Ci après le texte de la « tribune » de Jean-Claude Martinez, diffusée par le Front national. Il est remarquable à plus d’un titre et mérite d’être reproduit (et lu) intégralement.
Ça y est ! C'est parti ! Les chiens dont parlait le Président Mitterrand ont flairé la piste. De télévision en journaux, d'associations de circonstance en grandes âmes à faible consistance, la meute aboie, éructe ou bave devant la vie acculée, apeurée, haletante et souffrante.
La mort ! La mort ! L'euthanasie ! Parce que c'est d'elle qu'il s'agit. Chantal Sébire aujourd'hui. Vincent Humbert hier. Demain, une autre vie chancelante qu'ils instrumentaliseront. Jusqu'à ce qu'ils obtiennent, gravé dans le marbre en plastique d'une loi de circonstance, le droit de tuer.
Car c'est cette perversion du droit qu'un conglomérat d'histrions de la médecine, de galopins de la politique et de vibrions du journalisme essaie de nous imposer pour les trois déraisons qu'ils ne cessent de cacher derrière le débat fumigène d'une euthanasie encore plus stupide que révoltante.
Que se cache-t-il en effet derrière le tsunami d'euthanasie compassionnelle venant de gens qui, en août 2003, n'ont pas eu le millième de ces trésors de compassion qui les habite pour tendre un verre d'eau aux 14 803 papys et mamies morts déshydratés ?
Il se cache le malthusianisme, l'obscurantisme et le pharisaïsme.
D'abord, l'actuelle propension à vouloir offrir à chacun le droit à s'euthanasier est inversement proportionnelle aux possibilités de se soigner dans l'efficacité. Dans l'Europe des austérités budgétaires, le droit à l'euthanasie devient un substitut du droit aux soins de plus en plus restreint. Chantal Sébire en a été l'illustration qui devrait faire hurler de colère ce parti de gauche osant réclamer "sans tabou… le droit de choisir sa mort", pour ceux qui n'ont plus le droit de choisir les soins qui rendent la vie.
Car Chantal Sébire n'avait-elle pas un neuroblastome olfactif curable ? Pour autant que des hôpitaux n'aient pas été fermés. Que des médecins n'aient pas été absents par le numérus clausus. Que les internes n'aient pas été recrutés au rabais. Que les chirurgiens et les anesthésistes n'aient pas renoncés faute d'assureurs pour les assurer. Que les appareils Petscan de diagnostic précoces n'aient pas été absents depuis des années de tous les hôpitaux français.
Oui, Chantal Sébire n'a pas eu tous les moyens de se soigner. À cause des choix politiques malthusiens que les partis alternativement au pouvoir font depuis des années. Très exactement depuis 1992 et le traité de Maastricht dont l'article 104 C étouffe la France et l'Europe sous la chape de plomb d'un pacte d'austérité budgétaire.
La première vérité cachée, c'est le malthusianisme économique. Il crée le misérabilisme ambiant qui donne le misérable débat que l'on voit et les pratiques misérables qui arrivent. Si Ariel Sharon avait été soigné à Berck, par le médecin de Vincent Humbert, il ne serait plus là. Or il est là. Ce qui révèle deux autres vérités cachées sur la secte de la libre euthanasiologie : la régression obscurantiste qui la caractérise et l'égoïsme pharisien qui la résume.
Les obscurantistes ne veulent pas voir qu'après Pasteur et Fleming les pas de géant de la science continuent, acheminant vers la régénération neuronale ou la micro chirurgie vasculaire par exemple. Si bien qu'avant la fin de ce siècle, Vincent Humbert aurait remarché.
Quel gâchis alors que de lui avoir refuser les moyens de pouvoir attendre, de s'adapter et d'espérer.
Malthusianisme qui a fabriqué en Europe l'entonnoir à euthanasie, obscurantisme consternant qui ferme l'avenir et surtout pharisaïsme ambiant.
Le discours sur l'euthanasie déverse en effet des torrents d'hypocrisie.
D'abord, la dénonciation d'un "acharnement thérapeutique" dans une France où les chirurgiens, les anesthésistes, les infirmières, les lits d'hôpitaux, les IRM et les petscans manquant, c'est le rationnement thérapeutique qui fait scandale et non l'excès de soins.
Ensuite, la drôle de compassion, la seringue en bandoulière et la piqûre à la boutonnière, qui veut aider à mourir, parce qu'une minute suffit pour piquer, mais qui refus d'aider à vivre, parce que là il faut plus de temps. Car enfin, les 400 personnes qui ont trouvé deux heures pour aller à la messe de Vincent Humbert éliminé n'avaient pas trouvé dix minutes pour aller parler avec Vincent Humbert quand il les attendait. Il le dit et s'en plaint dans son livre qui est un hymne à la vie et le récit d'une avalanche d'égoïsmes qui l'ont acculé.
Encore l'invocation d'une dignité pourtant tellement refusée aux milliers d'oubliés dans les maisons de retraite, que l'on ne voit pas comment elle serait sincèrement accordée aux enfermés dans la maladie. En vérité, l'euthanasie consiste moins à reconnaître la dignité de l'autre qu'à s'exonérer de sa culpabilité envers les autres. Notamment parce que, depuis vingt ans, on a voté n'importe comment en laissant se créer tellement la pénurie de tout que l'euthanasie organise en final la pénurie de la vie. Quand l'Europe des restrictions impose le choix budgétaire entre investir pour les dieux du stade ou les vieux au dernier stade, on choisit les premiers et on offre l'euthanasie aux seconds.
Enfin, quand on invoque les droits de l'homme pour refuser aux fils malades de l'homme le droit de rester parmi les autres hommes, le droit à l'euthanasie de l'autre se réduit au droit à l'égoïsme pour soi. C'est si vrai que s'il ne restait sur terre que B. Kouchner et Chantal Sébire, le premier voudrait-il vraiment une "loi d'exception" pour éliminer la seule habitante et se retrouver seul avec son sac de riz ? C'est donc bien que le grand malade a une grande valeur, puisque lorsque Robinson Crusoë n'a plus que lui le vendredi, il ne lui viendrait pas à l'idée de le tuer le samedi. Pour se retrouver seul le dimanche.
Or les hommes de la terre sont seuls dans l'espace. Les deux sondes spatiales, parties sous la présidence Carter il y a trente ans, ont quitté le système solaire à la recherche de signes de la vie. Et elles n'ont rien capté. La vie terrestre est bien une exception dans l'univers. "Une exception à la loi" de la vie exceptionnelle supprimerai alors l'exception de la vie.
M. le ministre Kouchner, Mme le ministre Morano, quand un pays commence à faire une "exception à la loi" de Moïse, on sait où le toboggan des exceptions conduit. Moi, j'ai choisi le camp de la vie. Sans aucune exception.
Jean-Claude MARTINEZ
Professeur agrégé Université Paris II