Antonio Socci a mis le doigt sur quelque chose de très important. Si Benoît XVI, explique-t-il, a évoqué l’eucharistie et la transsubstantiation dans son allocution lors de la réception pour son 65e anniversaire de sacerdoce, c’est pour répondre aux propos de François sur Luther, et à ce qu’il se prépare à faire en célébrant les 500 ans de la « Réforme ».
François a dit :
Aujourd'hui, luthériens et catholiques, avec tous les protestants, nous sommes d'accord sur la doctrine de la justification: sur ce point si important il ne s'était pas trompé.
Il : Luther… il ne s’était pas trompé. C’est donc l’Eglise catholique qui s’était trompée, et qui l’a enfin reconnu. Oui, c’est le pape qui ose suggérer cela…
François fait ainsi allusion à la Déclaration commune sur la doctrine de la justification, entre le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens et la Fédération luthérienne mondiale (qui est très loin de représenter « tous les protestants »), de 1998. Mais :
1- Cette Déclaration exprimait, elle le soulignait elle-même, « un consensus sur des vérités » partielles, pas sur l’ensemble de la doctrine de la justification enseignée par les catholiques et les protestants.
2 – Le texte catholique officiel n’est pas cette Déclaration, mais la « Réponse de l’Eglise catholique à la Déclaration commune ». Réponse rédigée par le cardinal Ratzinger, qui pointait des « difficultés », dont la première est qu’une de ses formulations tombe sous les anathèmes du concile de Trente… (D’où une « annexe » ajoutée ensuite à la Déclaration, donnant une précision qui permettait d’échapper aux anathèmes…) Puis il y eut le propos (en français ici, avec les autres documents sauf l'annexe) de Jean-Paul II, pourtant si œcuméniste, minimisant clairement la portée du document.
3 – L’année suivante, en juin 1999, le cardinal Ratzinger souligna que la Déclaration avait « clarifié » des formules et des « controverses classiques », mais que « le problème devient plus réel si l'on tient compte de la présence de l'Eglise dans le processus de justification, la nécessité du sacrement de pénitence. Ici se révèlent les vraies différences. » Du point de vue catholique on ne peut pas parler de la justification sans parler des sacrements. Et là on retrouve de façon impressionnante le Benoît XVI du 28 juin 2016 :
Il est important de noter que Dieu agit réellement dans l'homme. Il le transforme, il crée quelque chose de nouveau dans l'homme, il ne donne pas seulement un jugement presque juridique, extérieur à l'homme. Cela a une portée beaucoup plus générale. Il y a une transformation du cosmos et du monde. Pensons par exemple à l'Eucharistie. Nous catholiques, disons qu'il ya une transsubstantiation, que la matière devient le Christ. Luther parle au contraire de coexistence: la matière reste telle, et coexiste avec le Christ. Nous catholiques, nous croyons que la grâce est une véritable transformation de l'homme et une transformation initiale du monde, et elle n'est pas, comme vous le dites bien, seulement une couverture ajoutée qui ne rentre pas vraiment au cœur de la réalité humaine.
Ce propos est la preuve évidente que Benoît XVI, ce 28 juin, a voulu répondre au propos de François sur Luther. Et il répond aussi à ceux qui voient François, à la faveur du 500e anniversaire, permettre la communion sacramentelle aux protestants, en application d’un de ses innombrables propos ambigus.
Benoît XVI a tenu à garder l’habit et le titre de pape et ses armoiries, et à continuer de vivre au Vatican. Comme témoin vivant de la foi. Voire comme le katekhon.