Contrairement aux premières incursions de l’armée turque au Kurdistan irakien, l’offensive menée depuis jeudi dernier est une véritable guerre.
Selon l’état-major de l’armée turque, les opérations ont déjà fait 112 morts parmi les « rebelles » (le PKK), compte non tenu des personnes tuées par les bombardements, et 15 soldats turcs. Le PKK annonce 3 morts de son côté, et 47 chez les soldats turcs. Samedi, le PKK a annoncé avoir abattu un hélicoptère turc. Dimanche, l’armée turque a indiqué qu’un de ses hélicoptères a été « détruit pour une raison inconnue ».
L’armée turque pilonne des localités kurdes depuis le territoire turc et envoie des troupes par hélicoptère. Les peshmerga (qui ne sont plus aujourd’hui des « rebelles » mais des forces régulières kurdes...) font état de combats dans la région d’Harkuk. Un correspondant de l’AFP a vu plus d’une dizaine d’avions de chasse se diriger vers cette région. L’agence Firat News, proche du PKK, signale des raids aériens et des combats dans la région de Zap.
Le chef de l’aile militaire du PKK, Bahoz Erdal, a appelé les jeunes Kurdes de Turquie à « rendre la vie insupportable dans les grandes métropoles » et à... « brûler chaque soir des centaines de voitures »... L’organisation de jeunesse du PKK a appelé à des actes de violence dans tous les pays où se trouve une minorité kurde...
Le « gouvernement » irakien, assurant comprendre les « préoccupations légitimes » de la Turquie, appelle le gouvernement turc à « retirer ses troupes du sol irakien au plus vite », car, dit-il, « l’opération est une menace pour la souveraineté de l’Irak » (sic), et pour « la sécurité et la stabilité de la région ».
Le « gouvernement » irakien ne peut que gémir tout doucement. Il n’a aucune autorité sur le Kurdistan, que les Américains ont rendu pleinement autonome depuis la première guerre du Golfe, et les Turcs sont ouvertement appuyés par les Américains dans cette opération, notamment en fournissant le travail de renseignement sur la localisation et les déplacements des hommes du PKK.
Ceux qui sont dans une situation délicate sont les chefs du Kurdistan : le « président » irakien Talabani, et surtout le président de la région autonome, son frère ennemi Barzani, qui est le chef dynastique de la partie du Kurdistan frontalière avec la Turquie, ouvertement protégé par les Etats-Unis et protecteur occulte du PKK...
Sans doute les Turcs ont-ils de bonnes raisons de vouloir éradiquer le PKK. Sans doute aussi vaudrait-il mieux qu’ils commencent par reconnaître l’identité kurde et donner des droits aux Kurdes de Turquie, plutôt que de se lancer dans une guerre qui ne peut qu’accroître la déstabilisation de cette région poudrière. Une fois encore, les Etats-Unis jouent un très mauvais jeu.