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Mercredi de Pâques

L’évangile de ce jour est l’épisode très mystérieux de la pêche miraculeuse après la Résurrection. « Hoc est magnum sacramentum in magno Joannis Evangelio », comme dit saint Augustin. Voilà un grand mystère dans le grand Evangile de Jean…

C’est le chapitre 21 (7x3), alors que le chapitre 20 se terminait par une conclusion générale : « Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom. »

On y voit 7 disciples, on dirait bien apôtres, mais parmi eux le mystérieux Nathanaël ; 5 sont nommés, 2 ne le sont pas. Autour de Pierre, Jacques et Jean, ils sont retournés à la pêche, alors qu’ils avaient tout quitté pour suivre Jésus (c’est la conclusion même de la pêche miraculeuse dont parlait saint Luc), et que nous sommes dans le temps de l’Eglise, de l’apostolat. Et non dans celui du développement de la poissonnerie de Capharnaum.

Ils pêchent mais ils ne prennent rien. Jusqu’à ce que Jésus, sur le rivage, leur dise de jeter le filet à droite. Ils le font, et le filet se remplit de 153 gros poissons, au point qu’ils ont du mal à le tirer jusqu’au rivage.

Sur tous les points le récit est soigneusement différent de celui de la pêche miraculeuse de saint Luc. Là, Jésus se trouvait dans la barque. Ici, il est sur la rive. Là, Jésus dit aux pêcheurs (Pierre – qui n’est encore que Simon -, Jacques et Jean) de jeter leurs filets en eau profonde. Ici, il leur dit de jeter le filet à droite. Là, ils prirent tellement de poissons (sans autre précision) que les filets se rompaient, et que les barques enfonçaient. Ici, ils prennent 153 gros poissons qu’ils tirent sur le rivage.

Le récit de saint Luc symbolise la vie de l’Eglise, qui sous la houlette du Christ rassemble toutes sortes de gens, des bons et des mauvais, au point qu’il y aura des schismes (c’est le mot grec utilisé pour parler de la déchirure des filets), et que le poids des mauvais pourra avoir l’air de faire sombrer la barque de Pierre.

Le récit de saint Jean, après la fin de son Evangile, montre l’entrée dans le Royaume. Jésus est sur la terre ferme, sur le rivage de l’éternité, en son Royaume. Les apôtres sont sur la mer de ce monde, mais cette pêche est la dernière, c’est celle du rassemblement des élus : ils jettent le filet seulement du côté droit : celui des élus, et ils les amènent sur le rivage de l’éternité (sans schisme – le texte le précise, et sans surcharge) : dans le Royaume, où les attend le Christ ressuscité. (Sur les 153, voir ma note de l’an dernier.)

Cette scène est si mystérieuse qu’on ne fait pas toujours attention aux détails. Notamment à ce que voient les disciples quand ils descendent des bateaux : « Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils virent là des braises disposées, du poisson dessus, et du pain. »

Il y a déjà du poisson avant que les apôtres en apportent de leur pêche. Du poisson rôti : c’est le Christ crucifié (ichtys), et du pain, c’est le corps du Christ. Jésus leur demande alors d’apporter des poissons qu’ils viennent de prendre : c’est la participation des fidèles au sacrifice et à la glorification du Christ, ils deviennent un avec lui-même.

Puis il leur dit : « Venez, mangez. » Et il leur donne du poisson et du pain. Comme dans l’épisode de la multiplication des pains, celle que saint Jean a racontée, avec 5 pains d’orge et 2 poissons : les nombres des disciples de cette scène.

Mais l’évangéliste se garde de donner la moindre explication. Il signale seulement que c’est la troisième fois que Jésus s’est manifesté à ses disciples après sa résurrection d’entre les morts. Un autre troisième jour. Celui des chrétiens.

Commentaires

  • Magnifique. Hier soir, je me demandais justement ce qu'étaient ces poissons déjà sur les braises quand les apôtres arrivent.
    Juste une remarque : les chapitres étant l'oeuvre d'un évêque du 13e siècle, je ne sais pas s'il est pertinent d'utiliser le symbolisme de leur nombre (je sais que ça se fait, mais je reste dubitatif).

  • Merci pour ce très beau commentaire. Un autre détail du récit m'a toujours interloqué. Pierre était nu sur la barque, il se rhabille avant de se jeter à l'eau... J'aurais plutot tendance a faire les choses dans l'autre sens. Nager habillé n'est pas idéal N'est-ce qu'une question de pudeur devant le Seigneur? Est-ce lié à l'idée de revêtir le Christ? Est-ce l'habit sacerdotal du Prince des Apôtres?

  • N'ayant vu jusqu'ici qu'une question de pudeur, je n'avais pas fait attention à ce geste en effet incongru de s'habiller pour se jeter à l'eau...

  • sans doute cette attitude rejoint bien la mentalité des Hébreux,pour qui la mer recèle les forces maléfiques;st Grégoire(e Grand) aussi,dit que la mer est la figure du siècle qui se brise dans les flots de l'agitation et les flots de cette vie corruptible.
    Jésus a pris la mer sur une barque,:soit qu'il enseigne,soit qu'il apaise la tempête,;il a aussi marché sur les eaux sans se laisser immerger
    il a été par sa mort englouti dans les eaux ténébreuses (signe de Jonas),mais il en est définitivement sorti
    Là sur la terre ferme,signe de la stabilité de la Vie éternelle'il se fait reconnaître lui ne revient pas sur les eaux
    Pierre va vers Lui (avec les hommes qu'il pêchera)sans sombrer, en se garantissant des eaux ténébreuses(il passa un vêtement)
    mais d'autres harmoniques sont dans ce texte riche

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