’UMP sur la question.
Dans son discours d’ouverture des débats, Dominique de Villepin n’avait pas craint d’affirmer que « la majorité et le gouvernement sont parfaitement unis » sur ce texte. Alors qu’en commission des lois la moitié des députés UMP (six sur douze) s’étaient prononcés contre, et que le texte n’a pu venir en discussion que grâce aux députés UDF et PS. A la fin de son discours, Villepin a été applaudi par la gauche, les rangs UMP sont restés de marbre…
Au cours de la discussion, on a entendu l’UMP Jacques Lafleur conjurer le gouvernement de reporter le texte, l’UMP Pierre Frogier dénoncer une « monstruosité juridique », un « véritable apartheid avec deux catégories de citoyens », l’UMP Jacques Myard fustiger un « projet révisionniste » et un « assassinat constitutionnel ». Dans un communiqué, l’UMP Nicolas Dupont-Aignan avait déclaré refuser de « se joindre à cette mascarade » par laquelle le gouvernement « demande aux élus de la nation d’aller encore plus loin dans le délire institutionnel et électoral ». De source parlementaire, on estimait qu’une trentaine de députés UMP auraient pu voter contre le texte. Essentiellement des députés sarkozystes. Et l’on a constaté que le ministre de l’Intérieur (le ministre des élections) a quitté l’hémicycle dès la fin de l’allocution de Villepin…
Le Premier ministre a affirmé aussi que la réforme irait à son terme avant la fin de la législature. Grâce à la gauche et à Chirac réunis.