C’est une première : un communiqué commun de l’Ordre des médecins et des quatre principaux syndicats de médecins français. Contre les menaces de l’Europe de Bruxelles.
« Face au diktat de la Commission Européenne exigeant de la France qu’elle laisse des capitaux, de toute nature, prendre la maîtrise des sociétés d’exercice constituées entre professionnels de santé libéraux, le Conseil national de l’Ordre des médecins et les principaux syndicats de médecins libéraux demandent au Gouvernement et au Parlement de maintenir la réglementation qui, jusqu’à présent, a garanti la qualité des soins et l’indépendance professionnelle. La santé ne doit pas devenir une marchandise livrée aux spéculations financières avec des processus de concentration et une recherche de rentabilité immédiate incompatibles avec la proximité que les médecins offrent aujourd’hui aux patients et le maillage du territoire. »
Ce communiqué est pour l’instant le point d’orgue d’une montée en puissance de la contestation. Au départ, seuls les SEL, à savoir les laboratoires d’analyses organisés en sociétés d’exercice libéral, avaient réagi. Car ces sociétés étaient dans le collimateur : alors que leur capital doit être détenu à 75% au moins par les professionnels, il était question de permettre à n’importe quel investisseur d’en acquérir le capital sans limitation. Peu à peu, les autres professions de santé ont compris que l’affaire les concernerait aussi à brève échéance.
Le 18 avril, les cinq Ordres (médecins, pharmaciens, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, masseurs kinésithérapeutes) cosignaient un communiqué intitulé « Non à la mainmise des investisseurs financiers sur les professionnels et les services de santé »
Le 22 avril, L’’Inter Syndicat National des Internes des Hôpitaux (ISNIH) et la Fédération Nationale des Syndicats d’Internes en Pharmacie (FNSIP) manifestaient leur inquiétude en soulignant : « Si à ce jour, le contentieux européen s’attache particulièrement aux S.E.L. de Laboratoires d’Analyses de Biologie Médicale nul doute que cet exemple fera jurisprudence au niveau européen. Il apparaît clair, que demain, au nom du concept de libre concurrence n’importe quel groupe financier pourra exiger détenir le capital de telle ou telle profession de santé. »
Et le 28 avril l’Ordre des pharmaciens remettait ça avec un communiqué intitulé « Ne sacrifions pas la santé publique au profit des investisseurs ! »
De quoi s’agit-il ? Un groupe financier a saisi la Commission européenne (direction marché intérieur), qui a adressé au gouvernement français une mise en demeure en avril 2006, puis un avis motivé en décembre 2006, sur l’incompatibilité de la loi de 1990 relative aux SEL avec la liberté d’établissement prévue par les traités européens. Une nouvelle plainte a été déposée, en octobre 2007 par le même groupe financier, à la Commission européenne (services de la concurrence, cette fois) contre l’Ordre des pharmaciens et l’État français pour violation du droit communautaire de la concurrence dans le domaine de la biologie.
La Commission européenne, considérant la santé comme un « service », saute sur l’occasion pour que, par le biais des SEL, tout le secteur s’ouvre à la concurrence comme les autres services, bien que la spécificité du secteur ait été jusque-là reconnue par les traités et les directives.
Le ministère de la Santé se contente de renvoyer à ce qu’il disait en avril. Sans même rappeler de quoi il s‘agissait. Selon l’AFP, le ministère disait alors que la France a demandé un délai supplémentaire pour « finaliser avec les professionnels la réforme en cours », qui ne concerne « que les laboratoires », elle a « pris l’engagement de répondre aux griefs de la Commission en adoptant une loi d’ici fin 2008- début 2009 », et elle a défendu auprès de la Commission sa limitation à 25% de l’ouverture du capital des laboratoires aux non-professionnels, « dans l’intérêt de la santé publique ».
Renvoyer laconiquement à ce qui a été dit il y a plus d’un mois ne risque pas de rassurer les professionnels...