« Il faut comprendre ce que signifie, à mon avis, le mot « queer ». Une personne qui s'appelait Michela et dont le nom de famille était Murgia me l'a expliqué. Elle m'a parlé des enfants qu'elle avait, avec lesquels elle n'avait aucun lien du sang. Elle a épousé un homme parce qu'elle l'aimait et pour pouvoir continuer à avoir ce lien avec ces enfants. Je pense que nous devrions tous apprendre cela, qu'un lien peut exister sans qu'il y ait nécessairement une implication juridique. L'important, c'est de s'aimer. »
Le propos est du cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne, président de la Conférence épiscopale italienne.
Michela Murgia s’est mariée en 2010 à un informaticien dont elle s’est séparée quatre ans plus tard : « Je n'ai jamais cru au couple, j'ai toujours considéré qu'il s'agissait d'une relation insuffisante. J'ai quitté un homme après qu'il m'a dit qu'il rêvait de vieillir avec moi en Suisse dans une villa au bord du lac. Une perspective affreuse. »
Elle vit avec quatre enfants, qui ne sont pas les siens. L’un d’eux est en « enfant partagé », à savoir entre deux mères dont ni l’une ni l’autre ne l’est. « Comment se fait-il que nous soyons devenues mères ensemble ? Raphaël l'a fait à l'âge de neuf ans, en me prenant la main le soir même où je l'ai vu pour la première fois et en me disant : « Je ne veux pas que tu t'en ailles un jour (...). Au cours des douze années suivantes, j'ai divorcé, elle s'est mariée, nous avons vécu beaucoup de choses ensemble, mais une chose n'a jamais changé : nous sommes restées les mères de Raphaël. »
« Dans la famille queer où je vis, il n'y a personne qui ait entendu, au fil des ans, les termes de mari/épouse. Dans cette famille, tout change, les rôles tournent. Dans la famille traditionnelle, ce n'est pas le cas, car c'est le sang qui les détermine. Un père est toujours un père. Et parfois, c'est une condamnation à vie. Tant pour le père que pour les enfants. »
Puis Michela, qui allait mourir d’un cancer, s’est mariée avec un jeune acteur et metteur en scène pour des questions légales (concernant les enfants). « Nous l’avons fait à contrecœur : si nous avions eu un autre moyen de garantir les droits de l’autre, nous n’aurions jamais eu recours à un outil aussi patriarcal et limité. (…) Dans quelques jours dans le jardin de la maison toujours en mouvement nous donnerons vie à notre idée d’une fête de famille queer. Nos promesses ne seront pas ce que nous avons été forcés de faire l’autre jour. »
Tel est le modèle queer qu’apprécie le cardinal Zuppi. Un modèle familial parmi d’autres. Car « l'important, c'est de s'aimer ». C’est pourquoi dans son diocèse a été célébrée dès juin 2022 une bénédiction de couple de même sexe, par le directeur de l'Office pastoral de la famille du diocèse, le P. Gabriele Davalli, dans l’église de Budrio, près de Bologne.