Une nuit, l'ecclésiastique qui était couché dans une chambre contiguë à celle de Don Bosco remarqua que son sommeil était agité, et qu'il parlait tout haut ; cela dura assez longtemps.
Le lendemain il en fit l'observation :
— Mon Père, vous avez mal dormi cette nuit ?
— Oui, j'ai fait un rêve assez singulier : j'étais dans un pays où l'on ne parle pas italien, et j'ai vu une maison, au milieu d'une campagne. Il y avait des enfants qui couraient çà et là, d'autres étaient occupés à des travaux agricoles, et des prêtres Salésiens se trouvaient au milieu d'eux.
Ce jour même — c'était en 1876 — Don Bosco reçut une lettre de Mgr. Terris, évêque de Fréjus et Toulon, qui lui proposait, dans le Var, près La Crau d'Hyères, une propriété convenable à l'établissement d'un Patronage agricole.
À cette époque, D. Bosco n'avait qu'une seule Maison en France, celle de Nice, et il n'avait encore aucun Patronage agricole. Il n'accepta pas tout de suite cette proposition ; quelques difficultés durent être levées, et les pourparlers durèrent près de deux ans.
Enfin, la fondation fut décidée et exécutée. On la confia à un prêtre Salésien, le P. Perrot, qui s'installa le 5 juillet 1878, dans cette propriété appelée la Navarre. Il y réunit immédiatement autant d'enfants que les bâtiments purent en contenir.
À la fin de janvier 1879, D. Bosco profita d'un voyage qu'il fit à Marseille, où l'appelait une nouvelle fondation, pour visiter son Patronage du Var, qu'il ne connaissait pas. Il coucha à Hyères, et, le lendemain, on le conduisit à la Navarre.
Cette propriété est située à environ douze kilomètres d'Hyères. C'est un lieu très solitaire, mais qui ne manque pas de charme. Des collines, boisées de pins et de chênes-lièges, entourent l'habitation. Au devant, des vignes et quelques terres. Seulement les terres, à ce moment-là, étaient presque en friche ; et les bâtiments, une maison autrefois bourgeoise et une ferme, étaient dans un état de grand délabrement.
Les enfants, sous la conduite du P. Perrot, vinrent attendre Don Bosco aux limites de la propriété, et ils l'accompagnèrent en chantant des cantiques.
On alla d'abord à la petite chapelle, puis on visita les bâtiments.
Quand on fut à la ferme, Don Bosco se mit à considérer les lieux avec une grande attention :
— Vraiment, fit-il, c'est bien là cet endroit que j'ai vu en rêve ; je le reconnais parfaitement et ne puis en douter.
Ce songe était connu du P. Perrot qui même, sur le moment, en avait noté tous les détails.
C'était bien cela, et Don Bosco avoua même qu'il reconnaissait, pour l'avoir entendue dans son rêve, la voix d'un enfant qui venait de chanter un motet.
— Bien sûr, ajouta-t-il, la divine Providence avait destiné cet asile à nos enfants : Louée soit Notre-Dame Auxiliatrice.
Vie de don Bosco par Charles d’Espiney
Le nom du domaine de la Navarre vient de celui de ses propriétaires jusqu’en 1830. En 1868, le propriétaire d’alors le donna à un prêtre, l’abbé Vincent, à charge pour lui d’en faire un orphelinat agricole comme celui qu’il dirigeait déjà à Saint-Cyr. Mais l’abbé vieillissant ne pouvait plus s’occuper des deux maisons, le domaine de la Navarre était presque à l’abandon, d’où la décision de l’évêque de faire appel à dom Bosco. Lequel reviendra en 1884 bénir la chapelle construite grâce à la générosité de familles de la région. La Navarre est aujourd’hui un collège toujours salésien. Le domaine est devenu vinicole.
La Navarre, cour de récréation. Photo Rey...