La décision de la Cour constitutionnelle de Pologne avait été plusieurs fois reportée. Elle a été finalement publiée hier, 7 octobre, jour de la fête du Rosaire, anniversaire de la bataille de Lépante. Dans un arrêt véritablement historique, la Cour établit que plusieurs articles du traité de l’UE sont incompatibles avec la Constitution polonaise (sous-entendu : c’est la Constitution polonaise qui prime) et que de multiples décisions de la Cour de Justice de l’UE sont incompatibles avec la législation polonaise. Les institutions européennes ne doivent pas agir au-delà du champ de leurs compétences. C’est particulièrement le cas pour la réforme judiciaire qui fait l’objet du débat : « Parmi les compétences transférées par la Pologne à l’UE, il n’y a aucune compétence liée à la création, à l’organisation ou au système du pouvoir judiciaire. » Ce qui est indiscutable. Donc « la tentative d’ingérence de la Cour de justice de l’Union européenne dans le système judiciaire polonais viole le principe de la primauté de la Constitution polonaise. »
Le porte-parole du gouvernement, Piotr Muller, constatant avec satisfaction que l’arrêt confirmait « la primauté du droit constitutionnel sur les autres sources de droit », a souligné que cette décision « n'affecte pas les domaines dans lesquels l'UE a des compétences déléguées dans les traités », tels que les règles de concurrence, le commerce et la protection des consommateurs.
La Commission européenne a répété son mantra : « Le droit communautaire prime sur le droit national, y compris les dispositions constitutionnelles ». Et elle a martelé : « Tous les arrêts de la Cour européenne de justice sont contraignants pour les autorités de tous les États membres, y compris les tribunaux nationaux. » Le commissaire Didier Reynders a déclaré que l'UE « utilisera tous les outils» à sa disposition pour protéger la primauté du droit européen qui se trouve « au cœur de l'Union ».
Au cœur de l’Union ? C’est quand même curieux, quelque chose qui est au cœur, mais qui ne figure nulle part dans les traités…
« C’est une attaque contre l’UE », a vitupéré le petit Clément Beaune qui est parait-il la voix de la France en la matière.
Non, ce n’est pas une attaque contre l’UE, c’est une tentative de remise en ordre, pour une UE qui respecte les souverainetés nationales. Dans le respect du traité tel qu’il est.
On notera le courage des dirigeants polonais. Car ils prennent cette décision, dont on parlait depuis longtemps, alors que la Commission européenne n’a pas encore approuvé le plan de relance pour la Pologne, explicitement à cause de l’affaire des réformes judiciaires. (Ce qui est évidemment illégal et illégitime, puisqu’il n’y a pas de lien entre les deux questions.)
Or, bien que les dirigeants polonais n’aient a priori aucune intention de sortir de l’UE, il va de soi que si la Commission européenne et la CJUE continuent leurs attaques et leurs condamnations et si la Pologne ne bénéficie plus en rien de l’UE, le Polexit deviendra la seule solution.