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Liturgie - Page 413

  • Mercredi des cendres

    Le jeûne qui plait à Dieu. — Telle est à peu près la pensée unique de ce jour :
     a) motifs du jeûne (Leçon: Joël 2, 12-19),
     b) l’âme du jeûne (Évangile: Matthieu 6, 16-21),
     c) valeur du jeûne (Préface).

    Le motif le plus profond du jeûne est le péché, c’est pourquoi, aussi, il n’a de valeur que s’il est uni à l’aversion du péché. Le sens de tout le temps de Carême et de la cérémonie de pénitence d’aujourd’hui est la réforme de la vie. Le jeûne ne vaut pas par lui-même, ce n’est qu’un moyen d’arriver à la piété. L’âme du jeûne est l’humilité ; il est sans valeur et même coupable s’il est au service de l’amour-propre (Évangile). En termes d’une beauté inimitable, la préface expose l’importance du jeûne : « Par le jeûne corporel, tu réprimes les péchés, tu élèves l’esprit, tu confères la vertu et la récompense. » Le jeûne nous délivre des forces inférieures de l’âme et du corps et, par suite, il renforce l’homme spirituel et affermit surtout la volonté. Or la volonté est, pour l’œuvre de notre salut, le facteur humain décisif.

    Dom Pius Parsch

    Collecte de la messe :

    Præsta, Dómine, fidélibus tuis : ut jejuniórum veneránda sollémnia, et cóngrua pietáte suscípiant, et secúra devotióne percúrrant. Per Dóminum…

    Accordez, Seigneur, à vos fidèles, d’entreprendre avec la piété convenable, la pratique de ces jeûnes vénérables et solennels et d’en parcourir la carrière avec une dévotion que rien ne puisse troubler.

  • Saint Casimir

    Voilà un saint qui tombe à pic pour relativiser les jugements absolus des uns et des autres sur l’Ukraine. Casimir était le fils de Casimir Jagellon, grand duc de Lituanie, devenu roi de Pologne, l’un des plus grands rois de Pologne, Casimir IV. C’est l’époque de la plus grande extension de la Lituanie, qui englobe la plus grande partie de l’Ukraine actuelle, la Biélorussie, et une partie de la Russie. Saint Casimir, régent de Pologne quand son père est absent (c’est-à-dire à la guerre), réside à Vilnius (Wilno, Vilna). Il meurt à Grodno (Hrodna, Biélorussie), de tuberculose, à 24 ans, après avoir fait preuve d’une éminente sainteté et d’un grand amour des pauvres et de l’Eglise.

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    « Il s’appliqua avec soin à promouvoir la foi catholique, et à abolir le schisme des Ruthènes ; c’est pourquoi il porta le roi Casimir, son père, à défendre par une loi, aux schismatiques, de bâtir de nouvelles églises, et de réparer les anciennes qui tombaient en ruines », dit le bréviaire. (Interdit qui avait déjà été promulgué par Ladislas Jagellon et qui sera officiellement aboli quelques décennies plus tard.) Les « Ruthènes schismatiques » en question, ce sont ceux que l’on appelle aujourd’hui les Ukrainiens de l’ouest, qui étaient orthodoxes, et qui retrouveront l’unité catholique un siècle plus tard lors de l’union de Brest, ville qui se trouve aujourd’hui en… Biélorussie.

    Saint Casimir, fils du roi de Pologne, est enterré à la cathédrale de Vilnius. En 1636 il sera proclamé saint patron suprême de la Lituanie. A l’époque la Lituanie s’est déjà quelque peu réduite, notamment au sud, où l’"Ukraine" est devenue une partie du royaume de Pologne (dans le cadre d’une « République des deux nations », lesquelles sont la Pologne et la Lituanie)… Saint Casimir est aussi un saint patron de la Pologne.

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    (Juste avant que les Russes commencent à grignoter puis à avaler la plus grande partie de ces territoires.)

  • Le tyran ecclésiastique du Texas

    Le nouvel évêque de Fort Worth (détaché de Dallas en 1969), Mgr Michael Olson, interdit la messe de saint Pie V à l'université privée Fisher-More de la ville. Par une lettre comminatoire dépourvue de tout argument comme de tout sentiment chrétien (traduction ici). Cet acte non seulement contraire à la charité et à la justice, mais parfaitement arbitraire et illégal, est en outre un arrêt de mort pour l'université, puisque les parent y mettaient leurs enfants en raison notamment de la liturgie qui y était célébrée (en plein accord avec l’évêque précédent, par des prêtres “Ecclesia Dei”).

    C’était la seule messe quotidienne dans la « forme extraordinaire » dans ce diocèse, et aussi la seule le dimanche matin.

    Mgr Michael Olson a été nommé évêque de Fort Worth par François en novembre dernier et sacré le 29 janvier. L’un de ses premiers actes aura donc été une de ces mesures d’injustice et de cruauté dont les ecclésiastiques, particulièrement aujourd’hui, ont le secret.

    La mesure étant parfaitement illégale, le collège pourrait en appeler à Rome. Mais à Rome règne le pape qui cautionne la même injustice et cruauté vis à vis des Franciscains de l’Immaculée…

  • Lundi de la quinquagésime

    La lecture des matines est le chapitre 13 de la Genèse. Abraham (qui s’appelle encore Abram) revient d’Egypte où il s’était réfugié à cause de la famine. Il était parti avec Lot, il revient avec Lot, et tous deux sont devenus extrêmement riches en or, en argent et en troupeaux. Les troupeaux continuant de s’agrandir, il commence à y avoir des conflits entre les bergers d’Abram et ceux de Lot. Abram dit à son neveu qu’ils doivent se séparer, et le laisse choisir la direction où il ira s’installer. Lot lève les yeux et voit la région du Jourdain, « comme le paradis de Dieu ou la terre d’Egypte », il choisit donc la rive du Jourdain, riche comme les rives du Nil, et va s’installer à… Sodome.

    Lemaître de Sacy commente :

    « Il est dit que Lot leva les yeux lorsqu’il prit le pays de Sodome pour sa demeure, parce qu’il ne suivit en effet en ce choix que l’attrait de ses yeux, et non la prudence de l’Esprit de Dieu. La facilité avec laquelle il se sépare de la compagnie d’un homme si saint qui lui devait être plus précieuse que sa propre vie, est une preuve qu’il n’en avait pas paru assez digne devant Dieu, par le peu d’estime qu’il en avait conçue, et le peu d’usage qu’il en avait fait. Après avoir vécu avec un homme de Dieu, qui était plutôt un ange qu’un homme, il choisit de vivre avec ceux qui étaient des démons plutôt que des hommes, et dont la demeure qui lui avait paru d’abord un paradis et un lieu de délices devint un enfer pour ses habitants, et un des exemples les plus redoutables de la manière dont Dieu doit punir un jour les plus grands crimes.

    « Tout ce qui paraît beau à l’illusion des sens est funeste à l’âme au jugement de la foi*. La beauté de la campagne, la douceur du climat, l’abondance du blé, du vin et de toute sorte de fruits, sert, comme les païens mêmes l’ont remarqué, à nourrir les vices, à entretenir le luxe et la mollesse, et à rendre l’âme esclave des sens. Au lieu que la principale dignité consiste à les assujettir à l’esprit, et à croire que son trésor et toute sa joie est dans le ciel. »

    * Exagération, par excessive généralisation, toute janséniste. Pourtant le site de Port Royal n'est ni laid ni rude...

  • Quinquagésime

    C’est le troisième et dernier dimanche avant le carême : « le troisième et dernier appel de l’Église nous invitant à nous préparer au carême », souligne dom Pius Parsch, et « le sommet de la préparation ».

    Car il y a une progression dans ces trois dimanches. Voulue pour l’enseignement des catéchumènes qui seront baptisés à Pâques. Mais évidemment valable pour tout chrétien.

    Progression dans l’histoire du salut (aux matines), à travers trois hommes : Adam, Noé, et ce dimanche Abraham. Abraham dont l’exode est figure du carême et le sacrifice de son fils figure du sacrifice du Calvaire.

    Progression dans l’enseignement de saint Paul dans les épîtres : la vie chrétienne est une course, une lutte pour la couronne ; elle est « un dur labeur, rempli de souffrances et d’efforts, de renoncements et de tentations » (c’est le récit que faisait saint Paul de ses tribulations) ; mais ce qui domine, ce qui est plus important que tout, c’est la charité.

    Progression dans l’évangile : la parabole des ouvriers à la vigne, c’est l’appel des païens à entrer dans l’Eglise ; la parabole du semeur, c’est le temps de l’instruction, des semailles de la Parole dans la bonne terre du catéchumène ; la guérison de l’aveugle de Jéricho, c’est l’annonce de l’illumination baptismale, et de la lumière de la Résurrection.

    Et pour cela, « voici que nous montons à Jérusalem », où va s’accomplir la Passion prédite par les prophètes, et la Résurrection le troisième jour. Sur le chemin, nous dirons avec l’aveugle : « Fils de David, aie pitié de moi ! ». En implorant Dieu de nous donner la foi de cet aveugle afin de pouvoir, nous aussi, voir :

    — Que veux-tu que je fasse pour toi ?
    — Seigneur, que je voie.
    — Vois ! Ta foi t’a sauvé.

    Avec ce verbe grec, sozo, qui est à la fois un terme médical utilisé pour dire “guérir”, et qui dans la langue religieuse désigne le salut éternel. Et qui est ici au parfait, comme chaque fois que Jésus prononce cette expression (ta foi t’a sauvé : 7 fois dont 4 fois dans saint Luc), alors que c’est un « temps » relativement peu fréquent, qui exprime le résultat actuel, stable et permanent d’une action terminée, et correspond donc à un présent : tu es sauvé, c’est un fait acquis. Le sens premier est « tu es guéri pour de bon », mais le fait que ce soit par la foi implique qu’il s’agit aussi du salut éternel.

  • De la Sainte Vierge le samedi

    Je découvre que dans le bréviaire romain on dit aujourd’hui l’office de la Sainte Vierge (et que la messe est également celle de la Sainte Vierge le samedi), alors qu’il est bien précisé dans mon bréviaire monastique qu’on ne dit pas davantage cet office au temps de la Septuagésime qu’au temps du Carême. C’est pourquoi mon bréviaire n’a pas de lecture de cet office pour le mois de mars. Curieusement, vérifiant qu’il en était de même dans le Bréviaire monastique latin-français de 1725 auquel j’ai déjà emprunté plusieurs traductions, je découvre que ce bréviaire a bel et bien l’office de la Sainte Vierge au temps de la Septuagésime, et donc une lecture pour le mois de mars. La même (comme d’habitude) que celle du bréviaire romain : un extrait du livre de saint Irénée Contre les hérésies, livre 5, 19 :

    Lorsque le Seigneur est venu chez soi, c’est-à-dire sur la terre, et qu’il a voulu être porté par sa créature, lui qui la soutient lui-même par sa toute-puissance ; lors que pour réparer la désobéissance que l’homme avait commise en touchant à un arbre, il a voulu mourir par obéissance sur l’arbre de la croix ; enfin lors qu’il a voulu guérir les hommes des maux où les avait engagés la crédulité d’Eve, qui étant encore vierge, quoique destinée pour être l’épouse d’Adam, s’était laissé malencontreusement séduire par le démon : il a voulu pour opposer la vérité au mensonge qu’un ange annonçât un mystère véritable à une autre vierge épouse d’un homme, et cette vierge est Marie. Car comme Eve a été trompée par le discours d’un ange, et s’est éloignée de Dieu en transgressant l’ordre qu’il lui avait donné, de même l’ange a parlé à Marie, mais elle a mérité de porter Dieu en son sein par l’obéissance qu’elle a rendue à sa parole. Le serpent séduisit Eve pour lui faire abandonner Dieu ; et Marie se laissant persuader par l’ange a obéi à Dieu, et cette féconde Vierge est devenue ainsi l’avocate de la première. En sorte que comme le genre humain avait été condamné à la mort par la faute d’une vierge, il a été délivré de la mort par le mérite d’une vierge, l’obéissance de l’une a réparé la désobéissance de l’autre.

    Texte latin :

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  • Vendredi de la sexagésime

    La lecture des matines est celle du récit de la tour de Babel. Voici une brève homélie du P. Alexandre Siniakov, recteur du séminaire orthodoxe russe en France, prononcée en l’église Saint-Gervais de Paris le 18 janvier 2013 (semaine de l’unité des chrétiens).

    Chers frères et sœurs, la tradition chrétienne orientale considère la tour de Babel comme un film négatif de l’Église : j’utilise ce terme dans le sens des photographes. C’est une image inversée de la Pentecôte. Cette interprétation du récit de la Genèse que nous venons d’entendre est chantée dans le kondakion du dimanche de la Pentecôte : « Quand il a confondu les langues humaines, le Seigneur a dispersé les nations. Mais quand il distribue les langues de feu, il invite tous les hommes à l’unité, pour qu’unanimement nous rendions gloire au très saint Esprit ».

    Saint Maxime le Confesseur pense que la tragédie de la tour de Babel ne vient pas d’abord de l’orgueil et de l’individualisme humain. Ils sont les conséquences malheureuses d’un autre mal : une mauvaise conception de Dieu. Maxime est convaincu que la tour de Babel symbolise la multiplicité des représentations erronées de la divinité : « Les constructeurs de la tour se déplacèrent depuis l’Orient, du pays de la lumière, je veux dire de la connaissance unique et véritable de Dieu, et se rendirent au pays de Sennaar, nom que l’on traduit par ‘dents du blasphème’. Ils tombèrent dans des opinions multiples sur la divinité, et, disposant l’exposé de chaque opinion comme des briques, ils édifièrent, telle une tour, l’impiété aux dieux multiples. Il est normal alors que Dieu réduise à rien la confession née de la mauvaise harmonie des hommes égarés aux opinions innombrables » (Questions à Thalassios, 28).

    Nous voudrions bien pouvoir affirmer que la tour de Babel est une image du passé, qu’elle a été définitivement révolue au moment de la Pentecôte. Mais, hélas, les chrétiens n’ont pas résisté à la tentation. Nous nous sommes divisés en défendant des opinions particulières ; nous nous sommes déchirés pour des expressions divergentes du mystère de la Trinité et de celui de l’incarnation du Fils de Dieu ; nous nous sommes battus pour des visions singulières de l’Église. Certes, l’Église du Christ est une et elle le sera toujours, parce que le Christ est un. Mais on ne peut pas en dire autant de l'ensemble des chrétiens, de tous ceux qui croient que Jésus est le Seigneur et le Sauveur du monde.

    L’image de la tour de Babel a néanmoins une grande utilité : elle nous montre l’unité qui plaît à Dieu. Pour saint Maxime le Confesseur, le cœur de ce récit, c’est le pluriel de l’invitation divine : « Descendons et divisons leur langues ». Comme le célèbre « Faisons l’homme à notre image » (Gn 1, 26), il renvoie au mystère de la trinité des hypostases (ou personnes) de l’unique Dieu. La cause de la division des hommes est la multiplicité de leurs opinions sur Dieu, le polythéisme ; le remède contre cette division est le mystère de l’unité sans confusion des trois Personnes de l’unique Dieu. L’individualisme des hommes est dépassé dans la contemplation de la façon dont les trois Personnes divines partagent la même nature dans l’amour infini et la volonté unique. Le remède contre notre division, c’est notre assimilation à la Trinité. La voie de l’unité est celle de notre divinisation, de la ressemblance toujours croissante de l’image que nous sommes à notre Archétype. De même que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois hypostases distinctes, mais une seule nature, une seule essence, un seul Dieu, de même l’humanité est une seule nature, une seule essence, dans la multiplicité des personnes. Le mystère de la Trinité montre ce qu’est la véritable unité qui ne supprime pas les personnes ni leurs propriétés. Cette unité est celle de l’Église, corps vivant du Christ, où il n’y a ni de confusion de Babel ni de division qui a frappé les peuples de la terre. L’unique volonté et l’unique nature de la Trinité désignent l’aspect de l’unité de ceux qui croient dans le même Seigneur, unité qui ne supprime pas les spécificités des personnes, mais qui est fondée sur le renoncement libre à la volonté égoïste, sur le détachement de sa limitation individuelle qui permet de retrouver la nature commune.

    C’est l’invitation que fait, à la lecture du récit de la tour de Babel, saint Maxime le Confesseur (qui fut personnellement un des liens les plus forts entre l’Orient et l’Occident chrétiens) : « Le fait de ne pas polémiquer est aimé de l’Esprit et cher à ceux qui aiment l’Esprit, recevons, en accord les uns avec les autres, la sainte Écriture qui introduit dans le mystère de la très sainte Trinité dans l’unité » (Questions à Thalassios, 28), mystère qui est capable de nous remettre sur la voie de l’unité dans la multiplicité.

  • Saint Gabriel de la Vierge des douleurs

    On a pris l’habitude de l’appeler Gabriel de l’Addolorata, mais il faudrait choisir entre l’italien : Gabriele dell’Addolorata, ou le français : Gabriel de la Vierge des douleurs (ou de Notre Dame des Sept Douleurs, ou de la Mère des douleurs, comme je le vois dans un missel).

    D’abord il s’appelait François Possenti. François parce que né à Assise. En 1838. Trois ans après, son père est nommé assesseur du tribunal de Spolète. En 1856 François est un brillant étudiant menant une joyeuse vie mondaine. Mais lors d’une procession il voit l’image de la Sainte Vierge lui dire que le monde n’est pas pour lui et qu’il doit se faire religieux. Il entre chez les Passionnistes et reçoit le nom de Gabriel de la Vierge des douleurs, dont il devient un étonnant dévot. Cinq ans après, le 27 février 1862, il meurt de tuberculose au couvent d’Isola del Gran Sasso.

    De très nombreux miracles ont lieu par son intercession. Il est canonisé par Benoît XV en 1920, et Pie XI étend sa fête à toute l’Eglise. Il est un saint patron des étudiants, plus particulièrement des novices et des séminaristes, et de la région des Abruzzes.

    Son couvent est devenu le sanctuaire San Gabriele dell’Addolorata, l’un des 15 lieux de pèlerinage les plus fréquentés du monde : deux millions de visiteurs chaque année.

  • Mercredi de la sexagésime

    La première chose que fait Noé en sortant de l’arche, c’est édifier un autel et y offrir un sacrifice. Dieu premier servi. Nihil operi Dei præponatur.

    Un sacrifice sanglant. Comme celui d’Abel, le premier juste. Car Noé aussi est qualifié de juste, et il sait quel est le sacrifice qui plaît à Dieu, le seul sacrifice efficace : celui qui se fait avec effusion de sang. Celui qui annonce le sacrifice du Fils de Dieu.

    Alors Dieu bénit Noé et ses fils. C’est la deuxième fois que Dieu bénit. La première fois, c’est quand il avait béni Adam et Eve. Et il dit la même chose : croissez et multipliez, et remplissez la terre.

    Cette bénédiction est définitive. Puisque Dieu dit qu’il ne prononcera plus de malédiction, alors même qu’il sait qu’après comme avant le Déluge, « l'esprit de l'homme et toutes les pensées de son cœur sont portées au mal dès sa jeunesse ».

    Une différence avec la bénédiction d’Adam et Eve : au paradis terrestre, l’homme, comme l’animal, devait se nourrir des plantes et des fruits du jardin. Dans le monde d’après le Déluge, l’homme se nourrira aussi de viande. Mais il a interdiction de manger « la chair avec le sang ». « Car je vengerai votre sang de toutes les bêtes qui l'auront répandu, et je vengerai la vie de l'homme, de la main de l'homme, et de la main de son frère. Quiconque aura répandu le sang de l'homme, sera puni par l'effusion de son propre sang : car l'homme a été créé à l'image de Dieu. »

    Ainsi se termine la lecture de ce jour : par une autre mention de l’effusion de sang, et cette fois de l’effusion du sang humain. Le sang de Celui qui viendra prendre la place de l’homme coupable pour le recréer à l’image de Dieu.

  • Mardi de la sexagésime

    La lecture des matines est le récit de la fin du Déluge. Voici le commentaire que fait Isaac Le Maistre de Sacy de l’épisode du corbeau et de la colombe. On peut voir au début un relent de jansénisme, mais cela se termine par l’affirmation qu’on ne doit pas désespérer de la miséricorde. Quoi qu’il en soit c’est un très beau texte, appuyé surtout sur le livre de saint Ambroise De Noe et arca.

     *

    Noé laissa aller le corbeau, qui étant sorti ne revint plus. Il envoya aussi la colombe après le corbeau. Mais n’ayant pu trouver où asseoir son pied, parce que la terre était toute couverte d’eaux, elle revint à lui ; et Noé la prit et la remit dans l’arche.

    Le corbeau a pu subsister hors de l’arche, dit s. Augustin, quoique les eaux ne fussent pas encore séchées, parce qu’il trouva apparemment des corps morts sur lesquels il se reposa, et que volant de temps en temps sur le toit de l’arche sans entrer dedans, il retournait toujours à ces corps morts dont il se nourrissait, ces chairs pleines de pourriture et de puanteur étant une viande délicieuse pour ces animaux impurs, amis de la corruption et du carnage.

    C’est une excellente image, selon s. Cyprien et s. Hilaire, du pécheur enchanté de l’amour du monde, dont la passion est l’idole à laquelle il se sacrifie, et dont l’âme étant devenue toute charnelle, n’aime que la corruption et la puanteur, et fait ses délices de ce qui la tue. Ces âmes noircies de crimes, et qui se sont vendues au démon pour acheter au prix de leur salut éternel la falsification si courte et si malheureuse de leurs plaisirs criminels, paraissent de temps en temps sur le haut de l’arche qui était la figure de l'Eglise, parce qu'il est même de leur intérêt de ne pas blesser une certaine bienséance humaine, et de garder les dehors et les apparences de la religion, lors même qu'elles en ont étouffé dans leur cœur tout l'esprit et le sentiment.

    Ces âmes sont proprement la vérité, dont le Lazare mort, enterré et pourri dans son sépulcre depuis quatre jours, était la figure. II n'appartient qu'à celui qui a entre ses mains les clefs de la mort et de l’enfer, de ressusciter ces âmes mortes. Et on ne doit pas désespérer de cette miséricorde, dit saint Augustin, en considérant que le Sauveur n'a pas dit d'une voix faible, mais d'une voix forte et toute-puissante : Lazare sortez dehors.

    La colombe au contraire, selon les Saints, peut figurer les âmes justes et innocentes, qui étant engagées dans des occupations extérieures, et dans le commerce des hommes, ne rencontrent aucun lieu où elles puissent asseoir leur pied, c'est-à-dire, où leur cœur puisse trouver un vrai repos. Et comme elles fuient la contagion du siècle, et qu'elles laissent aux morts le soin d'ensevelir leurs morts, elles sont dans une sainte impatience de retourner dans l'arche, et de se remettre entre les mains du véritable Noé, c'est-à-dire, du vrai Consolateur, qui est Jésus-Christ.

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