Bernard Kouchner était invité hier à parler devant le Council of foreing relations, que l’AFP qualifie d’institut de recherche américain. En fait le CFR, et en l’occurrence il est bon de le rappeler, est à la fois l’un des principaux lobbies du mondialisme et l’inspirateur de la politique étrangère des Etats-Unis. La description, tout en retenue, qu’en fait Wikipedia, suffit : « Etant donné son influence, son opacité et sa discrétion dans les médias, certains voient en lui le véritable organe décisionnel de la politique étrangère des Etats-Unis, et de fait, au vu de la puissance américaine dans le monde, l'un des plus importants lobbies au monde. À noter que bon nombre de membres du CFR sont également des Bilderbergers, tandis que d'autres sont membres de la Commission Trilatérale , autant de groupes régissant l'économie et la géopolitique mondiales. »
Et devant le CFR, Bernard Kouchner a parlé de la... Turquie. Il a révélé, au CFR, donc, et non pas aux Français, que Nicolas Sarkozy et lui-même venaient de se réunir avec le Premier ministre turc Erdogan et son ministre des Affaires étrangères Babacan, et qu’il avait été décidé que les ministres français et turc des Affaires étrangères allaient « être chargés de la mise en place d’une sorte de groupe de travail afin d’envisager toutes les possibilités » dans le rapprochement de la Turquie et de l’Union européenne.
Bernard Kouchner a affirmé d’emblée qu’il n’était pas d’accord avec Nicolas Sarkozy et qu’il fallait accepter la Turquie dans l’Union européenne. Il a également révélé qu’il est à l’origine du revirement de Sarkozy sur la question : « Nous l’avons convaincu de ne pas casser l’ensemble du processus » de négociations. Il serait intéressant de savoir qui sont les autres personnes qui se cachent sous le « nous ». Parlait-il de ses amis du CFR ?
Ainsi donc a été fabriquée la nouvelle position de Sarkozy, destinée à poursuivre les négociations d’adhésion tout en faisant semblant de continuer de dire que la Turquie n’a pas sa place en Europe. C’est la fameuse doctrine exposée devant la conférence des ambassadeurs, selon laquelle on peut continuer les négociations à condition que tout nouveau chapitre soit « compatible avec les deux visions possibles : soit l’adhésion, soit une association aussi étroite que possible », et à condition que soit mis en place un « comité des sages » qui serait chargé de réfléchir à l’avenir de l’Union européenne.
Devant le CFR, Bernard Kouchner a répété le nouveau dogme sarkozyen (inspiré par les mystérieux « nous ») que seuls 5 chapitres supposent une intégration au sein de l’UE, et que 30 autres peuvent donc être négociés. Cela « prendra des années et des années », et « entre-temps nous aurons de bonnes relations avec la Turquie ».
Et ces relations seront d’autant meilleures qu’elles seront entretenues par le groupe de travail piloté par Kouchner et Babacan, censé envisager toutes les possibilités. Or les Turcs, comme la Commission européenne, ont toujours dit et répété que la seule possibilité est l’adhésion.
En bref, dit Kouchner, « la position de la France est claire : nous avons le temps ». Le temps de passer en douceur de la position première de Sarkozy de refus absolu de l’adhésion, à l’acceptation de l’adhésion au bout du processus. Et pour être certain que cela se fera, on va supprimer dans la Constitution l’article qui impose un référendum pour tout nouvel élargissement. Là encore, alors que Sarkozy reste pour l’instant muet sur la question, lui qui avait chaleureusement félicité Jacques Chirac pour avoir ajouté cet article, c’est Bernard Kouchner qui a révélé que le président était favorable à sa suppression. « Nous l’en avons convaincu », pourrait-il sans doute dire également à ce sujet.
En fait, Bernard Kouchner a rendu compte devant le CFR du bon travail qu’il a accompli auprès de Nicolas Sarkozy, afin que la Turquie , conformément aux visées américaines inspirées par le CFR, intègre l’Union européenne. Ce qui, il faut bien le dire, est dans la logique de l’atlantisme de Sarkozy, et de sa volonté, exprimée également à New York, de voir la France revenir aux structures militaires intégrées de l’OTAN.