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Liturgie - Page 417

  • Saint Jean Chrysostome

    Extrait de son homélie sur l’évangile d’hier (homélie 26 sur saint Mathieu):

    « Car moi qui ne suis qu’un homme soumis à d’autres. » C’est-à-dire, je ne suis qu’un homme et vous êtes Dieu. Je suis soumis à d’autres, et vous ne dépendez de personne. Si donc étant homme et soumis à d’autres, j’ai néanmoins tant d’autorité, que ne devez-vous point faire, vous qui êtes Dieu et indépendant de tout ? En parlant ainsi il veut raisonner non d’égal à égal, mais du moins au plus. Si moi qui ne suis que ce que sont ceux qui m’obéissent, et qui suis même soumis à d’autres plus puissants que moi, j’obtiens néanmoins dans ma charge, quoique bien petite, une telle obéissance; si mes subordonnés exécutent, sans hésiter, chacun les différents ordres que je leur donne; en effet, je dis à celui-ci: va et il va; à celui-là: viens, et il vient; combien plus pourrez-vous vous faire obéir en tout ce qu’il vous plaira de commander? Quelques-uns lisent ainsi ce passage: « Si moi qui ne suis qu’un homme, ayant sous moi des soldats. » Mais considérez surtout comment il montre que Jésus-Christ peut maîtriser la mort comme il ferait son esclave, et lui commander en maître absolu. Car en disant: « Je dis à mon serviteur: viens, et il vient; va, et il va », il semble dire à Jésus-Christ: Si vous défendez à la mort de venir où est mon serviteur, elle n’y viendra point; si vous lui commandez de s’en aller, elle s’en ira. Admirez donc, mes frères, jusqu’où allait la foi de cet homme ! Il prévient l’avenir, et il montre par avance ce que tout le monde devait reconnaître ensuite. Il déclare hautement que Jésus-Christ avait un empire souverain sur la vie et sur la mort, qu’il pouvait conduire jusqu’aux portes de l’enfer, et en rappeler. Il ne compare pas cette puissance de Jésus-Christ sur la mort seulement à l’autorité qu’il a sur ses soldats; mais ce qui est encore plus, au pouvoir qu’il a sur ses serviteurs. Cependant quoiqu’il ait une foi si vive, il ne se croit pas digne que Jésus-Christ entre chez lui. Mais Jésus-Christ, pour faire voir qu’il était très digne de cette grâce, lui en fait encore de bien plus grandes. Car il relève sa foi avec admiration. Il la propose pour modèle à tout le monde, et il lui donne infiniment plus qu’il ne lui avait demandé. Il ne lui demandait que la guérison de son serviteur, et il obtient une place dans le royaume du ciel.

  • 3e dimanche après l’Epiphanie

    L’évangile de ce dimanche conte deux miracles : la guérison d’un lépreux et celle du serviteur du centurion.

    Pour la première, Jésus utilise à la fois le geste et la parole. Il touche le lépreux en disant : Sois purifié. C’est le principe du sacrement : Jésus nous touche par un élément matériel, comme l’eau du baptême, et produit la grâce par sa parole transmise par l’Eglise et dite par un ministre.

    Pour la seconde guérison, Jésus n’utilise que la parole. Car sa parole, parole du Verbe, est toute puissante. Il doit le montrer. Et il le montre de façon spectaculaire en guérissant à distance le serviteur d’un païen qui croit à cette puissance. Jésus dit à ce militaire romain qu’il va aller guérir son serviteur, et le militaire refuse parce qu’il croit fermement que Jésus peut le guérir d’un seul mot, d’une seule pensée. D’où l’exclamation de Jésus : « Je n’ai pas trouvé une telle foi en Israël. »

    La réponse du centurion est devenue la prière avant la communion, en remplaçant simplement « serviteur » par « âme » : « Domine, non sum dignus ut intres sub tectum meum, sed tantum dic verbo, et sanabitur anima mea. »

    Il est regrettable que (presque*) toutes les traductions de « dic verbo » soient : « Dis un mot », ou « dis une parole ». Car le texte ne dit pas cela. Il a « verbo », à l’ablatif, et non « verbum », à l’accusatif : « verbo » n’est pas un complément d’objet de « dic ». Il traduit exactement le grec εἰπὲ λόγῳ (ipé logo), où λόγῳ est un datif (correspondant à l’ablatif latin), alors que Matthieu utilise ailleurs tout à fait normalement le verbe « dire » avec la « parole » à l’accusatif.

    Le sens de l’expression est : « Dis, avec une parole, par ta parole » (ce sera le cas de nouveau quelques versets plus loin quand Jésus chassera les mauvais esprits λόγῳ, par sa parole). Et « dire » a ici le sens de « donner un ordre », comme le centurion lui-même l’illustre juste après (« j'ai des soldats sous mes ordres ; et je dis à l'un : Va ! et il va »). Le sens est donc : « D’un mot, donne l’ordre que mon serviteur sois guéri. »

    On doit remarquer que saint Matthieu aurait pu utiliser un autre mot. Notamment « ῤῆμα ». Mais il utilise « logos ». Et il n’est évidemment pas interdit d’entendre : « Dis, par le Verbe, et mon serviteur sera guéri ».

    Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis, donne l’ordre, par le Verbe, parce que tu es le Verbe, et mon âme sera guérie.

    _____

    * En français, il n’y a que la Bible « du Monde Nouveau », c’est-à-dire des Témoins de Jéhovah, et la traduction du Nouveau Testament par le protestant Edmond Stapfer, qui aient cherché à rendre le vrai sens : « donne seulement un ordre ».

    Addendum. - J'avais oublié la Bible Osty, qui dit: "Commande seulement d'une parole." Il y a donc au moins une Bible catholique qui a tenu compte de l'ablatif.

  • Conversion de saint Paul

    La conversion de saint Paul sur le chemin de Damas, ou plutôt Saul terrassé par Jésus sur la route : cet épisode est raconté trois fois dans les Actes des apôtres (chapitres 9, 22, 26). La première fois par le narrateur, saint Luc, la deuxième fois par saint Paul lui-même dans son discours de Jérusalem, la troisième fois par saint Paul dans sa défense devant le roi Agrippa (dernier roi hérodien et dernier roi des juifs) et sa sœur Bérénice (qui séduira Titus).

    Les trois récits sont très proches. Le premier est centrée sur Saul, qui est entouré d’une vive lumière, tombe par terre et entend le Christ. Ceux qui accompagnent Saul sont restés debout, ils sont stupéfaits d’entendre une voix sans voir le locuteur.

    Dans le deuxième récit, saint Paul, en « langue hébraïque », raconte aux juifs de Jérusalem (qui l’ont fait prisonnier et veulent en découdre) la même histoire. Avec une différence : ceux qui l’accompagnaient, dit-il, voyaient la lumière, mais n’entendaient pas la voix de celui qui lui parlait.

    Dans le troisième récit, où saint Paul s’exprime en grec, tout le monde tombe par terre quand la lumière enveloppe le groupe. La suite, c’est uniquement le dialogue entre Jésus, qui s’exprime en « langue hébraïque », et Saul. Le discours de Jésus est ici beaucoup plus long, et résume toute la mission de saint Paul.

    C’est dans ce troisième récit que Jésus dit à Saul : « Il t’est dur de regimber contre l’aiguillon [littéralement : les aiguillons]. »

    Dans la Vulgate sixto-clémentine, cette phrase se trouve aussi dans le premier récit : elle se trouvait dans un certain nombre de manuscrits latins, mais seulement dans deux manuscrits grecs, dont un du XIIe siècle.

    Ce qui est fort curieux est que sa seule place indiscutablement authentique est dans le troisième récit, là où saint Paul précise que le Christ lui parle en « langue hébraïque ». Or « regimber contre l’aiguillon » est une locution proverbiale grecque, passée en latin, dont on ne trouve aucun exemple en « langue hébraïque » (araméen ou hébreu).

    Le père Spicq, d’esprit pourtant plutôt traditionnel, n’hésite pas à affirmer qu’il n’est « guère vraisemblable que le Christ ait cité littéralement Euripide ou quelque auteur classique » (alors qu’il a montré auparavant que c’était une locution proverbiale très répandue), et donc que c’est « saint Luc qui s’est servi d’une métaphore traditionnelle pour exprimer l’ordre du Seigneur coupant court à toute velléité de résistance du pharisien Saul, celle-ci serait à la fois douloureuse et vaine ». Et il cite même en note le P. Jacques Dupont, qui, auréolé de sa réputation de grand spécialiste des Actes des apôtres, n’hésite pas à affirmer qu’il s’agit d’un « enjolivement littéraire (sic) exprimant d’ailleurs très heureusement le genre de violence que Paul a subi à cette heure décisive pour lui ».

    Vous, je ne sais pas, mais moi, je trouve qu’il y a comme une désagréable impiété à parler de façon si désinvolte d’un propos dont saint Paul affirme qu’il est du Seigneur, et que saint Luc rapporte en sachant que les "notables" qui ont assisté à l'audience pourraient l'accuser d'affabuler.

  • Saint Timothée

    Timothée est un nom grec et signifie "qui honore Dieu". Alors que dans les Actes, Luc le mentionne six fois, dans ses Lettres, Paul fait référence à lui au moins à dix-sept reprises (on le trouve en plus une fois dans la Lettre aux Hébreux). On en déduit qu'il jouissait d'une grande considération aux yeux de Paul, même si Luc ne considère pas utile de nous raconter tout ce qui le concerne. En effet, l'Apôtre le chargea de missions importantes et vit en lui comme un alter ego, ainsi qu'il ressort du grand éloge qu'il en fait dans la Lettre aux Philippiens:  "Je n'ai en effet personne d'autre (isópsychon) qui partage véritablement avec moi le souci de ce qui vous concerne" (2, 20).

    Timothée était né à Lystres (environ 200 km au nord-ouest de Tarse) d'une mère juive et d'un père païen (cf. Ac 16, 1). Le fait que sa mère ait contracté un mariage mixte et n'ait pas fait circoncire son fils laisse penser que Timothée a grandi dans une famille qui n'était pas strictement observante, même s'il est dit qu'il connaissait l'Ecriture dès l'enfance (cf. 2 Tm 3, 15). Le nom de sa mère, Eunikè, est parvenu jusqu'à nous,  ainsi que le nom de sa grand-mère, Loïs (cf. 2 Tm 1, 5). Lorsque Paul passa par Lystres au début du deuxième voyage missionnaire,  il  choisit  Timothée comme compagnon, car "à Lystres et à Iconium, il était estimé des frères" (Ac 16, 2), mais il le fit circoncire "pour tenir compte des juifs de la région" (Ac 16, 3). Avec Paul et Silas, Timothée traverse l'Asie mineure jusqu'à Troas, d'où il passe en Macédoine. Nous sommes en outre informés qu'à Philippes, où Paul et Silas furent visés par l'accusation de troubler l'ordre public et furent emprisonnés pour s'être opposés à l'exploitation d'une jeune fille comme voyante de la part de plusieurs individus sans scrupules (cf. Ac 16, 16-40), Timothée fut épargné. Ensuite, lorsque Paul fut contraint de poursuivre jusqu'à Athènes, Timothée le rejoignit dans cette ville et, de là, il fut envoyé à la jeune Eglise de Thessalonique pour avoir de ses nouvelles et pour la confirmer dans la foi (cf. 1 Th 3, 1-2). Il retrouva ensuite l'Apôtre à Corinthe, lui apportant de bonnes nouvelles sur les Thessaloniciens et collaborant avec lui à l'évangélisation de cette ville (cf. 2 Co 1, 19).

    Nous retrouvons Timothée à Ephèse au cours du troisième voyage missionnaire de Paul. C'est probablement de là que l'Apôtre écrivit à Philémon et aux Philippiens, et dans ces deux lettres, Timothée apparaît comme le co-expéditeur (cf. Phm 1; Ph 1, 1). D'Ephèse, Paul l'envoya en Macédoine avec un certain Eraste (cf. Ac 19, 22) et, ensuite, également à Corinthe, avec la tâche d'y apporter une lettre, dans laquelle il recommandait aux Corinthiens de lui faire bon accueil (cf. 1 Co 4, 17; 16, 10-11). Nous le retrouvons encore comme co-expéditeur de la deuxième Lettre aux Corinthiens, et quand, de Corinthe, Paul écrit la Lettre aux Romains, il y unit, avec ceux des autres, les saluts de Timothée (cf. Rm 16, 21). De Corinthe, le disciple repartit pour rejoindre Troas sur la rive asiatique de la Mer Egée et y attendre l'Apôtre qui se dirigeait vers Jérusalem, en conclusion de son troisième voyage missionnaire (cf. Ac 20, 4). A partir de ce moment, les sources antiques ne nous réservent plus qu'une brève référence à la biographie de Timothée, dans la Lettre aux Hébreux où on lit:  "Sachez que notre frère Timothée est libéré. J'irai vous voir avec lui s'il vient assez vite" (13, 23). En conclusion, nous pouvons dire que la figure de Timothée est présentée comme celle d'un pasteur de grand relief. Selon l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, écrite postérieurement, Timothée fut le premier Evêque d'Ephèse (cf. 3, 4). Plusieurs de ses reliques se trouvent depuis 1239 en Italie, dans la cathédrale de Termoli, dans le Molise, provenant de Constantinople.

    Benoît XVI

  • Saint Raymond de Peñafort

    Raymond.jpg

    Peinture de Tommaso Dolabella, peintre vénitien installé à la cour du roi de Pologne à Cracovie sous Sigismond III Vasa (première moitié du XVIIe siècle). Il est notamment l’auteur d’une gigantesque et magnifique Bataille de Lépante (6,5 mètres sur 3) qu’on peut voir dans le château royal du Wawel.

    Ce tableau (cliquez dessus pour l'agrandir), qui se trouve au couvent des Dominicains de Cracovie, illustre le miracle le plus éclatant de Raymond de Peñafort et qui termine sa notice du bréviaire : « Voulant revenir de l’île de Majorque à Barcelone, il étendit son manteau sur les eaux, fit cent soixante milles de chemin en six heures, et entra dans son monastère, bien que les portes en fussent closes. »

    C’est ce que retient aussi l’oraison, écrite par le pape Clément VIII :

    Deus, qui beátum Raymúndum pœniténtiæ sacraménti insígnem minístrum elegísti, et per maris undas mirabíliter traduxísti : concéde ; ut eius intercessióne dignos poeniténtiæ fructus fácere, et ad ætérnæ salútis portum perveníre valeámus. Per Dóminum…

    O Dieu, qui avez choisi le bienheureux Raymond pour en faire un ministre admirable du sacrement de la pénitence, et qui lui avez fait traverser les eaux de la mer de façon merveilleuse, accordez-nous cette grâce, que, par son intercession, nous puissions porter de dignes fruits de pénitence et parvenir au port du salut éternel.

    « Ministre du sacrement de pénitence », il le fut surtout comme confesseur de Grégoire IX, pape qui lui confia le soin de compiler les décrets des papes, ce qui n’avait encore jamais été fait, et ce fut une esquisse de ce qui deviendrait sous saint Pie X le code de droit canonique. Raymond de Peñafort, qui était devenu dominicain à 45 ans,  fut encore, avec saint Pierre Nolasque, le cofondateur de l’ordre de Notre Dame de la Merci.

    Et bonne fête à mon évêque !

  • Saints Vincent et Anastase

    Comme pour Fabien et Sébastien, les fêtes de ces deux martyrs ont fini par fusionner, bien qu’il n’y ait pas de rapport entre le diacre de Saragosse († 304) et le moine persan († 628).

    J’ai évoqué plusieurs fois saint Vincent (notamment ici, ou par un sermon de saint Augustin). Voici ce que le bienheureux cardinal Schuster dit de la dévotion romaine à saint Anastase.

    Le culte de saint Anastase, moine persan martyrisé à Césarée de Palestine sous Chosroës vers 626, s’implanta à Rome quelque temps plus tard, c’est-à-dire lorsqu’on y apporta son chef, qui fut déposé dans le monastère ad aquas salvias érigé par Narsès pour les moines de Cilicie. Le grand nombre de prodiges qui s’ensuivirent rapidement lui valurent la renommée de thaumaturge, en sorte que la liste des évangiles de Würzbourg assigne à sa messe le passage de saint Marc (V, 21-34) où Jésus opère la résurrection de la fille de Jaïre et la guérison de l’hémorroïsse.

    La grande popularité de cette dévotion envers saint Anastase à Rome est attestée par les nombreuses basiliques qui lui étaient dédiées, à l’Arenula, à la Marmorata, dans le quartier de pinea, et à Trevi. Les miracles qui s’opéraient durant le haut moyen âge par l’image du saint, ont fait que celle-ci, presque jusqu’à nos temps, était reproduite jusque dans les Sante Croci, ou alphabets à l’usage des enfants.

  • Sainte Agnès

    Animemur ad agonem,
    Recolentes passionem
    Gloriosæ virginis.
    Contrectantes sacrum florem,
    Respiremus ad odorem
    Respersæ dulcedinis.

    Pulchra, prudens et illustris,
    Jam duobus Agnes lustris
    Addebat triennium.
    Proles amat hanc præfecti:
    Sed ad ejus virgo flecti
    Respuit arbitrium.

    Mira vis fidei,
    Mira virginitas,
    Mira virginei
    Cordis integritas.
    Sic Dei Filius,
    Nutu mirabili,
    Se mirabilius
    Prodit in fragili.

    Languet amans : cubat lecto:
    Languor notus fit præfecto;
    Maturat remedia.
    Offert multa, spondet plura,
    Periturus peritura;
    Sed vilescunt omnia.

    Nudam prostituit
    Præses flagitiis:
    Quam Christus induit
    Comarum fimbriis
    Stolaque cœlesti.
    Cœlestis nuntius
    Assistit propius:
    Cella libidinis
    Fit locus luminis;
    Turbantur incesti.

    Cæcus amans indignatur,
    Et irrumpens præfocatur
    A maligno spiritu.
    Luget pater, lugent cuncti:
    Roma flevit pro defuncti
    Juvenis interitu.

    Suscitatur ab Agnete,
    Turba fremit indiscrete:
    Rogum parant Virgini.
    Rogus ardens reos urit,
    In furentes flamma furit,
    Dans honorem Numini.

    Grates agens Salvatori,
    Guttur offert hæc lictori,
    Nec ad horam timet mori,
    Puritatis conscia.
    Agnes, Agni salutaris
    Stans ad dextram gloriaris,
    Et parentes consolaris
    Invitans ad gaudia.

    Ne te flerent ut defunctam
    Jam cœlesti Sponso junctam:
    His sub agni forma suam
    evelavit, atque tuam
    Virginalem gloriam.
    Nos ab Agno salutari
    Non permitte separari,
    Cui te totam consecrasti;
    Cujus ope tu curasti
    Nobilem Constantiam.

    Vas electum, vas honoris,
    Incorrupti flos odoris,
    Angelorum grata choris,
    Honestatis et pudoris
    Formam præbes sæculo.
    Palma fruens triumphali,
    Flore vernans virginali,
    Nos indignos speciali,
    Fac sanctorum generali
    Vel subscribi titulo. Amen.

    Animons-nous à la lutte, en célébrant la Passion d’une vierge glorieuse. En touchant la fleur sacrée, respirons les parfums de suavité qu’elle exhale.

    Belle, prudente et d’illustre race, déjà Agnès à deux premiers lustres avait ajouté trois ans. Aimée du fils du Préfet, la vierge à ses désirs résiste avec courage.

    Merveilleuse force de la foi! Merveilleuse virginité ! Merveilleuse intégrité d’un cœur virginal ! Ainsi le Fils de Dieu, par un conseil admirable, se montre plus admirable dans un instrument fragile.

    L’amant languit sur sa couche de souffrance ; la cause de cette langueur est connue du Préfet, qui s’empresse d’y chercher remède. Il offre beaucoup, promet plus encore de choses périssables, périssable qu’il est; mais tout cela est vil aux yeux de la vierge.

    Le Préfet la fait exposer nue dans un lieu infâme ; mais le Christ la revêt du voile de sa chevelure et d’un vêtement céleste. Un messager d’en haut veille à ses côtés ; l’antre du crime devient un séjour de lumière; la terreur s’empare des débauchés.

    L’aveugle amant s’irrite ; il s’élance, et tombe étouffé par l’esprit malin. Le père pleure, tout pleure : Rome a pleuré aux funérailles du jeune mort.

    Agnès le rend à la vie : la foule frémit confusément, et cependant on prépare pour la vierge un bûcher. Mais les flammes brûlent les impies; elles tourmentent les bourreaux furieux, et rendent hommage au grand Dieu.

    Agnès, au Seigneur rendant grâces, présente son cou au licteur; tranquille sur sa pureté, elle ne craint pas de mourir sur l’heure. Debout à la droite de l’Agneau du salut, tu es glorieuse, Agnès ! tu viens consoler tes parents ; tu les invites aux réjouissances.

    Qu’ils cessent de pleurer ta mort, maintenant que tu es unie à l’Époux céleste. Apparaissant sous la forme d’un agneau, il leur révèle sa gloire, et les honneurs de ta virginité. Ne permets pas que jamais nous soyons séparés de cet Agneau salutaire, à qui tu t’es consacrée tout entière, et par la puissance duquel tu guéris la noble Constantia.

    Vase élu, vase d’honneur, fleur d’incorruptible parfum, bien-aimée des chœurs des Anges, tu donnes au monde un exemple de noblesse et de pudeur. Toi, ornée de la palme triomphale, couronnée des fleurs de la virginité : nous, indignes d’une récompense spéciale, fais-nous du moins inscrire sur les fastes communs des saints. Amen.

    Séquence d’Adam de Saint-Victor, traduction de dom Guéranger. Certains spécialistes contestent l’attribution à Adam de Saint-Victor, car elle ne se trouve que dans des suppléments du XIVe et du XVIe siècle au graduel de Saint-Victor. Mais elle se trouve dans les plus anciens graduels de Paris, et est donnée pour authentique par les quatre sources auxquelles se fiait Léon Gautier, qui édita les œuvres d’Adam de Saint-Victor, en 1894, « à la mémoire de dom Guéranger ».

  • Saint Fabien et saint Sébastien

    Sebastiani Martyris,
    Concivis almi, supplices
    Diem sacratam vocibus
    Canamus omnes debitis.

    Athleta Christi nobilis,
    Ardens amore praelii,
    Linquit tepentem patriam,
    Pugnamque Romae festinat.

    Hic cultor alti dogmatis,
    Virtute plenus coelica,
    Idola damnans, inclyti
    Trophaea sperat martyris.

    Loris revinctus plurimis;
    Qua stipes ingens tollitur,
    Vibrata tela suscipit
    Umbone nudo pectoris.

    Fit silva corpus ferrea;
    Sed aere mens constantior
    Ut molle ferrum despicit :
    Ferrum precatur, saeviat.

    Manantis unda sanguinis
    Exsangue corpus nunciat;
    Sed casta nocte Femina
    Plagas tumentes recreat.

    Coeleste robur militi
    Adacta praebent vulnera;
    Rursum tyrannum provocans,
    Exspirat inter vulnera.

    Nunc coeli in arce considens,
    Bellator o fortissime,
    Luem fugando, civium
    Tuere clemens corpora.

    Patri, simulque Filio,
    Tibique, Sancte Spiritus,
    Sicut fuit, sit jugiter
    Saeclum per omne gloria. Amen.

    En ce jour dédié à l’honneur de Sébastien Martyr, notre concitoyen illustre, rendons-lui gloire dans nos chants unanimes.

    Ce noble athlète du Christ, plein de l’ardeur du combat, abandonne sa patrie, qui pour lui a moins de dangers, et vient dans Rome affronter la lutte.

    C’est là que, sectateur d’une doctrine sublime, repoussant l’idolâtrie, il aspire aux trophées d’un glorieux martyre.

    Des nœuds multipliés l’enchaînent au tronc d’un arbre ; c’est là que sa poitrine, comme un bouclier suspendu, sert de but aux traits des archers.

    Les flèches se réunissent sur son corps comme une forêt ; mais son âme, plus ferme que l’airain, insulte à la mollesse du fer, et demande à ce fer d’être plus meurtrier.

    A voir le sang qui baigne le corps du Martyr, on croirait qu’il a expiré ; mais une chaste femme est venue panser ces plaies enflammées.

    Ces blessures profondes inspirent un courage céleste au soldat du Christ ; il va provoquer encore le tyran, et bientôt il expire sous les coups meurtriers.

    Maintenant, assis dans les hauteurs du ciel, vaillant guerrier ! éloignez la peste, et gardez même les corps de vos concitoyens.

    Au Père, au Fils, et à vous, Esprit Saint, comme toujours, soit à jamais gloire dans tous les siècles. Amen.

    Hymne du bréviaire ambrosien, traduction dom Guéranger

  • Deuxième dimanche après l’Epiphanie

    Le troisième Mystère de l’Épiphanie nous montre la consommation des plans de la divine miséricorde sur le monde, en même temps qu’il nous manifeste une troisième fois la gloire de l’Emmanuel. L’Etoile a conduit l’âme à la foi, l’Eau sanctifiée du Jourdain lui a conféré la pureté, le Festin Nuptial l’unit à son Dieu. Nous avons chanté l’Époux sortant radieux au-devant de l’Épouse ; nous l’avons entendu l’appeler des sommets du Liban ; maintenant qu’il l’a éclairée et purifiée, il veut l’enivrer du vin de son amour.

    Un festin est préparé, un festin nuptial ; la Mère de Jésus y assiste ; car, après avoir coopéré au mystère de l’Incarnation du Verbe, il convient qu’elle soit associée à toutes les œuvres de son Fils, à toutes les faveurs qu’il prodigue à ses élus. Mais, au milieu de ce festin, le vin vient à manquer. Jusqu’alors la Gentilité n’avait point connu le doux vin de la Charité ; la Synagogue n’avait produit que des raisins sauvages. Le Christ est la vraie Vigne, comme il le dit lui-même. Lui seul pouvait donner ce vin qui réjouit le cœur de l’homme, et nous présenter à boire de ce calice enivrant qu’avait chanté David.

    Marie dit au Sauveur : « Ils n’ont point de vin. » C’est à la Mère de Dieu de lui représenter les besoins des hommes, dont elle est aussi la mère. Cependant, Jésus lui répond avec une apparente sécheresse : « Femme, qu’importe à moi et à vous ? Mon heure n’est pas encore venue. » C’est que, dans ce grand Mystère, il allait agir, non plus comme Fils de Marie, mais comme Fils de Dieu. Plus tard, à une heure qui doit venir, il apparaîtra aux yeux de cette même Mère, expirant sur la croix, selon cette humanité qu’il avait reçue d’elle. Marie a compris tout d’abord l’intention divine de son Fils, et elle profère ces paroles qu’elle répète sans cesse à tous ses enfants : Faites ce qu’il vous dira.

    Or, il y avait là six grands vases de pierre, et ils étaient vides. Le monde, en effet, était parvenu à son sixième âge, comme l’enseignent saint Augustin et les autres docteurs après lui. Durant ces six âges, la terre attendait son Sauveur, qui devait l’instruire et la sauver. Jésus commande de remplir d’eau ces vases ; mais l’eau ne convient pas pour le festin de l’Epoux. Les figures, les prophéties de l’ancien monde étaient cette eau ; et nul homme, jusqu’à l’ouverture du septième âge, où le Christ, qui est la Vigne, devait se communiquer, n’avait contracté l’alliance avec le Verbe divin.

    Mais lorsque l’Emmanuel est venu, il n’a qu’une parole à dire : « Puisez maintenant. » Le vin de la nouvelle Alliance, ce vin qui avait été réservé pour la fin, remplit seul maintenant les vases. En prenant notre nature humaine, nature faible comme l’eau, il en a ménagé la transformation ; il l’a élevée jusqu’à lui, nous rendant participants de la nature divine ; il nous a rendus capables de contracter l’union avec lui, de former ce seul corps dont il est le Chef, cette Église dont il est l’Époux, et qu’il aimait de toute éternité d’un si ardent amour, qu’il est descendu du ciel pour célébrer ces noces avec elle.

    Dom Guéranger

  • De la Sainte Vierge le samedi

    Verbum bonum et suave,
    Personemus illud Ave
    Per quod Christi fit conclave
    Virgo, mater, filia.

    Per quod Ave salutata
    Mox concepit fœcundata
    Virgo David stirpe nata,
    Inter spinas lilia.

    Ave, veri Salomonis
    Mater, vellus Gedeonis,
    Cujus Magis tribus donis
    Laudant puerperium.

    Ave, solem genuisti;
    Ave, prolem protulisti,
    Mundo lapso contulisti
    Vitam et imperium.

    Ave, sponsa Verbi summi,
    Maris portus, signum dumi,
    Aromatum virga fumi,
    Angelorum Domina.

    Supplicamus : nos emenda,
    Emendatos nos commenda
    Tuo Nato, ad habenda
    Sempiterna gaudia. Amen.

    Faisons retentir ce Salut, parole heureuse et douce, Salut par lequel devient le sanctuaire du Christ la Vierge qui est à la fois sa mère et sa fille.

    A peine entend-elle ce Salut, qu’elle conçoit son divin Fils, la Vierge issue de David, le lis entre les épines.

    Salut ! Mère du vrai Salomon, toison de Gédéon, vous dont les Mages honorent l’enfantement par une triple offrande.

    Salut ! vous qui avez enfanté le soleil. Salut ! vous qui, en donnant votre fruit, avez rendu à l’homme tombé la vie et la puissance.

    Salut ! Épouse du Verbe souverain, port du navigateur, buisson mystérieux, nuage de parfums, Reine des Anges.

    Nous vous en supplions, amendez-nous et nous recommandez à votre Fils, qui daigne nous donner l’éternelle joie ! Amen.

    Séquence médiévale, traduction dom Guéranger. Le texte fit l’objet d’un motet composé par Adrian Willaert (1490-1562), à propos duquel Gioseffo Zarlino raconte, dans ses Institutions harmoniques (1558), l’anecdote suivante :

    « Je vais à présent raconter ce que j’ai entendu dire à de nombreuses reprises sur le très excellent Adrien Willaert, à savoir qu’un motet à six voix, Verbum bonum et suave, exécuté sous le nom de Josquin presque à chaque fête de Notre Dame en la Chapelle papale de Rome, était tenu pour l’une des plus belles compositions chantées en ce temps-là. Quand Willaert vint des Flandres à Rome, à l’époque de Léon X, et qu’il se retrouva là où ce motet était chanté, il vit qu’on l’attribuait à Josquin. Lorsqu’il eut dit qu’il était de lui, ce qui était vrai, les chanteurs se montrèrent si malveillants ou (à tout le moins) si grossiers qu’ils ne voulurent jamais le rechanter. »