Que signifie : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père ? » Si elle ne pouvait le toucher quand il se tenait sur la terre, le pourrait-elle quand il siégerait au ciel ? Il semblait dire: Ne me touche pas maintenant; tu me toucheras quand je serai monté près de mon Père.
Que votre charité se souvienne comment, dans la lecture d'hier [pour nous, de mardi], le Seigneur apparut à ses disciples, qui le prirent pour un esprit; et comment, pour dissiper leur erreur, il se prêta à être touché. Que leur dit-il ? « Pourquoi vous troublez-vous ? leur demanda-t-il ; et pourquoi ces pensées montent-elles dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds; touchez et voyez ». Etait-il donc monté déjà près de son Père quand il disait: « Touchez et voyez ? » Il se prête à être touché par ses disciples, non pas touché, mais palpé, pour qu’ils aient la certitude d’un vrai corps, pour fournir à leurs mains d’hommes la fermeté de la vérité. Il se prête donc à être palpé par les mains de ses disciples, et il dit à la femme: « Ne me touche pas, car je ne suis pas monté encore vers mon Père ! » Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce parce que les hommes ne pouvaient le toucher que sur la terre, tandis qu'il serait donné aux femmes de le toucher dans le ciel ?
Que signifie toucher, sinon croire ? C'est par la foi que nous touchons le Christ; mieux vaudrait même ne pas le toucher de la main et s'approcher de lui par la foi, que de le palper de la main sans avoir foi en lui. Ce ne fut pas grand avantage de toucher le Christ. Les Juifs l'ont touché quand ils l'ont pris, ils l'ont touché quand ils l'ont lié, ils l'ont touché quand ils l'ont suspendu ; ils l'ont touché et en le touchant mal ils ont perdu ce qu’ils ont touché. Touche-le par la foi, ô Eglise catholique, par la foi touche-le. Si tu ne vois en lui qu'un homme, tu le touches sur la terre; crois-tu qu'il est Dieu égal à son Père ? alors tu le touches quand il est monté vers le Père. Pour nous donc il est monté, quand nous avons de lui une idée juste.
Une fois seulement il est monté alors vers son Père; maintenant il monte chaque jour. Mais pour combien n'est-il pas encore monté ! pour combien reste-t-il sur la terre ! Combien disent de lui: Ce fut un grand homme ! Combien : Ce fut un prophète ! Combien d'antéchrists sont venus dire avec Photin : C'était un homme, rien de plus, mais un homme élevé par l'excellence de sa sagesse et de sa justice au-dessus de tous les hommes sages et de tous les hommes pieux, il n'était pas Dieu. O Photin, tu le touches sur la terre, tu t'es trop hâté de le toucher et tu es tombé ; égaré sur la route, tu n'es point arrivé dans la patrie.
Saint Augustin, sermon 246, 4.