Saint Remi convertit à Jésus-Christ le roi et la nation des Francs. En effet ce roi avait épousé une femme très chrétienne nommée Clotilde qui employait inutilement tous les moyens pour convertir son mari à la foi. Ayant mis au monde un fils, elle voulut qu'il fût baptisé ; le roi s'y opposa formellement : or, comme elle n'avait pas de plus pressant désir, elle finit par obtenir le consentement de Clovis ; et l’enfant fut baptisé ; mais peu de temps après, il mourut subitement. Le roi dit à Clotilde : « On voit maintenant que le Christ est un dieu de maigre valeur, puisqu'il n'a pu conserver à la vie celui par lequel sa croyance pouvait être accrue. » Clotilde lui dit : « Bien au contraire, c'est en cela que je me sens singulièrement aimée de mon Dieu, puisque je sais qu'il a repris le premier fruit de mon sein ; il a donné à mon fils un royaume infiniment meilleur que le tien. » Or, elle conçut de nouveau et mit au monde un second fils qu'elle fit baptiser au plus tôt ainsi que le premier ; quand tout à coup, il tomba si gravement malade qu'on désespéra de sa vie. Alors le roi dit à son épouse : « Vraiment ton dieu est bien faible pour ne pouvoir conserver à la vie quelqu'un baptisé en son nom : quand tu en engendrerais un mille et que tu les ferais baptiser, tous ils périront de même. » Cependant l’enfant entra en convalescence et recouvra la santé ; il régna même après son père.
Or, cette femme fidèle s'efforçait d'amener son mari à la foi, mais celui-ci résistait d'une manière absolue.
Et quand le roi Clovis eut été fait chrétien, il voulut doter l’église de Reims, et dit à saint Remi : « Je vous veux donner tout le terrain dont vous pourrez faire le tour pendant ma sieste. » Ainsi fut fait. Mais sur un point du terrain que Remi parcourait, se trouvait un moulin, et le meunier repoussa le saint avec indignation. Saint Remi lui dit : « Mon ami, souffre sans te plaindre que nous partagions ce moulin. » Cet homme le repoussa encore, mais aussitôt la roue du moulin se mit à tourner à rebours ; il appela alors saint Remi en lui disant : « Serviteur de Dieu, venez, et possédons le moulin en commun. » Le saint lui répondit : « Ce ne sera ni à toi, ni à moi. » Et à l’instant la terre s'entrouvrit et engloutit entièrement le moulin.
Saint Remi, prévoyant qu'il y aurait une famine, amassa beaucoup de blé ; des paysans ivres, pour se moquer de la prudence du vieillard, mirent le feu au magasin. Quand saint Remi apprit cela, à raison des glaces de l’âge et du soir qui était arrivé il se mit à se chauffer et dit tranquillement : « Le feu est bon en tout temps, cependant les hommes qui ont agi ainsi et leurs descendants auront les membres virils rompus et leurs femmes seront goitreuses. » Il en fut ainsi jusqu'au temps où ils furent dispersés par Charlemagne.
Or, il faut noter que la fête de saint Remi qui se célèbre au mois de janvier est le jour de son bienheureux trépas tandis que ce jour est la fête de sa translation. Après son décès, son corps était porté dans un cercueil en l’église des saints Timothée et Apollinaire ; mais arrivé à l’église de saint Christophe, il devint tellement pesant qu'il n'y eut plus possibilité de le mouvoir. On fut donc forcé de prier le Seigneur de daigner indiquer si, par hasard, il ne voulait pas que Remi fût inhumé dans cette église où il n'y avait encore aucune autre relique de saint : et à l’instant, on souleva le corps avec grande facilité, tant il était devenu léger, et on l'y déposa avec beaucoup de pompe. Or, comme il s'y opérait une infinité de miracles, on agrandit l’église et on construisit une crypte derrière l’autel ; mais quand il fallut lever le corps pour l’y placer, on ne put le remuer. On passa la nuit en prières et à minuit, tout le monde s'étant endormi, le lendemain, c'est-à-dire le 1er octobre, on trouva que le cercueil avait été porté dans cette crypte par les anges avec le corps de saint Remi.
Ce fut longtemps après qu'on en fit, à pareil jour, la translation, avec une châsse d'argent, dans la crypte qui avait reçu de riches décorations.
Saint Remi vécut vers l’an du Seigneur 490.
Jacques de Voragine, Légende dorée, au 1er octobre.