Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liturgie - Page 164

  • Sainte Hildegarde

    O rubor sanguinis, qui de excelso illo fluxisti, quod divinitas tetigit, tu flos es quem hiems de flatu serpentis numquam lesit.

    O pourpre de sang, qui t'écoules de cette hauteur que la divinité a touchée, tu es une fleur que l’hiver par le souffle du serpent n’a jamais blessée.

    Antienne de Magnificat pour la fête de sainte Ursule et des dix mille vierges martyres. Interprétation du groupe Sequentia, en l’occurrence Barbara Thornton.

    La poésie de sainte Hildegarde est toujours mystérieuse, c’est-à-dire qu’elle s’inscrit en profondeur dans le mystère chrétien. On pourrait écrire un livre entier pour commenter ces quelques mots. Disons seulement qu’il y a là des allusions notamment à un répons de la liturgie des martyres (Veni sponsa Christi, accipe coronam quam tibi Dominus praeparavit in aeternum, pro cujus amore sanguinem tuum fudisti, et cum angelis in paradisum introisti : pour l’amour du Christ tu as versé ton sang et tu es entrée au paradis), mais aussi au sang qui s’écoule du Cœur du Christ en croix de par la volonté du Père, au serpent du paradis devenu impuissant, au Cantique des cantiques où l’Epoux demande à l’Epouse de sortir parce que l’hiver est fini (l’hiver que faisait souffler le serpent) et que les fleurs sont écloses, les fleurs de sang des martyres…

  • A Saint-Germain-en-Laye

    Suite du feuilleton de la messe traditionnelle qu’on refuse aux fidèles de Saint-Germain-en-Laye :

    — Cher Germain racontez-nous ce qui s’est déroulé dimanche dernier, le 13 septembre, à la chapelle de l’ancien hôpital de Saint-Germain-en Laye ?

    — Rien de très extraordinaire… Une trentaine de familles sont venues y prier dans la Paix et la sérénité et ont pu assister à une belle et simple messe traditionnelle célébrée par un prêtre ami.

    Lire la suite sur Paix Liturgique. On goûtera l’ironie douce amère de toute « l’interview ». C’est très joliment écrit et sans fausse note. On imagine la rage qui a dû ravager l’évêché…

  • Saints Corneille et Cyprien

    Lorsque le calendrier liturgique fête deux saints, c’est soit qu’ils étaient proches et sont morts martyrs en même temps, soit qu’ils sont tout simplement les deux premiers sur la liste du martyrologe. Pour ce qui est de Corneille et de Cyprien ce n’est ni l’un ni l’autre. Le pape et l’évêque de Carthage étaient contemporains, mais ils ne se sont jamais rencontrés, et ils sont morts à cinq ans d’intervalle. Toutefois ils étaient en constante relation. La papauté de Corneille étant contestée, Cyprien convoqua un synode, fit faire une enquête et montra que Corneille était le pape légitime et était innocent de ce dont l’accusait celui qui s’était fait pape à sa place. Puis il mit sa grande influence de primat d’Afrique, en quelque sorte, au service du pape. Les deux hommes échangèrent des lettres qui sont émouvantes quand elles évoquent le martyre imminent.

    Ce qui est peu banal dans le martyrologe de ce jour est qu’on y trouve deux autres papes. L’un est saint Martin Ier :

    « Ayant assemblé à Rome un concile où il condamna les hérétiques Sergius, Paul et Pyrrhus, il fut saisi par ruse, sur l'ordre de l'empereur hérétique Constant, conduit à Constantinople et relégué dans la Chersonèse ; épuisé par les peines qu'il avait endurées pour la Foi Catholique, il y finit ses jours et devint illustre par ses nombreux miracles. Son corps fut, dans la suite, porté à Rome, et placé dans l'église des saints Silvestre et Martin. »

    Ce saint Martin pape, mort un 16 septembre, a sa fête le 12 novembre, qui était d’abord la fête de saint Martin… de Tours.

    L’autre est Victor III, mort le 16 septembre 1087, inscrit au martyrologe par… Léon XIII, alors qu’il bénéficiait d’un culte déjà 60 ans après sa mort, particulièrement au Mont Cassin. En réalité Victor III fut d’abord un des grands abbés du Mont Cassin, sous le nom de Desiderius. Abbé de 200 moines, il construisit la basilique, consacrée par le pape Alexandre II dont il fut le légat pour une grande partie de l’Italie, avec pleins pouvoirs pour nommer évêques et abbés. Puis il fut conseiller et diplomate de saint Grégoire VII, et à la mort de celui-ci il fut élu pape, contre son gré. Il résista tellement que finalement on le kidnappa dans l’église où il s’était réfugié, on le revêtit des ornements pontificaux et on lui donna le nom de Victor. Mais Rome était aux mains d’un antipape soutenu par l’empereur. Ce n’est qu’un an plus tard qu’il put entrer dans la Ville et être intronisé. Une semaine plus tard il retournait au Mont Cassin. Puis il revint pendant un mois, jusqu’à ce que revienne à son tour l’antipape. Le 5 août 1087, alors qu’il présidait un concile destiné à renouveler l’excommunication de l’antipape, à condamner des hérétiques et les investitures laïques, une armée constituée par les grandes villes marchandes, sous la bannière de saint Pierre, prit la ville de Madhia en Tunisie, détruisit les installations des pirates et libéra les prisonniers chrétiens. Certains historiens font de cette expédition le début des croisades. Intronisé le 24 mai 1086, Victor III mourut au Mont Cassin le 16 septembre 1087. Selon l’historien Orderic Vital, il tomba malade en devenant pape, au point que « c’est à peine s’il put terminer une seule messe ».

    Le martyrologe dit :

    « Au Mont Cassin, le bienheureux pape Victor III, successeur de saint Grégoire VII. Il illustra d'un nouvel éclat le siège apostolique et, avec le secours divin, obtint un magnifique triomphe sur les Sarrasins. Le souverain pontife Léon XIII a approuvé et confirmé le culte qu'on lui rendait de temps immémorial. »

    C’est cet « insignem de Saracenis triumphum » qui m’a incité à aller voir de plus près.

    C’est aussi le jour du martyre de sainte Cécile, dont la fête fut fixée au 22 novembre.

  • Les 7 douleurs de la Sainte Vierge

    Screenshot_2020-09-14 e-codices – Virtual Manuscript Library of Switzerland.png

    (Saint-Gall, codex 388, XIIe siècle)

    D’abord il y eut ici et là une dévotion aux cinq joies de la Sainte Vierge, correspondant aux cinq Gaude (réjouis-toi) d’une antienne manifestement inspirée de l’Acathiste (et qui fut aussi un trope d’introït) :

    Gaude, Dei genitrix virgo immaculata,
    Gaude, quae gaudium ab angelo suscepisti;
    Gaude, quae genuisti aeterni luminis claritatem;
    gaude mater, gaude sancta Dei genitrix virgo;
    tu sola mater innupta, te laudat omnis factura genitricem lucis.
    (Sis pro nobis, quaesumus, perpetua interventrix).

    Réjouis-toi, mère de Dieu, vierge immaculée,
    Réjouis-toi, qui as reçu la joie de l’ange,
    Réjouis-toi, qui as engendré la clarté de la lumière éternelle,
    Réjouis-toi, mère, réjouis-toi, sainte vierge mère de Dieu,
    Toi seule mère inépousée, toute la création te loue, mère de la Lumière,
    (Intercède pour nous, nous te le demandons, perpétuellement).

    Puis il y aura sept joies, et les franciscains notamment en répandirent la dévotion avec leur « rosaire séraphique » ou « couronne des sept allégresses ». Puis on ira jusqu’à célébrer 15 joies. Ce dont témoigne la belle prière qu’il y avait dans le Livre d’Heures de René d’Anjou, reproduite ci-dessous.

    Puis les servites inventèrent une dévotion aux « sept douleurs », et Pie VII en fit une fête liturgique, tandis que les « sept joies » étaient tombée en disgrâce (même si l’on remarque la fondation d’une paroisse « Notre Dame des 7 Allégresses » - par des franciscains - à Trois-Rivières au Québec en 1911 – église fermée depuis 2018, tandis qu’une autre église de la ville a déjà été vendue aux musulmans…)

    Pourquoi y a-t-il une messe des Sept Douleurs, et pas de messe des Sept Joies ? Pourquoi toujours s’enfoncer dans le dolorisme au lieu de regarder le Ciel ? (Et a-t-on remarqué que deux des sept douleurs font partie des mystères... joyeux du Rosaire?)

    Voici la prière de René d'Anjou. Je me permets de moderniser l'orthographe pour que ce soit plus facile à lire.

    Douce dame de miséricorde, mère de pitié, fontaine de tous biens, qui portâtes Jésus-Christ 9 mois en vos précieux flancs et l'allaitâtes de vos douces mamelles, belle, Très douce dame, je vous crie merci, et vous prie que vous veuillez prier votre doux Fils qu'il me veuille enseigner, et me donne en telle manière vivre que je puisse venir à sa miséricorde et à vraie confession et repentance de tous les péchés que fis onques. Et ainsi, vous le prierez, belle, très douce dame; et je m'agenouillerai 15 fois devant votre bénie image en l'honneur et en remembrance des 15 joies que vous eûtes de votre cher Fils en terre. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes quant le saint ange Gabriel vous apporta la nouvelle que le Sauveur de tout le monde viendrait en vous.

    Douce dame, priez-le qu'il [veuille] venir en mon cœur spirituellement. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes quand vous allâtes à la montagne visiter sainte Elisabeth votre cousine; et elle vous dit que vous étiez bénie sur toutes femmes, et que le fruit de votre ventre était béni.

    Douce dame, priez-le qu'il me veuille rassasier. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes quand vous le sentîtes mouvoir en vos précieux flancs.

    Douce dame, priez-le qu'il veuille émouvoir mon cœur à l'aimer, connaître, servir et honorer. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes quand il naquit de vous au jour de Noël.

    Douce dame, priez-le qu'il m'octroie sa bénie nativité à ma rédemption. Amen. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes quand les pasteurs trouvèrent vous et votre doux Fils.

    Douce dame, priez-le que je (le) puisse trouver en toutes mes tribulations. Amen. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes quand les trois rois vinrent offrir à votre doux Fils or, myrrhe et encens, et il les reçut.

    Douce dame, priez-le qu'il veuille recevoir mon oraison. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes quand vous l'offrîtes au temple, et saint Syméon le reçut entre ses bras.

    Douce dame, priez-le qu'il veuille recevoir mon âme quand elle partira de mon corps. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes quand vous eûtes perdu votre cher Fils et vous le retrouvâtes entre les Juifs en Jérusalem.

    Douce dame, priez-le que si je l'ai par mes défauts perdu et par mes péchés, que je le puisse retrouver par vos saints mérites et requêtes. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes quand vous fûtes semoncée aux noces archetriclin là où votre cher Fils mua l'eau en vin.

    Douce dame, priez-le qu'il veuille muer la mauvaiseté de mon cœur en faisant bonnes œuvres. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes quand votre Fils Jésus-Christ reput cinq mille hommes de cinq pains d'orge et de 2 poissons.

    Douce dame, priez-le qu'il veuille mes cinq sens gouverner. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie et amère compassion quand vostre doux Fils Jésus-Christ souffrit mort et passion en la Croix pour nous.

    Douce dame, priez-le que la mort qu'il souffrit me veuille délivrer de mort d'enfer. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes au jour de Pâques, quand votre doux Fils ressuscita de mort à vie.

    Douce dame: priez-le que je puisse en telle manière ressusciter au tremblable jour du jugement que je le puisse voir au salut de mon âme. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes au jour de l'Ascension, quand votre doux Fils monta au cieux.

    Douce dame, priez-le que je traîne après lui mon cœur et toutes mes pensées. Ave Maria.

    Très douce dame, pour cette grande joie que vous eûtes au jour de votre Assomption quand votre doux Fils vous emporta aux cieux et vous couronna à sa droite.

    Douce dame, priez-le pour moi et pour tous pécheurs et toutes péchereses que Dieu leur donne grâce de sortir de leurs péchés et d'amender leurs vies. Et pour les trépassés, qu'ils aient merci et pardon de leurs péchés. Amen. Ave Maria.

  • Exaltation de la Sainte Croix

    Dans la liturgie byzantine, à la fête de l’« Exaltation universelle de la vénérable et vivifiante Croix », comme au 3e dimanche de Carême qui est le dimanche de l’adoration de la Croix, le Trisagion est remplacé par le tropaire d’adoration de la Croix, chanté de la même façon (trois fois, puis doxologie, puis reprise de la seconde partie, puis reprise générale après l'appel du prêtre à chanter fort) - j'ajoute une transcription phonétique approximative du grec :

    Τὸν Σταυρόν σου προσκυνοῦμεν Δέσποτα, καὶ τὴν ἁγίαν σου Ἀνάστασιν δοξάζομεν.

    (Tone Stavrone sou proskynoumène, Despota, kai tineayian sou Anastasine doxazomène.)

    Nous adorons ta croix, Maître, nous glorifions ta sainte résurrection. (3 fois)

    Δόξα Πατρὶ καὶ Υἱῷ καὶ Ἁγίῳ Πνεύματι, καὶ νῦν καὶ ἀεὶ καὶ εἰς τοὺς αἰῶνας τῶν αἰώνων. Ἀμὴν.

    (Doxa Patri kai Yio kai Ayio Pnèvmati, kai nyne kai aï kai is tous aionas tone aionone, amine.)

    Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles, amen.

    καὶ τὴν ἁγίαν σου Ἀνάστασιν δοξάζομεν.

    (kai tine ayian sou Anastasine doxazomène.)

    Δύναμις.

    (Dynamis !)

    Plus fort !

    Τὸν Σταυρόν σου προσκυνοῦμεν Δέσποτα, καὶ τὴν ἁγίαν σου Ἀνάστασιν δοξάζομεν.

    (Tone Stavrone sou proskynoumène, Despota, kai ayian sou Anastasine doxazomène.)

    Voici ce « Trisagion » particulier chanté à Mezzojuso (Sicile), 17 mai dernier, qui était dans cette paroisse de l’Eglise italo-albanaise la grande fête du Très Saint Crucifix. La mélodie est celle qui est la plus courante dans les paroisses byzantines de Sicile. Mais on remarquera que lorsque le prêtre reprend « καὶ τὴν ἁγίαν », à 1’53”, il utilise une autre mélodie, spécifique de Piana degli Albanesi.

    Le prêtre est le curé de la paroisse Saint Nicolas de Mezzojuso. Il s'appelle Caruso (Papàs Gjergji Caruso) et il chante admirablement. Voir par exemple ce chant du Vendredi Saint.

    *

    Dans la liturgie byzantine, à la fin des matines du 14 septembre a lieu l'adoration de la croix avec le chant de 500 Kyrie eleison, avec à chaque centaine la bénédiction d'un des quatre points cardinaux. En voici un aperçu à Palazzo Adriano (Sicile) l'an dernier:

  • 15e dimanche après la Pentecôte

    Exspéctans exspectávi Dóminum, et respéxit me : et exaudívit deprecatiónem meam : et immísit in os meum cánticum novum, hymnum Deo nostro.

    Attendant j’ai attendu le Seigneur, et il a jeté un regard vers moi ; il a exaucé ma supplication. Il a mis sur mes lèvres un cantique nouveau, un hymne à notre Dieu.

    chant_img-1.png

     

    L’antienne d’offertoire de ce dimanche est cataloguée comme du 5e mode parce qu’elle se termine sur un fa, mais en réalité elle est presque entièrement du 2e mode, et de façon très claire, puisque la mélodie est ancrée sur la dominante et sur la tonique une tierce mineure plus bas. Elle est seulement transposée du ré au la à cause de la finale en 5e mode. Si la partition était écrite comme doit être écrit le 2e mode, la mélodie se terminerait par un si bémol. Ce qui correspond bien à l’étrangeté de la finale : on plonge dans un autre mode, pour une grande révérence à Dieu, à notre Dieu, qui m’a regardé, a exaucé ma prière, et a envoyé un chant nouveau dans ma bouche… Chant nouveau ? On change de mode…

    Au moyen âge cette antienne était accompagnée de longs versets. On les trouvera ici. Ces versets sont principalement en 2e mode, mais oscillent entre le 2e et le 5e. Le deuxième verset paraît vouloir s’installer en 5e mode, mais à ce moment-là la mélodie bondit jusqu’au sol supérieur pour souligner le mot ecclesia et se termine en 2e mode…

  • Le Saint Nom de Marie

    Avant la grande destruction postconciliaire, les carmélites tiraient au sort un feuillet portant le nom d'un saint patron protecteur pour le mois. On y voyait une image du saint, et au-dessous une « pensée », une « pratique », et une prière au saint. Au verso il y avait l’histoire du saint, et la leçon que le chrétien doit en tirer. Le feuillet du 15 septembre (sic, au carmel de Lisieux du temps de sainte Thérèse) était celui du Saint Nom de Marie. Au verso on lisait ceci :

    En 1683, les Turcs, poussant toujours leurs projets d'envahissement, s'étaient avancés jusque sous les murs de Vienne. A la vue d'une armée de cent cinquante mille hommes, la consternation se répandit dans la ville, et l'empereur Léopold 1er s'enfuit avec toute sa cour. Malgré la vigoureuse défense que faisaient les assiégés, il ne fallut rien moins qu'une suite de miracles pour les sauver d'une perte inévitable. Le ciel les accorda aux prières de Marie. Le jour de sa glorieuse assomption, comme on l'invoquait avec ardeur, le feu, qui avait déjà fait de grands ravages, allait gagner l'arsenal et ouvrir les remparts à l'ennemi, lorsque les flammes s'arrêtèrent tout à coup et laissèrent le temps d'enlever les poudres. Cependant Sobieski, roi de Pologne, arrivait avec une troupe d'élite, et, ayant joint les autres auxiliaires, dans l’octave de la Nativité, il prit ses mesures pour livrer une bataille générale. Ce prince religieux commença par faire célébrer la messe, à laquelle il assista, les bras étendus en croix, et fit la sainte communion ; puis il s'écria : Marchons avec confiance sous la protection du ciel et l'assistance de la sainte Vierge. Son espoir ne fut pas trompé : les Turcs, frappés d'une terreur panique, prirent la fuite dans le plus grand désordre. On trouva parmi les dépouilles le grand étendard de Mahomet, qui fut envoyé au pape Innocent XI, lequel, en mémoire de ce grand événement, institua la fête du saint Nom de Marie.

    Grandeurs du nom de Marie. 1°. Ce qu'il y a de merveilleux dans le nom de Marie, c'est que, l'ayant entendu mille et mille fois, on le trouve toujours nouveau ; 2° c'est qu'après le nom de Jésus on n'entend prononcer nulle part, sur la terre et dans le ciel, un nom dont les âmes pieuses reçoivent plus de grâces, d'espérance et de douceur. 3° Ceux qui conservent ce nom plein de charmes et de consolation profondément gravé dans leur cœur, ne peuvent avoir aucune crainte au moment de la mort, dit saint Bernard.

    Cette fête fut bannie du nouveau calendrier, pour cause évidente d’islamophobie et d’atteinte à la fraternité universelle. Mais quand le Polonais Jean-Paul II devint pape, il la rétablit discrètement. Comme « mémoire ad libitum ». Et il la fit donc revenir aussi dans le martyrologe. Mais dans une version qui ne puisse pas blesser le religieusement correct d'aujourd'hui :

    Mémoire du saint Nom de Marie. Le Seigneur Dieu l’a bénie entre toutes les femmes et a exalté si haut son nom que sa louange ne s’effacera jamais de la bouche des fidèles.

    Le martyrologe romain traditionnel dit ceci :

    Fête du très saint Nom de la bienheureuse Marie, que le Souverain Pontife Innocent XI ordonna de célébrer, en raison de la victoire insigne qui lui avait été rapportée, sur les Turcs, à Vienne, grâce à la protection de cette même Vierge.

    Festum sanctíssimi Nóminis beátæ Maríæ, quod Innocéntius Undécimus, Póntifex Máximus, ob insígnem victóriam de Turcis, ipsíus Vírginis præsídio, Vindobónæ in Austria reportátam, celebrári jussit.

    On notera que Benoît XVI, redonnant pleine légalité à la forme antique du rite romain, a redonné pleine légalité également au Martyrologe romain qui était en vigueur en 1960.

    Et l’on ne se lasse pas s’émerveiller du message de Sobieski à Innocent XI : « Venimus, vidimus, Deus vicit. » Contrairement à César, il ne dit pas « je », mais « nous », et ce n’est pas nous qui avons remporté la victoire, mais Dieu.

  • Saints Prote et Hyacinthe

    Le tombeau de ces martyrs fut découvert le Vendredi Saint 1845, et « la découverte des ossements calcinés d'Hyacinthe en sa tombe primitive vint faire époque dans l'histoire des cimetières souterrains et de l'archéologie chrétienne », comme dit L’Année liturgique. Les reliques de saint Prote avaient été portées à Rome au VIIIe ou au IXe siècle, mais on découvrit aussi sa pierre tombale, et la raison pour laquelle les reliques de saint Hyacinthe étaient restées sur place. Voir ici.

    Screenshot_2020-09-10 1080014599_44 pdf.png

    Les oraisons propres de la messe viennent du Missel de Braga, ce qui n’est pas banal.

    Ci-dessous l’histoire rocambolesque de Prote et Hyacinthe dans La Légende dorée. On remarquera que le récit est curieusement presque entièrement consacré à Eugénie et non aux deux frères. Le bréviaire est beaucoup plus sobre :

    Les deux frères Prote et Hyacinthe, eunuques de la bienheureuse Vierge Eugénie furent baptisés en même temps qu’elle par l’Évêque Hélénus. S’étant adonnés à l’étude des saintes lettres, ils menèrent durant quelque temps, dans un monastère d’Egypte, une vie merveilleusement humble et sainte. Dans la suite, sous le règne de Gallien, ayant accompagné la pieuse vierge Eugénie à Rome, ils furent arrêtés parce qu’ils faisaient profession de la foi chrétienne. Comme on ne put obtenir d’eux, par aucun moyen, qu’ils abandonnassent la religion chrétienne et qu’ils adorassent les faux dieux, ils furent cruellement flagellés et tombèrent sous les coups de la hache, le trois des ides de septembre.

     

    *

    Prote et Hyacinthe furent, en raison de leur illustre noblesse chez les Romains, attachés à la maison de la fille de Philippe, nommée Eugénie, et ses émules dans l’étude de la philosophie. Le sénat avait confié à ce Philippe la préfecture d'Alexandrie où il conduisit avec lui Claudia, sa femme, Avitus et Sergius, ses fils, et Eugénie, sa fille. Or, Eugénie avait atteint la perfection dans la science des lettres et des arts libéraux ; Prote et Hyacinthe, qui avaient étudié avec elle, possédaient aussi toutes les sciences dans le plus haut degré. Parvenue à l’âge de quinze ans Eugénie fut demandée en mariage par Aquilin, fils du consul Aquilin. Eugénie lui dit : « Quand on doit faire choix d'un mari, il faut moins s'attacher à la naissance qu'à la bonne conduite. » Les livres qui renferment la doctrine de saint Paul lui étant tombés entre les mains, elle commença à devenir chrétienne au fond du cœur.

    II était à cette époque permis aux chrétiens d'habiter dans les environs d'Alexandrie, et il arriva que Eugénie, allant à une maison de campagne comme pour se délasser, entendit les chrétiens qui chantaient : « Omnes dii gentium daemonia, Dominus autem caelos fecit (Ps. XCV). Tous les dieux des nations sont des démons, mais le Seigneur est le créateur des cieux. » Alors elle dit aux jeunes Prote et Hyacinthe qui avaient étudié avec elle : « Nous nous sommes livrés à une étude scrupuleuse des syllogismes des philosophes, mais les arguments d'Aristote, les idées de Platon, les avis de Socrate, en un mot, les chants des poètes, les maximes des orateurs et des philosophes sont effacés par cette sentence ; je ne dois qu'à une puissance usurpée le titre de votre maîtresse, mais la science m’a faite votre sœur, soyons donc frères et suivons J.-C. »

    Lire la suite

  • Saint Nicolas de Tolentino

    Admis dans la famille religieuse des Ermites de Saint-Augustin au moment où elle se groupait et se constituait sous la direction du Vicaire du Christ, Nicolas mérita d'en être le thaumaturge. Quand il mourut, en 1305, l'exil d'Avignon commençait pour les Pontifes romains ; sa canonisation, retardée près d'un siècle et demi par les troubles de ces temps, marqua la fin des lamentables dissensions qui suivirent l'exil.

    La paix perdue depuis tant d'années, la paix dont désespéraient les plus sages : c'était l'ardente prière, la solennelle adjuration d'Eugène IV, lorsque, au soir d'un laborieux pontificat, il confiait la cause de l'Eglise à l'humble serviteur de Dieu placé par lui sur les autels. Ce fut, au témoignage de Sixte Quint, le plus grand des miracles de saint Nicolas ; miracle qui porta ce dernier Pontife à ordonner la célébration de sa fête sous le rit double, en un temps où pareil honneur était rare.

    L’Année liturgique

    720px-Polittico_di_San_Nicola_da_Tolentino.jpg

    Retable du double couronnement de saint Nicolas de Tolentino, de Vincenzo Civerchio, 1495 (Brescia), avec saint Sébastien et saint Roch.

  • Saint Gorgon

    Le martyrologe de ce jour commence par mentionner saint Dorothée et saint Gorgon, qui étaient de hauts personnages de la maison de Dioclétien, et convertirent tous les employés de l’empereur. Ils furent donc atrocement torturés et tués. Curieusement, Dorothée a disparu de cette commémoration, mais il est vrai qu’il avait disparu avant même la fin de la notice du martyrologe, qui n’évoque que les reliques de saint Gorgon, transférées de la voie Latine à Saint-Pierre de Rome. (Il y a un autre saint Dorothée, mais sans rapport avec celui-ci et postérieur : saint Dorothée de Gaza, père du désert.)

    Le culte de saint Gorgon est attesté depuis 336, soit une trentaine d’années après sa mort.

    Les oraisons de la messe sont des oraisons propres, et la postcommunion est particulièrement remarquable : le sacrement eucharistique y est appelé « suavité éternelle ».

    Sanctus tuus, Dómine, Gorgónius sua nos intercessióne lætíficet : et pia fáciat sollemnitáte gaudére.

    Seigneur, faites que votre saint Gorgon nous réjouisse par son intercession, et nous fasse goûter la joie de cette pieuse solennité.

    Grata tibi sit, Dómine, nostræ servitútis oblátio : pro qua sanctus Gorgónius Martyr intervéntor exsístat.

    Que vous soit agréable l’offrande de vos serviteurs, et que le saint Martyr Gorgon se montre notre intercesseur

    Famíliam tuam, Deus, suávitas ætérna contíngat et végetet : quæ in Mártyre tuo Gorgónio Christi, Fílii tui, bono júgiter odóre pascátur

    Que la suavité éternelle touche et nourrisse votre famille, ô Dieu, et que celle-ci soit embaumée de la bonne odeur du Christ, votre Fils, en la fête de votre martyr Gorgon.