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Mardi de la sexagésime

La lecture des matines est le récit de la fin du Déluge. Voici le commentaire que fait Isaac Le Maistre de Sacy de l’épisode du corbeau et de la colombe. On peut voir au début un relent de jansénisme, mais cela se termine par l’affirmation qu’on ne doit pas désespérer de la miséricorde. Quoi qu’il en soit c’est un très beau texte, appuyé surtout sur le livre de saint Ambroise De Noe et arca.

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Noé laissa aller le corbeau, qui étant sorti ne revint plus. Il envoya aussi la colombe après le corbeau. Mais n’ayant pu trouver où asseoir son pied, parce que la terre était toute couverte d’eaux, elle revint à lui ; et Noé la prit et la remit dans l’arche.

Le corbeau a pu subsister hors de l’arche, dit s. Augustin, quoique les eaux ne fussent pas encore séchées, parce qu’il trouva apparemment des corps morts sur lesquels il se reposa, et que volant de temps en temps sur le toit de l’arche sans entrer dedans, il retournait toujours à ces corps morts dont il se nourrissait, ces chairs pleines de pourriture et de puanteur étant une viande délicieuse pour ces animaux impurs, amis de la corruption et du carnage.

C’est une excellente image, selon s. Cyprien et s. Hilaire, du pécheur enchanté de l’amour du monde, dont la passion est l’idole à laquelle il se sacrifie, et dont l’âme étant devenue toute charnelle, n’aime que la corruption et la puanteur, et fait ses délices de ce qui la tue. Ces âmes noircies de crimes, et qui se sont vendues au démon pour acheter au prix de leur salut éternel la falsification si courte et si malheureuse de leurs plaisirs criminels, paraissent de temps en temps sur le haut de l’arche qui était la figure de l'Eglise, parce qu'il est même de leur intérêt de ne pas blesser une certaine bienséance humaine, et de garder les dehors et les apparences de la religion, lors même qu'elles en ont étouffé dans leur cœur tout l'esprit et le sentiment.

Ces âmes sont proprement la vérité, dont le Lazare mort, enterré et pourri dans son sépulcre depuis quatre jours, était la figure. II n'appartient qu'à celui qui a entre ses mains les clefs de la mort et de l’enfer, de ressusciter ces âmes mortes. Et on ne doit pas désespérer de cette miséricorde, dit saint Augustin, en considérant que le Sauveur n'a pas dit d'une voix faible, mais d'une voix forte et toute-puissante : Lazare sortez dehors.

La colombe au contraire, selon les Saints, peut figurer les âmes justes et innocentes, qui étant engagées dans des occupations extérieures, et dans le commerce des hommes, ne rencontrent aucun lieu où elles puissent asseoir leur pied, c'est-à-dire, où leur cœur puisse trouver un vrai repos. Et comme elles fuient la contagion du siècle, et qu'elles laissent aux morts le soin d'ensevelir leurs morts, elles sont dans une sainte impatience de retourner dans l'arche, et de se remettre entre les mains du véritable Noé, c'est-à-dire, du vrai Consolateur, qui est Jésus-Christ.

Mais en s'arrêtant moins à la suite de la lettre, et considérant la colombe en un sens plus général, elle peut être, selon s. Ambroise, une image des vrais pénitents à qui Dieu donne un dégoût des choses de la terre, et qui s'étant rendus eux-mêmes durant quelque temps comme des corbeaux qui se repaissaient de la pourriture, sont changés par la vertu toute-puissante du Saint-Esprit en des colombes qui reviennent dans l’arche, et que Jésus-Christ, figuré par Noé, prend dans sa main, et fait rentrer dans la société spirituelle des membres vivants de son saint corps.

La colombe alors, comme remarque ce saint docteur, porte dans son bec une branche d’olivier qui est le signe de !a paix, parce que le Saint-Esprit console l'âme qu'il a touchée d'un repentir sincère de ses fautes, par l'espérance de sa réconciliation avec Dieu. Et l’olive nous montre qu'il répand dans un cœur pénitent cette huile céleste qui éclaire l'âme, qui la fortifie dans sa faiblesse, et qui la guérit peu à peu de ses blessures mortelles, en lui inspirant un grand amour de la pénitence, et un désir de s'avancer vers Dieu de plus en plus par une véritable conversion : Spiritus sanctus gerendæ pænitentiæ, et sequendæ conversionis cupiditatem injicit peccatori.

Noé attendit encore sept jours, et il envoya la colombe, qui ne revint plus. La colombe est envoyée deux fois hors de l'arche, et elle y retourne : pour nous apprendre que les âmes touchées de Dieu, ou innocentes, ou pénitentes, ne trouvent leur joie et leur repos qu'en Dieu seul, parce qu'elles n'aiment que lui, et qu'elles savent que lui seul les peut rendre heureuses. Ces âmes aussi retournent à Dieu comme la colombe à Noé, parce qu'elles savent que tout le bien qu'elles peuvent faire n'est point à elles, qu'il n'appartient qu'à Dieu seul, et qu'elles doivent le lui rendre par une sincère action de grâces.

Mais lorsqu'il est dit ici qu'après que Noé eut attendu sept jours, il envoya la colombe qui ne revint plus, cela nous marque, dit s. Augustin, qu'après le temps de cette vie, marqué par le nombre de sept, Dieu enverra l'âme au repos des Saints, où elle jouira d'une paix ineffable et immuable dans la contemplation de la souveraine vérité.

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