Il est tout de même étonnant qu’on ait supprimé l’octave de la Fête Dieu (en 1955), alors que, si l’on en croit sainte Marguerite Marie, c’est Jésus lui-même qui a demandé qu’on instaure une fête de son Sacré Cœur le lendemain de l’octave de la Fête Dieu… (Et non pas le lendemain de la Fête Dieu, comme cela aurait été également compréhensible, et aurait rendu acceptable la suppression de l’octave.)
Tout en gardant l’octave, Pie XI avait déjà modifié les matines du bréviaire romain. Sous prétexte que la fête du Sacré Cœur empêchait au premier nocturne la lecture biblique occurrente, il l’avait mise au premier nocturne de l’octave de la Fête Dieu. Alors que non seulement elle n’a rien à voir (il s’agit de l’institution de la royauté en Israël), mais en outre cela ne correspond plus avec la lecture du deuxième nocturne, où saint Cyrille de Jérusalem rappelle le texte « que nous venons d’entendre chanter » : l’institution de l’eucharistie dans la première épître aux Corinthiens, qui est également le thème de la lecture du troisième nocturne. Voici ces lectures.
De la 4e catéchèse mystagogique de saint Cyrille de Jérusalem :
La seule doctrine du bienheureux Paul me paraît suffire largement à vous donner une foi certaine en ces mystères sacrés dont vous avez été rendus dignes, et qui ont fait de vous des êtres concorporels et consanguins du Christ, pour ainsi parler. L’Épître du bienheureux Apôtre que nous venons d’entendre chanter nous rappelle « que notre Seigneur Jésus-Christ, la nuit qu’il fut livré, prenant du pain et rendant grâces, le rompit et le distribua à ses disciples, disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps ». Prenant ensuite le calice et rendant grâces, il ajouta : Prenez et buvez, ceci est mon sang. Or, puisqu’en parlant du pain, il a dit nettement : Ceci est mon corps ; qui osera hésiter dans sa foi ? Et puisqu’il a dit d’une manière positive : Ceci est mon sang ; qui jamais en pourra douter et dire que ce n’est pas son sang ?
Autrefois, à Cana de Galilée, il changea l’eau en vin (le vin n’est pas sans quelque ressemblance avec le sang), et nous estimerions peu digne de lui, de croire qu’il a changé le vin en son sang ? C’est invité à des noces terrestres qu’il a fait ce miracle qui étonna tous les convives. Et nous n’aurions pas une conviction beaucoup plus ferme qu’il a mis à notre disposition son corps et son sang, pour que nous les prenions avec une entière certitude, comme étant bien son corps et son sang ? Car sous l’espèce du pain il nous donne son corps, et sous l’espèce du vin il nous donne son sang ; de sorte que lorsque tu manges le corps, lorsque tu bois le sang du Christ, c’est réellement à son corps et à son sang que tu participes. C’est ainsi que nous devenons en effet christifères, c’est-à-dire porteurs du Christ en nos personnes, quand nous faisons passer dans nos membres son corps et son sang ; c’est ainsi d’après le bienheureux Pierre, « que nous devenons participants de la nature divine ».
Autrefois, s’entretenant avec les Juifs, le Christ leur disait : « Si vous ne mangez pas ma chair, et ne buvez mon sang, vous n’aurez point la vie en vous ». N’ayant pas compris spirituellement ces paroles, ils se retirèrent offensés, s’imaginant qu’il les exhortait à manger des morceaux de chair humaine. L’ancienne alliance elle-même, avait des pains de proposition : appartenant à l’ancienne alliance, ils ont disparu avec elle. Dans le nouveau Testament, nous avons un pain céleste et un calice de salut, qui sanctifient l’âme et le corps. Ces saintes choses étant le corps et le sang du Christ, de grâce, ne les regarde pas comme si elles étaient purement et simplement du pain, purement et simplement du vin. Quoi qu’en disent les sens, que ta foi se rassure. Ne juge pas d’après le goût ; mais que la foi, ne laissant subsister aucun doute, te rende absolument certain que tu as l’honneur de participer au corps et au sang du Christ.
Du commentaire de l’évangile de saint Jean par saint Cyrille d’Alexandrie :
« Qui mange ma chair et boit mon sang, dit Jésus-Christ, demeure en moi et moi en lui. » De même, en effet, que si l’on verse dans de la cire en fusion d’autre cire, il arrive nécessairement que l’une se mêle tout à fait avec l’autre ; ainsi celui qui reçoit la chair et le sang du Seigneur, s’unit si intimement à lui, que le Christ réside en lui, et qu’il est lui-même dans le Christ. On trouve une comparaison analogue dans saint Matthieu : « Le royaume du ciel, dit-il, est semblable au levain qu’une femme prend et mêle dans trois mesures de farine. » Comme « un peu de levain, dit saint Paul, fait lever toute la pâte », de même une petite eulogie attire en elle l’homme tout entier et le remplit de sa grâce ; et de cette façon le Christ demeure en nous, et nous dans le Christ.
Si donc nous voulons atteindre à la vie éternelle, si nous désirons posséder en nous le dispensateur de l’immortalité, accourons avec ardeur pour recevoir la divine eulogie ; prenons garde que le diable, nous tendant un piège, ne nous arrête par une crainte préjudiciable à nos âmes. Ce que tu affirmes est juste, dira-t-on ; il est cependant écrit, nous ne l’ignorons pas, « qu’il mange et boit son jugement, celui qui mange de ce pain et boit de ce calice indignement ». En conséquence, je m’éprouve moi-même, et je me trouve indigne. Toi qui parles ainsi, qui que tu sois, quand donc seras-tu digne ? Quand viendras-tu te présenter au Christ ? Car tu es indigne à cause de tes péchés, et si tu pèches toujours (qui, en effet, comprend ses fautes ? a dit le psalmiste) tu seras à jamais privé de cette vivifiante sanctification. Prends donc, je t’en conjure, de saintes pensées, applique-toi à mener une vie pure, et participe à la communion, laquelle, crois-moi, n’écarte pas seulement la mort, mais aussi les maladies. Car le Christ, lorsqu’il demeure en nous, comprime la tyrannie de nos membres révoltés, fortifie la piété, éteint dans l’âme les passions ; il guérit les malades, refait et ranime les cœurs brisés, et comme le bon pasteur qui a donné sa vie pour ses brebis, nous relève de toutes nos chutes.