« Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et je vous donnerai un esprit nouveau », chante l’introït : cette messe était celle du grand scrutin, qui voyait les catéchumènes soumis aux premiers rites du baptême : sel, exorcismes, Ephpheta. Suivis de la “tradition” des quatre évangiles, du Credo et du Pater.
L’évangile s’inscrit dans ce contexte, et saint Augustin le soulignait devant ses catéchumènes. L’aveugle est aveugle de naissance, c’est nous tous qui naissons aveugles des yeux de l’âme, incapables de voir la lumière divine à cause du péché originel. Jésus est lui-même la lumière divine, et il le dit ouvertement : « Je suis la lumière du monde ». Et il est là pour « travailler pendant qu’il fait jour ». Pour guérir les hommes.
Alors il crache à terre et fait de la boue. « Parce que le Verbe s’est fait chair », commente saint Augustin avec une géniale concision. Par l’incarnation, le Verbe passe par la matière pour donner aux hommes la grâce divine. Jésus enduit les yeux de l’aveugle de cette boue : il en fait un catéchumène, car l’aveugle croit qu’il va être guéri par Jésus, et quand celui-ci lui dit d’aller se laver à la piscine de Siloé, il y va, simplement, en toute confiance. L’évangile est on ne peut plus concis : « Il y alla donc, il se lava, et il revint voyant. » C’est ce que l’ancien aveugle dira ensuite à qui veut l’entendre : « Et abii, et lavi, et video. » Et j’y suis allé, et je me suis lavé, et je vois. Le grec, qui aime bien les propositions participiales, met tout dans un même mouvement : Y allant et me lavant, j’ai vu.
C’est le baptême proprement dit : par l’eau de l’illumination.
Alors Jésus se montre à lui et lui demande s’il croit au Fils de Dieu. « Je crois, Seigneur », et, se prosternant, il l’adora. Et tout le monde ici fléchit le genou, pour attester que nous sommes tous des aveugles guéris par le baptême et voyant des yeux de l’âme que le Christ est le Fils de Dieu.
D’autre part, cet évangile est, dans le déroulement des faits qui vont conduire à la tragédie pascale, une des étapes de la condamnation du Christ par les pharisiens (« cet homme ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le sabbat »). Il constitue même une sorte de long procès préliminaire de Jésus par procuration.
Et, avant de jeter le Messie hors de Jérusalem, ils excluent le miraculé de la synagogue. Pour ne pas voir ça… Pour ne pas voir celui qui voit le Christ.