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Liturgie - Page 414

  • Saint Matthias

    On ne sait rien de saint Matthias, en dehors de son élection comme apôtre, pour remplacer Judas, comme le racontent les Actes des apôtres, et comme l’avait annoncé le psaume 108.

    Clément d’Alexandrie (Stromates III, 4) rapporte toutefois une parole attribuée à saint Matthias. C’est dans le cadre de sa défense de Nicolas, l’un des sept premiers diacres, dont une partie de la tradition fait le fondateur de la secte des Nicolaïtes. Secte dont les membres, notamment, se livraient à une fornication sans frein, s’autorisant d’un aphorisme de Nicolas : « Il faut abuser de la chair. » Or, affirme Clément d’Alexandrie, lorsque Nicolas enseignait à abuser de la chair, il s’agissait de la mortification des sens. (Le verbe est parakhreomai, qui veut dire en effet abuser, mais dans le sens de faire un mauvais usage.) Clément ajoute : « On rapporte aussi que Matthias enseignait de même à combattre la chair et abuser d’elle, en ne lui procurant rien de ce qui peut servir au plaisir désordonné, mais à développer l'âme par la foi et par la connaissance. »

  • Sexagésime

    L’évangile est la parabole du semeur qui sortit pour semer sa semence, racontée par les trois synoptiques et expliquée par Jésus lui-même les trois fois : la semence est la Parole, et Luc précise : Logos tou Théou, le Verbe de Dieu.

    La « semence » est également au cœur des lectures des matines de cette semaine : l’histoire du Déluge. Car Noé construit une arche pour que soient sauvées toutes les espèces, ce qui se dit en grec et en latin leur « semence » ; autrement dit le code génétique de tous les animaux (Genèse 7, 3). Or tous les animaux ont été créés par le Verbe…

    En grec, semence, c’est sperma. La Parole c’est Logos. Deux mots très fréquents dans le Nouveau Testament, et qui sont au cœur de la doctrine chrétienne, comme le montre la parabole (où curieusement on ne trouve pas le mot sperma, mais le participe du verbe speiro, et un autre mot issu du verbe : sporos).

    Dans les Actes des Apôtres (17, 17-18), saint Paul discute sur l’« agora » d’Athènes, « tous les jours », avec les gens qu’il rencontre, notamment avec des épicuriens et des stoïciens. Et ces Grecs s’exclament : « Que veut dire ce spermologos ? »

    Le mot spermologos est très intéressant, et très mal traduit dans toutes les traductions françaises, car aucun traducteur n’a perçu le clin d’œil amusant de saint Luc.

    En grec classique, spermologos, de sperma, semence, et legein, rassembler, se disait des oiseaux qui passent leur temps à picorer des graines. Le mot est même passé par le latin en français pour désigner une espèce de corbeau, le freux : corvus frugilegus.

    Mais ensuite le mot a pris un sens figuré, selon deux directions : il s’agit soit du clochard qui glane sa nourriture dans les poubelles et les restes des marchés, soit du bavard qui rassemble n’importe quels ragots et les raconte à n’importe qui. Les traducteurs de la Bible auraient dû comprendre que ces sens figurés ne peuvent pas s’appliquer à saint Paul vu par les philosophes de l’agora. Car le terme était devenu quasiment une insulte, or les épicuriens et les stoïciens ne rejettent pas saint Paul, au contraire ils l’invitent à l’Aréopage pour qu’il explique sa doctrine plus avant.

    Les traductions françaises se répartissent en trois catégories très inégales. La grande majorité traduit « discoureur ». Autrement dit c’est le deuxième sens figuré, mais très atténué, or ce sens n’est attesté nulle part. Certains veulent conserver le sens premier et traduisent par « picoreur », Chouraqui allant même jusqu’au littéral « picoreur de semences ». Et d’autres essaient de tout combiner, faisant de saint Paul une « jacasse », un « pierrot », voire même un « perroquet » (Bible de Jérusalem). En laissant entendre qu’il s’agit d’un bavard invétéré qui répète ce qu’il a entendu (picoré) ici et là. Or ce n’est pas du tout ce que disent les épicuriens et les stoïciens. Car si tel était le cas, ils le laisseraient pérorer sur l’agora et ne l’inviteraient certainement pas à l’Aréopage.

    Comme tous les traducteurs ont le plus profond mépris pour la Vulgate, aucun ne va voir ce que dit le texte latin. Sinon pour ricaner que la Vulgate a bêtement transposé en latin le mot grec : « seminiverbius », plus ou moins « parole de semence », avec la terminaison en –ius caractéristique du bas latin et sans même voir que legein ici ne voulait pas dire parler mais rassembler.

    En réalité les anciennes versions latines avaient, en bon latin, « seminator verborum » : semeur de paroles… qui ne peut pas être une bonne traduction de spermologos.

    Plusieurs manuscrits de référence de la Vulgate ont encore « seminator verborum ». Il se pourrait bien que ce soit saint Jérôme qui, révisant ces textes, ait corrigé en « seminiverbius ». Décalquant en toute connaissance de cause le mot grec, et sachant alors, forcément, qu’il s’agit d’un clin d’œil à la caricature de l’Evangile, et de la prédication de saint Paul, selon les philosophes grecs. En quelque sorte, ceux-ci appellent saint Paul « monsieur Semence-Verbe » : « Tiens, c'est encore le Semençoparoleux ! Viens donc à l'Aréopage nous expliquer ton affaire !  » Ça les amuse d’entendre ce doctrinaire juif mettre sans cesse en rapport, de façon parfaitement incongrue pour la philosophie grecque, un terme d’agriculture et un terme philosophique.

    Or saint Paul est en effet « monsieur Semence-Verbe ». Car la semence qu’il répand par sa parole est le Verbe qui produit la vie éternelle, en accord avec la parabole du semeur, mais plus généralement avec tout le Nouveau Testament où l’on trouve 107 fois – en comptant spermologos – le mot semence ou semer, et avec la Genèse où Dieu crée les semences selon leur espèce, où Noé conserve les semences à travers le Déluge.

  • La Chaire de saint Pierre

    O Petre, petra Ecclesiae,
    Isto beatus nomine,
    Quo Petrus a Christo Petra,
    Non Petra Christus a Petro.

    Tu es Petrus, qui Filii
    Confessor es primus Dei :
    Hinc primus in membris manens ;
    Ob quod Cephas vocatus es.

    Adest dies, quo Romula
    In urbe consecratus es ;
    In quo Cathedrae nobilis
    Scandens thronum attolleris :

    Conlata ergo gloria
    In te potestas affluens,
    Ligata solvat crimina,
    Portasque averni obstruat.

    Hinc pastor ut piissimus,
    Oves guberna créditas ;
    Intus forisque pervigil
    Ne subruamur, protege.

    Et clave illa caelica
    Solvens catenas criminum,
    Illic reos inducito,
    Quo clarus exstas janitor.

    Ut cum polorum Principi
    Recisa membra junxeris,
    Sit Trinitati gloria
    Per cuncta semper saecula. Amen.

    O Pierre ! Toi qui es la Pierre de l’Église, heureux es-tu dans ton nom, que le Christ, qui le porte lui-même, t’a donné, et non toi au Christ !

    Tu es Pierre qui, le premier, as confessé le Fils de Dieu ; pour prix de ta foi, tu es le premier des membres, et tu portes le nom de Céphas.

    Voici le jour où tu fus inauguré dans la ville de Romulus ; où, montant sur ton trône, tu fus élevé sur la Chaire auguste.

    Fais que la gloire et la puissance, qui en toi résident comme dans leur source, viennent briser les liens de nos péchés, fermer les portes des enfers.

    Comme un pasteur plein de bonté, gouverne les brebis qui te furent confiées ; veille au dedans, veille au dehors ; protège-nous, afin que nous ne soyons pas renversés.

    Délie, par la clef céleste, nos chaînes criminelles, et conduis-nous, pécheurs pardonnés, au palais dont tu es le portier illustre.

    Et quand tu auras réuni au Roi des cieux ses membres qui en sont encore séparés, soit gloire à la Trinité, à jamais, dans tous les siècles. Amen.

    Hymne du bréviaire mozarabe, traduction dom Guéranger.

  • Vendredi de la Septuagésime

    Genèse 4, 17 à 5, 5. Dont l’histoire de Lamech, commentée par saint Hilaire (je n’ai pas trouvé d’où il sort la troisième femme, qu’on ne voit ni dans la Septante, ni dans la Vetus Latina, ni dans la Vulgate…) :

    L'histoire de Lamech n'est pas non plus étrangère au type du futur. On rapporte qu'il fut le mari de deux femmes aux noms desquelles est ajouté celui d'une troisième femme, libre pourtant envers lui du lien conjugal; il est écrit que ce même Lamech prononça ces paroles : « Lamech dit à ses femmes Ada et Sella : Écoutez ma voix, femmes de Lamech, faites attention à mes paroles, car j'ai tué un homme pour ma blessure et un jeune homme pour ma meurtrissure, car on tirera sept fois vengeance de Caïn, mais de Lamech septante fois sept fois. » Et quel est cet homme plus juste que le juste Abel dont la mort doit être vengée par un châtiment tellement plus grand ? On ne nous dit pas le nom de celui qui fut tué, la blessure est rapportée non à celui qui fut tué mais à son assassin et nous apprenons que la meurtrissure appartient au meurtrier, non à la victime. Le meurtre du jeune homme est annoncé aux femmes ; bien que les noms de trois femmes soient indiqués, la parole n'est adressée qu'à deux. L'impie prophétise et accumule pour le meurtre qu'il a commis une vengeance qui dépasse le châtiment de Caïn.

    Ces choses ne doivent pas être écoutées en passant mais il faut y chercher la figure du futur. Lamech porte le type du prince des prêtres qui, avec l'accord des Juifs et des Gentils, cloue le Seigneur à la Croix ; en effet, de la maison du prince des prêtres, le Seigneur fut conduit chez Hérode sans que la foule des croyants ait part à ce crime, et ainsi le prince des prêtres se glorifie du meurtre du jeune homme pour ainsi dire devant deux compagnes et deux épouses. Et parce qu'il n'y avait aucun motif de châtier ce dernier, le prince des prêtres reçut sur lui les blessures et la meurtrissure de l'injustice et du crime. Il parla même sous l'inspiration prophétique ; alors, en effet, il prophétisa sans le savoir comme il est écrit dans l'Evangile : "L'un d'entre eux, appelé Caïphe, comme il était grand prêtre de cette année-là, leur dit: vous ne savez pas et vous ne comprenez pas qu'il nous est utile qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation tout entière ne périsse pas. Il ne dit pas cela de lui-même, mais comme il était grand prêtre de cette année-là, il prophétisa." Il y a donc complet accord entre les personnes, les faits, le résultat, et la réalité des événements historiques renferme en elle le type du futur.

    Le nombre du châtiment porté contre Caïn et Lamech n'est pas écrit non plus sans quelque sens figuré. Alors en effet que selon les prophètes une septuple peine était en vigueur contre les injustes, Pierre, sur qui le Seigneur édifiait son Église comme sur un fondement vivant, demande s'il doit selon la Loi pardonner sept fois à celui qui pèche contre lui ; le Seigneur lui répondit de pardonner septante fois sept fois, enseignant par cette figure que même la peine de sa Passion devait être remise à ceux qui croiraient, puisque dans la même mesure où le châtiment de ce crime était multiplié, dans la même mesure à son tour le pardon abonderait.

  • Jeudi de la Septuagésime

    Caïn et Abel (Genèse 4, 1-16).

    Commentaire de saint Hilaire, dans son Traité des mystères.

    L'histoire de Caïn et Abel vient après la première préfigure du Christ et de l'Eglise (1). Leurs personnes préfigurent la diversité de deux peuples et par leurs noms et leurs activités mêmes ils offrent le type des mœurs et des désirs de l'un et de l'autre. Caïn, en effet, cultivait la terre et Abel paissait les brebis. Chacun fit à Dieu une offrande tirée des fruits de son labeur ; mais Dieu regarde les offrandes d'Abel sans porter ses regards sur celles de Caïn. Or, le jour et le lieu du sacrifice ne sont pas différents pour l'un et l'autre, et pour Dieu qui voit tout, comment une chose peut elle être sous son regard, une autre hors de son regard ? Mais par cette figure, il nous est enseigné que le regard de Dieu est la marque des objets qu'il a agréés et que, bien que toutes choses Lui soient soumises, son regard ne va qu'à celles qui en sont dignes. Rien n'avait été dit précédemment des mœurs de Caïn qui pût rendre son sacrifice désagréable à Dieu. Mais dans les événements qui suivirent, se découvre la prescience de Dieu qui ne reçoit pas le sacrifice de celui qui devait marcher contre son frère. En effet, c'est la science que Dieu a du futur qui confère aux faits leur crédit; celui qui devait tuer n'est pas digne du regard de Dieu comme s'il avait déjà tué. Or, la culture de la terre porte le signe des œuvres de la chair et tout fruit de la chair consiste en vices qui, dans l'horreur qu'en a Dieu, écartent d'eux son regard. Il n'y a pas de regard pour le sacrifice qui est tiré des œuvres de la terre, et seules parmi les graisses sont agréées les prémices des brebis, entendons que le sacrifice du fruit intérieur et de notre moi lui-même est agréable, toutes choses qui, parmi les prémices des brebis, attirent sur elles par leur agrément le regard de la volonté divine. Puisque en effet " les prémices c'est le Christ ", " premier-né des créatures, premier-né d'entre les morts ", prince des prêtres, " afin qu'il occupe en tout la première place ", brebis Lui-même et selon sa naissance corporelle une parmi les brebis, le sacrifice d'Abel est déjà agréable sous la figure de l'Église qui par la suite devait offrir, tiré des prémices des brebis, le sacrifice du saint Corps. Celui dont le sacrifice n'a pas été reçu en veut à celui dont le sacrifice a été reçu, et, contrairement au décret de Dieu qui l'avertissait de s'apaiser le réprouvé tue l'approuvé. Convaincu, l'interrogation divine le pousse à avouer pour se repentir; mais, aggravant son crime, il nie ; désespérant de la résurrection, il pense qu'il sera anéanti par la mort, mais gémissant et tremblant, il est réservé au jugement d'une septuple vengeance et est maudit par toute la terre qui recueille le sang de son frère. Or, le nom de Caïn signifie " éclat de rire " ; celui d'Abel " larmes ".

    (1) C’est ce que saint Hilaire venait d’expliquer :

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  • Mercredi de la Septuagésime

    La lecture des matines, ce jour, est le récit de la chute originelle (Genèse 3), qui est le centre de la liturgie de cette semaine. Récit de la chute, mais qui comporte aussi l’annonce que la Femme écrasera la tête du serpent : la Femme qui apparut à Bernadette, que nous fêtions hier, comme l’Immaculée Conception, la femme qui n’a pas été contaminée par le serpent.

    Origène, dans son Contre Celse, se penche sur l’affirmation de la Genèse : quand ils eurent mangé le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, « leurs yeux s’ouvrirent ». C’est l’occasion d’un de ses beaux aperçus sur les sens corporels et les sens spirituels :

    Moïse, décrivant la création du monde, représente l’être humain avant sa transgression tantôt voyant, tantôt ne voyant pas : il est dit voyant, lorsqu’il est écrit de la femme : « Le femme vit que l’arbre était appétissant à manger, séduisant pour les yeux, désirable pour acquérir l’entendement. » Il est dit ne voyant pas, non seulement dans les paroles du serpent à la femme, qui supposent des yeux aveugles : « Car Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront », mais encore lorsqu’il est dit : « Ils en mangèrent et leurs yeux à tous deux s’ouvrirent. » Ils s’ouvrirent donc, les yeux de leurs sens qu’ils avaient eu raison de tenir fermés, pour n’être pas empêchés par les distractions de regarder avec l’œil de l’âme ; mais les yeux de l’âme qu’ils avaient jusqu’alors plaisir à tenir ouverts sur Dieu et son Paradis, voilà ceux, je crois, qu’ils fermèrent par leur péché.

    De là vient aussi que notre Sauveur, sachant qu’il y a en nous ces deux sortes d’yeux, déclare : « C’est pour un jugement que je suis venu en ce monde : pour que voient ceux qui ne peuvent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Par ceux qui ne voient pas, il laisse entendre les yeux de l’âme, à qui le Logos donne de  voir, et par ceux qui voient, les yeux des sens que le Logos rend aveugles, pour que l’âme voie sans distraction ce qu’elle doit voir. Tout homme donc vivant son christianisme comme il convient tient éveillé l’œil de son âme et fermé celui des sens. Et dans la mesure où l’œil supérieur est ouvert et fermée la vue des sens, chacun comprend et contemple le Dieu suprême et son Fils, qui est Logos, Sagesse, etc.

    Origène, Contre Celse, VII, 39, traduction Marcel Borret.

  • Sainte Marie-Bernard

    Dans la Nouvelle Revue Théologique, en 1979, le P. André Ravier publiait un article intitulé « Une fille de notre race, sainte Bernadette Soubirous ». Il souligne que l’abbé Fèvre, l’aumônier du couvent de Nevers, déclara que Bernadette avait réalisé sa vocation (de faire pénitence, prier, se mortifier, souffrir pour les pécheurs, comme l’avait dit l’Immaculée) par la souffrance physique, par la souffrance morale, et par la souffrance spirituelle. Sur ce dernier aspect rarement évoqué, le P. Ravier écrit :

    En fait, l’épreuve la plus profonde de Bernadette se situe encore ailleurs, en une région de son âme où il nous est difficile d’accéder. Cette épreuve fut très vive, beaucoup plus « pénible », de son propre aveu, que toutes les souffrances de son corps. C’est dès 1858 [l’année des apparitions] que nous en découvrons les premiers indices : et, lorsqu’on lit la Correspondance et les Notes spirituelles, on peut en suivre les traces, disons, pour être plus exact, quelques légères empreintes. Nous ne pouvons que donner ici les conclusions des études que nous avons faites de cette très douloureuse épreuve spirituelle. Il semble qu’elle consista essentiellement en une forme de « déréliction », dont la racine était le sentiment de ne pas assez « rendre » à Dieu pour toutes les grâces qu’il lui avait faites et qu’il ne « cessait de lui faire », et d’être, en raison de ce manque de générosité, « pécheresse » parmi les pécheurs. Il s’agirait donc d’une lumière vive qui l’éclairait sur sa « misère », sur sa « pauvreté », sur ce qui en elle résistait à Dieu. S’il faut la comparer aux épreuves par lesquelles Dieu a fait passer d’autres saints, c’est du côté du Curé d’Ars ou de la crise de François de Sales à Paris et à Padoue qu’il faut chercher… Et pour une raison (mais Dieu a-t-il des « raisons » ?) très voisine : des âmes, très pures, très innocentes, étaient appelées, par spéciale vocation, à porter avec le Christ le poids des péchés du monde. Jusqu’à quelle profondeur pénétra en elle ce sentiment de déréliction ? Alla-t-il jusqu’à cette désespérance par laquelle passèrent Jean-Baptiste Vianney, François de Sales et d’autres saints ? Rien ne permet de le préciser : ce qui est sûr, c’est que dans son « carnet de notes intimes », sœur Marie-Bernard a recopié une page tragique du livre du P. Thomas de Jésus, Souffrances de Notre Seigneur Jésus-Christ (trad. franç. Du P. Alleaume) : « O Jésus désolé et en même temps le refuge des âmes désolées, votre amour m’apprend que c’est de vos délaissements que je dois tirer toute la force dont j’ai besoin pour supporter les miens, etc. » Or, l’on sait que dans ces « notes intimes », sœur Marie-Bernard ne recopiait que ce qui correspondait à ses propres états d’âme… Ce passage d’ailleurs s’harmonise bien avec la tonalité générale des autres « notes intimes », citations ou confidences personnelles.

    Cette vocation de Bernadette à « souffrir avec le Christ pour l’Eglise » trouve son expression, sobre et simple, dans sa lettre à Pie IX (décembre 1876) : « Que pourrais-je faire, très Saint-Père, pour vous témoigner ma vive reconnaissance ?... Mes armes sont la prière et le sacrifice que je garderai jusqu’à mon dernier soupir. »

    Faut-il prononcer ici le mot de « Victime » ? Il se trouve quelquefois, mais assez rarement, dans les « notes intimes ». Quoi qu’il en soit, il faut dépouiller ce mot, et plus encore le sentiment qu’il désigne, de tout dolorisme, de tout goût plus ou moins morbide pour la souffrance. « Il fallait que le Christ souffrît pour entrer dans sa Gloire. » C’est de cette souffrance-là, mystérieusement imposée au Christ par l’amour de son Père, que souffrit sainte Bernadette. Elle souffre avec le Christ, pour participer à la Résurrection du Christ et en faire participer les pécheurs. Elle souffre lucidement, courageusement, énergiquement, et dans une totale espérance. La voie spirituelle de Bernadette est en somme la voie baptismale, mais personnalisée lors des Apparitions de Massabielle et approfondie par la consécration religieuse. Ici, il convient de souligner une coïncidence assez frappante : sœur Marie-Bernard fit sa première profession religieuse « in articulo mortis » le 25 octobre 1866 ; or elle était tombée malade un mois et demi après son entrée à Saint-Gildard, le 14 août 1866, dans la lumière de l’Assomption : et elle fit sa profession perpétuelle en la fête de Notre Dame des Sept Douleurs, sept mois avant sa mort dans la lumière de Pâques… Simple coïncidence peut-être, mais dans laquelle on peut voir légitimement le destin spirituel de sainte Bernadette : sa vie religieuse n’apparaît-elle pas comme un « approfondissement », pour parler le langage de Vatican II, de sa « plongée baptismale » dans la Passion et la Résurrection du Christ ?

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    La lecture des matines est Genèse 2, 15-24 : Dieu commande de ne pas manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, fait nommer les animaux par Adam, et lui donne une compagne, « os de mes os, chair de ma chair (...) c'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et ils seront deux en une seule chair ».

  • Lundi de la Septuagésime

    Hier commençait l’histoire de la création, de la chute et de la longue route vers le salut. Avec, aux matines, le récit des cinq premiers jours. Ce lundi c’est la création de l’homme. Nous avons même les deux récits de la création de l’homme. Celui du sixième jour : « Dieu créa donc l'homme à Son image; Il le créa à l'image de Dieu, et Il les créa mâle et femelle. » Et celui qui figure ensuite dans le récit des « générations du ciel et de la terre », où se trouve la description du « paradis de volupté » (tristement appelé « jardin d’Eden » dans les traductions modernes) : « Le Seigneur Dieu forma donc l'homme du limon de la terre; Il souffla sur son visage un souffle de vie, et l'homme devint vivant et animé. »

    La lecture se termine par l’évocation de la source mystérieuse qui jaillit du centre du paradis et se divise en quatre fleuves. Ils forment ainsi… une croix, et coulent vers les « limites » du paradis, qui ne peuvent être qu’un cercle, à l’image du ciel.

    Un cercle avec une croix à l’intérieur. Et à la fin de la Bible, dans l’Apocalypse, il y aura la Jérusalem céleste qui descend du ciel. Qui est un gigantesque carré parfait (de 550 km de côté, ou de 2.200 km de côté, selon que l’on considère que la mesure donnée est celle du pourtour de la ville ou celle d’un côté).

    La croix liquide du paradis est devenue le rempart solide de la ville : c’est la quadrature du cercle.

    Et l’on passe des deux dimensions aux trois dimensions : l’Apocalypse précise que la hauteur de la ville est égale à sa longueur et à sa largeur : il s’agit donc d’un cube. Au milieu il y a une place, et au centre de cette place… l’arbre de vie, qui est curieusement « de part et d’autre » de l’unique fleuve, qui sort du trône de Dieu et de l’Agneau, et qui ramène à l’origine les quatre du paradis.

  • Septuagésime

    Il importe de bien saisir ce célèbre passage de l’Évangile [les ouvriers de la 11e heure, Matthieu 20, 1-16], et d’apprécier les motifs qui ont porté l’Église à le placer en ce jour. Considérons d’abord les circonstances dans lesquelles le Sauveur prononce cette parabole, et le but d’instruction qu’il s’y propose directement. Il s’agit d’avertir les Juifs que le jour approche où leur loi tombera pour faire place à la loi chrétienne, et de les disposer à accueillir favorablement l’idée que les Gentils vont être appelés à former alliance avec Dieu. La vigne dont il est ici question est l’Église sous ses différentes ébauches, depuis le commencement du monde, jusqu’à ce que Dieu vînt lui-même habiter parmi les hommes et constituer sous une forme visible et permanente la société de ceux qui croient en lui. Le matin du monde dura depuis Adam jusqu’à Noé ; la troisième heure s’étendit de Noé jusqu’à Abraham ; la sixième heure commença à Abraham pour aller jusqu’à Moïse ; la neuvième heure fut l’âge des Prophètes, jusqu’à l’avènement du Seigneur. Le Messie est venu à la onzième heure, lorsque le monde semblait pencher à son déclin. Les plus grandes miséricordes ont été réservées pour cette période durant laquelle le salut devait s’étendre aux Gentils par la prédication des Apôtres. C’est ce dernier mystère par lequel Jésus-Christ veut confondre l’orgueil judaïque. Il signale les répugnances que les Pharisiens et les Docteurs de la Loi éprouvaient en voyant l’adoption s’étendre aux nations, par les remontrances égoïstes que les ouvriers des premières heures osent faire au Père de famille. Cette obstination sera punie comme elle le mérite. Israël, qui travaillait avant nous, sera rejeté à cause de la dureté de son cœur; et nous, Gentils, qui étions les derniers, nous deviendrons les premiers, étant faits membres de cette Église catholique, qui est l’Épouse du Fils de Dieu.

    Telle est l’interprétation donnée à cette parabole par les saints Pères, notamment par saint Augustin et saint Grégoire le Grand; mais cet enseignement du Sauveur présente encore un autre sens également justifié par l’autorité de ces deux saints Docteurs. Il s’agit ici de l’appel que Dieu adresse à chaque homme pour l’inviter à mériter le Royaume éternel par les pieux labeurs de cette vie. Le matin, c’est notre enfance ; la troisième heure, selon la manière de compter des anciens, est celle où le soleil commence à monter dans le ciel: c’est l’âge de la jeunesse ; la sixième heure, par laquelle on désignait ce que nous appelons Midi, est l’âge d’homme; la onzième heure précède de peu d’instants le coucher du soleil : c’est la vieillesse. Le Père de famille appelle ses ouvriers à ces différentes heures ; c’est à eux de se rendre, dès qu’ils ont entendu sa voix ; mais il n’est pas permis à ceux qui sont conviés dès le matin de retarder leur départ pour la vigne, sous le prétexte qu’ils se rendront plus tard, lorsque la voix du Maître se fera entendre de nouveau. Qui les a assurés que leur vie se prolongera jusqu’à la onzième heure ? Lorsque la troisième sonne, peut-on compter même sur la sixième ? Le Seigneur ne convoquera au travail des dernières heures que ceux qui seront en ce monde lorsqu’elles viendront à sonner; et il ne s’est point engagé à adresser une nouvelle invitation à ceux qui auront dédaigné la première.

    Dom Guéranger

    Sur le sens et le symbolisme de la Septuagésime, voir ici et .

  • La messe traditionnelle, c’est juste une mode, dixit François

    François a reçu les évêques tchèques en visite ad limina, le 14 février. Parmi eux, l’archevêque d’Olomouc, Mgr Jan Graubner. Voici ce qu’il a dit au micro de Radio Vatican :

    Lorsque nous avons parlé de ceux qui aiment beaucoup l’ancienne liturgie et souhaitent y revenir, il était évident que le pape parle avec une grande affection, attention et sensibilité pour tous afin de ne blesser personne. Toutefois, il a fait une déclaration vraiment forte quand il a dit qu’il comprend que l’ancienne génération retourne à ce qu’elle a connu, mais qu’il ne peut pas comprendre que les jeunes générations veuillent y retourner. « Quand je cherche de façon plus approfondie, je trouve que c’est plutôt une sorte de mode. Et si c’est une mode, alors c’est une question qui ne mérite pas beaucoup d’attention. Il faut juste montrer une certaine patience et gentillesse pour les gens qui sont accros à une certaine mode. Mais je considère qu’il est très important d’aller au fond des choses, parce que si on ne va pas en profondeur, aucune forme liturgique, celle-ci ou celle-là, ne peut nous sauver. »

    François est vraiment resté coincé dans les années Paul VI. Il ne voit pas que la « mode » dure depuis plus de 40 ans, et s’étend au lieu de s’éteindre. Il le voit pourtant un peu, puisqu’il ne comprend pas ces jeunes qui suivent une mode de vieux.

    En tout cas il se confirme qu’il ne nous aime pas du tout.

    Et ce qui est sans doute le plus frappant est ce mépris affiché pour toute "forme liturgique". Même Paul VI n'était pas allé aussi loin.