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Liturgie - Page 412

  • Samedi des quatre temps de carême

    La messe de ce jour fut longtemps l’une des plus solennelles de l’année : c’est une messe d’ordinations à la basilique Saint-Pierre de Rome. Avant saint Grégoire le Grand, elle comportait douze lectures en grec et en latin. Saint Grégoire en réduisit le nombre à six (y compris l’évangile), ce qui est toujours le cas, du moins s’il y a des ordinations, et aux messes conventuelles. C’était une de ces messes-vigiles qui duraient toute la nuit (pannychis) et se terminaient au lever du jour. C’est pourquoi l’évangile est le même que celui de demain : il n’y avait pas d’autre messe que celle de la longue veillée (qui venait après un jour complet de jeûne…), et les anciens sacramentaires indiquaient : « Dominica vacat ».

    L’évangile de la Transfiguration est en rapport avec la « station » du jour, comme c’est normalement et plus ou moins clairement le cas dans les messes anciennes. Ici, c’est parce que, si trois apôtres assistent à la Transfiguration, saint Pierre est le seul à parler, et il  témoignera de cet épisode dans sa seconde épître.

    Mais le choix de cet évangile pour ce jour a une autre justification, qui apparaît en pleine lumière, montre dom Pius Parsch, si l’on s’en tient aux plus anciennes messes de carême : premier dimanche, mercredi des quatre temps, samedi des quatre temps. Dimanche, c’était le jeûne du Christ. Mercredi, le jeûne de Moïse et d’Elie. Aujourd’hui, Moïse et Elie sont avec Jésus sur la montagne. Le jeûne des 40 jours conduit à la Transfiguration, qui est une figure anticipée de Pâques.

  • Vendredi des quatre temps de carême

    C’est l’évangile de la « piscine probatique ». Il semble que lorsque l’évangile fut traduit en latin on ne savait plus de quoi il s’agissait. Plusieurs manuscrits importants (que suit la Vulgate de Stuttgart) disent qu’“il y a à Jérusalem, sur la Probatique, une piscine”. Super Probatica : traduction littérale du grec. Mais en grec épi, qui veut surtout dire en effet “sur”, peut vouloir dire aussi “près de” : « près de la “Probatique” », c’est-à-dire près de la (porte) des brebis. A l’époque du Christ tout le monde comprenait (en grec). Mais par la suite, comme le mot “porte” était sous-entendu, on ne savait plus. Du coup les traductions latines ont gardé “probatique” comme un nom propre, ce qu’il était de fait, sans comprendre ce que voulait dire « Sur la des brebis ». D’autant que sur le plan symbolique il n’est pas indifférent qu’il s’agisse de la porte par laquelle passent les brebis, quand la piscine symbolise le baptême.

    Quant au nom hébraïque de la piscine, il est, dit le texte grec, Bethesda. Un nom qu’on ne trouve nulle part ailleurs, mais dont le sens est clair : Bet-hesda : la maison de la miséricorde (l’araméen hesda étant une forme de l’hébreu hesed). Car c’est dans la maison de la miséricorde que le pécheur obtient le salut par le baptême. Le nom est curieusement devenu Bethsaida dans tous les manuscrits latins, sans doute par assimilation avec le nom du village de Pierre, André et Philippe – qui veut dire maison de la pêche, ce qui après tout n’est pas hors sujet… Quant aux traductions (?) modernes elles ont inventé « Bezatha », sous prétexte qu’on ne voit Bethesda nulle part ailleurs alors qu’il y a non loin de ce lieu une vallée de Bezatha…

    On remarque que les textes grecs et latins disent : « Il y a à Jérusalem ». La phrase commence par ce verbe au présent. C’est un indice de l’ancienneté de l’évangile de saint Jean. Si cet évangile avait été écrit après la destruction de Jérusalem, comme le prétendent aujourd’hui la plupart des exégètes, on n’aurait pas « il y a », mais « il y avait ».

    Cet évangile a été choisi à cause de la piscine (du baptême) en ce jour du deuxième scrutin des catéchumènes, parce que c’est aussi le 38e jour avant Pâques et que l’homme guéri était malade depuis 38 ans.

    Saint Augustin a donné une longue explication symbolique de ces 38 ans, dont j’ai donné l’essentiel en 2010. L’homme était infirme parce que 40 est le nombre de la pénitence parfaite, et qu’il lui manque 2 : les deux préceptes de l’amour de Dieu et du prochain. Et c’est grâce à ces deux préceptes que l’homme est guéri.

    Jésus lui donne trois ordres : lève-toi, prends ton grabat, et marche, poursuit saint Augustin. En lui disant « Lève-toi », il le guérit, mais les deux autres ordres, pris à la lettre, n’ont guère de sens : on ne voit pas pourquoi Jésus lui demande de partir sur le champ. Or ces mots sont répétés : trois fois, et même quatre fois. C’est qu’en lui disant « prends ton grabat », il lui donne le commandement de l’amour du prochain, et en lui disant « Marche », il lui donne le commandement de l’amour de Dieu. Parce que le grabat est son prochain : le grabat était son prochain qui le portait, maintenant c’est à lui de porter son prochain : « portez les fardeaux les uns des autres ». Et en lui disant de marcher, il le conduit vers Dieu qui est Amour. Preuve en est qu’il le retrouve ensuite au Temple : une fois guéri, l’homme est allé dans le lieu saint, dans le lieu de la Présence de Dieu.

  • Jeudi de la première semaine de carême

    L’évangile est celui de la Cananéenne dont la fille est tourmentée par le démon (Matthieu 15, 21-28).

    Par le fait qu’il s’agisse d’une païenne, et par son dénouement, l’épisode est très proche de celui de la guérison du serviteur du centurion, que saint Matthieu a raconté sept chapitres plus haut.

    Dans les deux cas, Jésus fait l’éloge de la foi de la personne païenne, et guérit à distance en disant : que soit fait selon ta volonté (volonté qui, par la foi, rencontre donc la volonté divine qui épouse la volonté humaine).

    Toutefois, la structure profonde du récit fait davantage penser aux Noces de Cana, dans l’évangile de saint Jean. Jésus répond durement à sa Mère, comme il répond durement à la Cananéenne, parce que « mon heure n’est pas encore venue ». A Cana parce que c’est avant sa « vie publique », face à la Cananéenne, en territoire païen, parce que l’évangélisation des païens sera le rôle de l’Eglise. (Le centurion, quant à lui, était à Capharnaum, et il était un « ami de notre peuple », selon les juifs en saint Luc.)

    D’autre part, les « chiens » et les « miettes qui tombent de la table » font penser à la parabole du riche et de Lazare, en saint Luc. La Cananéenne qui mendie la guérison de sa fille comme une miette de pain qui tombe de la table des juifs est un peu l’alter ego du mendiant dont les chiens lèchent les ulcères.

    D’autre part, si l’on pense à l’évidente signification eucharistique du récit des Noces de Cana – l’eau changée en vin comme le vin sera changé en sang du Christ – on peut voir par allusion une correspondance avec les miettes de pain (du pain des fils) qui figurent la guérison de la fille possédée – et l’Eglise souligne que le Christ est tout entier présent dans chaque miette du pain eucharistique (aux multiplications des pains Jésus demande de soigneusement ramasser les morceaux qui restent)…

    L’antienne de communion de cette messe est alors la conclusion de tout ceci :

    Panis, quem ego dédero, caro mea est pro sǽculi vita.

    Le pain que moi je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde.

  • Mercredi des quatre temps de carême

    Dans la messe de ce jour, la première lecture nous montre Moïse montant sur la montagne pendant sept jours et demeurant sur la montagne pendant « quarante jours et quarante nuits ».

    La deuxième lecture nous montre Elie marcher « quarante jours et quarante nuits » sans manger jusqu’à la montagne de Dieu.

    Voici donc les deux préfigurations du jeûne du Christ qui était l’évangile de dimanche dernier. C’est l’illustration par les textes du début de l’hymne des matines du carême :

    Ex more docti mystico
    Servémus hoc ieiunium,
    Deno diérum circulo
    Ducto quater notíssimo.

    Lex et prophetæ primitus
    Hoc prætulérunt, postmodum
    Christus sacrávit, ómnium
    Rex atque factor témporum.

    Remarquablement traduit par Corneille :

    Instruits par une tradition mystérieuse,
    gardons avec soin ce jeûne
    célèbre qui parcourt le cercle
    de quarante journées.

    La Loi, d’avance, et les Prophètes
    en ont jadis montré le sens ;
    le Christ enfin l’a consacré,
    lui, des temps le Maître et le Roi.

    (En fait le texte parle d’un cercle de dix jours parcouru quatre fois, mais c’est bien le 40 qui importe.)

    La Loi et les prophètes : Moïse et Elie. Lemaitre de Sacy le dira explicitement dans sa « traduction », qui vise à expliquer le texte latin en regard :

    Jadis le grand Moïse et le brûlant Elie
    L’ont par leur exemple honoré ;
    Mais le Christ, qui la loi vieille à la nouvelle allie,
    Le gardant, l’a rendu sacré.

    Moïse et Elie, ils seront encore là dimanche prochain, en tant que personnification de la Loi et des prophètes (l’intégralité de l’ancienne Alliance) authentifiant la mission du Christ, au cours de la Transfiguration.

    Quatre fois dans l’évangile de saint Matthieu, Jésus se référera à « la Loi et les prophètes » pour montrer qu’il vient accomplir l’ancien Testament. Une fois dans saint Luc, puis quatre fois il dit « Moïse et les prophètes » - ou bien saint Luc traduit « Loi » par « Moïse » pour que ce soit plus compréhensible à un public non juif.

    L’évangile de ce jour est plutôt centré sur le nombre 3 que le nombre 40. Jésus évoque le « signe de Jonas » qui est le « typus Dominicæ passionis », comme dit saint Ambroise : la figure de la Passion du Seigneur, resté sous terre trois jours comme Jonas est resté trois jours dans le poisson.

    Il n’en demeure pas moins que la quarantaine est encore là. Car si l’on se reporte au livre de Jonas, on voit que l’essentiel, et même la totalité, de la prédication de Jonas est : « Encore 40 jours et Ninive sera détruite. » Et les Ninivites jeûnent pendant ces 40 jours, et Ninive est sauvée…

    (N.B. - Chez les bénédictins, la fête de saint Grégoire le Grand l'emporte de justesse sur la férie de carême. Une grande fête parce que saint Grégoire était moine et abbé bénédictin avant de devenir pape. Il est le père de la liturgie "grégorienne" et du chant "grégorien", et l'un des grands docteur de l'Eglise: il faut lire au moins ses homélies sur l'Evangile, aussi simples - y compris sur le plan de la langue latine - que profondes.)

  • Mardi de la première semaine de carême

    Jésus chasse « tous ceux qui vendaient et achetaient dans le temple » et il « renverse les tables des changeurs et les sièges de ceux qui vendaient des colombes » (Matthieu 21, 10-17).

    L’épisode est raconté par les quatre évangélistes. Saint Luc ne cite aucun animal. Saint Matthieu et saint Marc citent uniquement les colombes. Saint Jean cite les colombes, les bœufs et les brebis. Mais c’est aux marchands de colombes qu’il s’adresse quand il dit : « Ne faites pas de la maison de mon père une maison de commerce. » Saint Bède, dans la lecture des matines, souligne que la colombe est l’image du Saint-Esprit, et que les colombes signifient les charismes du Saint-Esprit : « Or, dans le Temple de Dieu aujourd’hui, qui vend des colombes sinon ceux qui dans l’Eglise reçoivent de l’argent pour l’imposition des mains ? Par cette imposition, en effet, le Saint-Esprit est donné d’en haut. »

    C’est la simonie, dont on jugerait à tort qu’elle n’existe plus (cf. par exemple le copyright des évêques sur leur très mauvaise traduction soi-disant liturgique de la parole de Dieu).

    Si saint Matthieu ne cite que les colombes, il fait néanmoins allusion aux autres animaux du sacrifice, par l’intermédiaire du psaume 8. Jésus en effet cite le psaume 8 pour justifier que les enfants l’acclament comme le fils de David : « De la bouche des enfants et des nourrissons tu as parfait la louange ». L’épître aux Hébreux cite un autre verset de ce même psaume pour souligner que ce psaume parle bien du Christ, auquel tout est soumis sur la terre. Le psaume précise : les moutons et les bœufs, toutes les bêtes des champs, les oiseaux et les poissons. Or le psaume suivant qui évoque les bœufs est le 49e, et c’est le psaume où Dieu dit qu’il ne veut pas de sacrifices d’animaux, parce que tout ce qui est sur la terre est à lui et qu’il ne mange pas de la chair de taureau et ne boit pas du sang de bouc. Mais qu’il faut immoler à Dieu un sacrifice de louange. C’est la prophétie de ce psaume, la demande même de Dieu, que le Christ réalise dans le temple quand il chasse les marchands d’animaux. Le seul sacrifice doit être le sacrifice de louange, la seule louange digne de Dieu : le sacrifice du Fils de Dieu.

    C’est pourquoi dans l’évangile de saint Jean, les Juifs demandent à Jésus quel est le signe qu’il accomplit (à la façon des prophètes d’autrefois), et il leur répond : Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. « Il parlait du temple de son Corps. »

  • Lundi de la première semaine de carême

    La messe de ce jour est la messe du bon pasteur du début du carême, comme il y a une messe du bon pasteur au début du temps pascal, et deux messes du bon pasteur au début du temps après la Pentecôte.

    Dans l’évangile, le Fils de l’homme vient dans sa gloire, et il sépare les brebis d’avec les boucs. Les brebis, ce sont les fidèles qui ont été charitables… avec Jésus, c’est-à-dire avec ses membres souffrants. Car l’Eglise est le corps du Christ. « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » De même dit-il aux « boucs » : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » C’est aussi ce qu’entendra saint Paul : « Je suis Jésus que tu persécutes. » En persécutant les chrétiens, Saul persécutait le Christ en son corps qu’est l’Eglise.

    Ainsi la si émouvante lecture d’Ezéchiel est-elle un parallèle de la fin de cet évangile : Jésus dit qu’il ira chercher ses brebis, qu’il les rassemblera, qu’il les fera paître dans de bons pâturages et les fera reposer dans un bon bercail…

    Les antiennes du Benedictus et du Magnificat résument tout cela :

    Veníte, benedícti Patris mei, percípite regnum, quod vobis parátum est ab orígine mundi.

    Venez, les bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé depuis la création du monde.

    Quod uni ex mínimis meis fecístis, mihi fecístis, dicit Dóminus.

    Ce que vous avez fait à chacun des plus petits des miens, c’est à moi que vous l’avez fait, dit le Seigneur.

  • Premier dimanche de carême

    Alors Jésus fut emmené par l’Esprit dans le désert, pour être tenté par le diable. Dans la deuxième tentation, le diable cite le psaume 90 : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet ; Et ils te porteront sur les mains, De peur que ton pied ne heurte contre une pierre. » Quoniam angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis. In manibus portabunt te, ne forte offendas ad lapidem pedem tuum. Et une fois le diable vaincu, « des anges vinrent auprès de Jésus, et le servaient ».

    Le psaume 90 est la source unique de tous les chants de la messe de ce premier dimanche de carême, et il est même presque entier dans le trait. « Nous le répéterons à l’introït, au graduel, à l’offertoire et à la communion, comme pour faire acte de protestation et de réparation pour la suggestion téméraire. D’autre part, le psaume 90 exprime si bien les sentiments de l’âme qui revient à Dieu par la pénitence et met en lui toute sa confiance, que l’Église en a fait comme le chant quadragésimal par excellence », dit le bienheureux cardinal Schuster. Plusieurs de ses versets rythmeront en effet toutes les heures de l’office du carême.

    « C’est notre char de combat pendant tout le temps de Carême, ajoute Pius Parsch. Le psaume décrit le champ de bataille horrible ; des milliers tombent à droite et à gauche (cadent a latere tuo mille, et decem millia a dextris tuis), les flèches sifflent (sagitta volante) ; il faut marcher sur des aspics et des dragons (super aspidem et basiliscum ambulabis). Néanmoins, la troupe des héros ne craint rien : elle est enveloppée des ailes de Dieu (scapulis suis obumbrabit tibi, et sub pennis ejus sperabis) et les anges la gardent sur son chemin (angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis). Son épée est la confiance en Dieu (Dicet Domino : Susceptor meus es tu, et refugium meum ; Deus meus, sperabo in eum (…) Quoniam in me speravit, liberabo eum…). »

    Pendant le carême, l’Eglise voit en effet les chrétiens comme « une immense armée qui combat jour et nuit contre l’ennemi de Dieu », dit dom Guéranger. « En effet, pour obtenir cette régénération qui nous rendra dignes de retrouver les saintes allégresses de l’Alléluia, il nous faut avoir triomphé de nos trois ennemis : le démon, la chair et le monde. Unis au Rédempteur, qui lutte sur la montagne contre la triple tentation et contre Satan lui-même, il nous faut être armés et veiller sans cesse. Afin de nous soutenir par l’espérance de la victoire et pour animer notre confiance dans le secours divin, l’Église nous propose le Psaume quatre-vingt-dixième (…). Elle veut donc que nous comptions sur la protection que Dieu étend sur nous comme un bouclier (scuto circumdabit te veritas ejus) ; que nous espérions à l’ombre de ses ailes (et sub pennis ejus sperabis), que nous ayons confiance en lui, parce qu’il nous retirera des filets du chasseur infernal (ipse liberavit me de laqueo venantium) qui nous avait ravi la sainte liberté des enfants de Dieu ; que nous soyons assurés du secours des saints Anges, nos frères, auxquels le Seigneur a donné ordre de nous garder dans toutes nos voies (Angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis), et qui, témoins respectueux du combat que le Sauveur soutint contre Satan, s’approchèrent de lui, après la victoire, pour le servir et lui rendre leurs hommages. Entrons dans les sentiments que veut nous inspirer la sainte Église, et durant ces jours de combat, recourons souvent à ce beau cantique qu’elle nous signale comme l’expression la plus complète des sentiments dont doivent être animés, dans le cours de cette sainte campagne, les soldats de la milice chrétienne. »

  • Samedi après les Cendres

    La barque de la sainte Église est lancée sur la mer ; la traversée durera quarante jours. Les disciples du Christ rament à l’encontre du vent, et déjà l’inquiétude s’empare d’eux ; ils craignent de ne pas arriver au port. Mais Jésus vient à eux sur les flots ; il monte avec eux dans la barque ; leur navigation sera désormais heureuse. Les anciens interprètes de la Liturgie nous expliquent ainsi l’intention de l’Église dans le choix de ce passage du saint Évangile pour aujourd’hui. Quarante jours de pénitence sont bien peu de chose pour toute une vie qui n’a pas appartenu à Dieu ; mais quarante jours de pénitence pèseraient à notre lâcheté, si le Sauveur lui-même ne venait les passer avec nous. Rassurons-nous : c’est lui-même. Durant cette période salutaire, il prie avec nous, il jeûne avec nous, il exerce avec nous les œuvres de la miséricorde. N’a-t-il pas inauguré lui-même la Quarantaine des expiations ? Considérons-le, et prenons courage. Si nous sentons encore de la faiblesse, approchons de lui, comme ces malades dont il vient de nous être parlé. Le contact de ses vêtements suffisait à rendre la santé à ceux qui l’avaient perdue ; allons à lui dans son Sacrement, et la vie divine dont le germe est déjà en nous se développera de plus en plus, et l’énergie qui commençait à faiblir en nos cœurs se relèvera toujours croissante.

    Dom Guéranger

  • Vendredi après les Cendres

    Nous nous rendons, aujourd’hui, en pèlerinage dans la basilique de deux saints bienfaiteurs des pauvres, saint Jean et saint Paul. Cette église était précédemment une diaconie (maison des pauvres au sens chrétien). A l’origine, c’était la maison privée des deux saints frères, par conséquent un lieu de miséricorde et de charité. Les deux martyrs sont très honorés à Rome ; le bréviaire les appelle « les hommes de miséricorde, deux oliviers et deux candélabres brillants devant le Seigneur ». Ils partagèrent eux-mêmes leurs biens entre les pauvres, « afin de pouvoir entreprendre plus aisément le voyage de l’éternité. » Il convenait donc que les lectures de la messe traitent de l’aumône. L’aumône, en effet, est un des trois exercices principaux du Carême. Le jeûne et l’aumône se complètent. Faisons donc régulièrement, pendant le Carême, notre offrande de Carême, si petite soit-elle. Mais l’Église, qui entreprend notre renouvellement spirituel, nous explique immédiatement quel doit être « l’esprit de l’aumône ». L’aumône n’est, pour ainsi dire, que le fruit de l’arbre ; l’arbre c’est l’amour du prochain. Nous nous rappelons que, le dimanche de la Quinquagésime, l’Église nous a prêché l’Épître de la charité. Elle voulait nous faire comprendre que le centre vital du travail de Carême c’est la charité, la divine charité qui supporte tout, qui fait abnégation de soi-même et qui ne cessera jamais.

    Dom Pius Parsch

  • Jeudi après les Cendres

    La liturgie de ce jour est une « galerie de héros », nous dit dom Pius Parsch :

    Le premier héros est le chevalier saint Georges, dans l’église duquel a lieu l’office de station. (…) Le texte de la messe s’inspire entièrement de la station. Au point central, se tient le chevalier saint Georges, le vainqueur du dragon. C’est un magnifique symbole du travail du Carême : le Christ s’avance au combat contre les ténèbres, il lui faut combattre le dragon infernal et il doit lui écraser la tête. C’est aussi le devoir du Christ mystique de l’Église. Les catéchumènes, les pénitents, les fidèles doivent combattre le dragon. C’est mon devoir à moi aussi, c’est mon travail de Carême ; je dois conquérir un peu de terre sainte en l’arrachant à la terre ennemie. Puissions-nous nous rappeler souvent que nous sommes les soldats de Dieu. Aujourd’hui, nous combattons sous les drapeaux et sous la conduite du chevalier saint Georges.

    Le second héros est le roi Ézéchias, un des meilleurs rois juifs. (…) Nous devons, nous aussi, pleurer sur la santé perdue de notre âme et implorer la guérison. La victoire d’Ézéchias est une victoire de la prière. Il nous indique, comme arme spéciale, la prière. Or, durant le temps de Carême, nous devons faire usage de cette arme avec ardeur et persévérance.

    Le troisième héros est le centurion de Capharnaüm. (…) Sa victoire est une victoire de l’humilité. Il a véritablement « rejeté sur le Seigneur le souci » de son serviteur et il a été exaucé. Or que veut nous enseigner la liturgie ? Ce que le centurion a fait pour son serviteur, faisons-le pour notre âme. (…)

    Le quatrième héros est le Roi de tous les héros, le Christ. Pendant le Carême, nous nous armons pour prendre part à sa grande victoire pascale ; aussi nous assistons chaque jour au Saint-Sacrifice qui est la représentation de son combat héroïque sur le Golgotha. Sa victoire renferme celle dès trois héros ; bien plus, dans sa victoire, se trouve compris aussi le combat de Carême de toute l’Église et de tous les chrétiens. Unissons-nous à lui et puisons, dans le prix de sa victoire, le courage et la force.