Rétention de sûreté : c’est pour plus tard...
Il en va de la loi sur la rétention de sûreté comme de tout le reste de ce que fait Sarkozy : une grande annonce, une polémique, un débat parlementaire, une loi, un renforcement de la loi par des amendements qui provoquent une nouvelle polémique, et pour finir, à peu près rien.
Le Conseil constitutionnel a validé le principe de la création de centres d’enfermement à vie pour les criminels dangereux, mais il repousse l’application de la loi à la saint glin-glin, au terme d’un raisonnement particulièrement tordu.
D’abord il s’attache à définir que la rétention de sûreté n’est pas une peine, parce qu’elle n’est pas prononcée par la cour d’assises et n’a pas une finalité répressive. En conséquence, cette disposition ne viole par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme sur la non-rétroactivité des lois. Le gouvernement avait donc le droit d’introduire un amendement sur la rétroactivité et de le faire voter par le Parlement, ce qui fut fait de mauvais gré (les sénateurs avaient même supprimé l’amendement en commission). Mais, ajoute le Conseil constitutionnel, puisque la rétention de sûreté est une privation de liberté, renouvelable sans limite de durée, elle « ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l’objet d’une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement ». Bref, il n’y a pas de rétroactivité possible, et les alinéas de la loi qui la prévoyaient sont censurés. La loi ne peut s’appliquer qu’à partir de sa promulgation, ce qui veut dire qu’elle ne pourra pas être appliquée avant de très longues années, puisque par définition ses « bénéficiaires » sont des personnes qui vont être condamnées à de lourdes peines de prison.
Dans l’immédiat, le placement en centre de rétention ne pourra être décidé que si le condamné qui sort de prison viole les obligations auxquelles il est soumis dans le cadre de la surveillance de sûreté (bracelet électronique, injonction de soins...). En outre, le placement en centre de rétention n’est légitime que si « le condamné a pu, pendant l'exécution de sa peine, bénéficier de soins ou d'une prise en charge destinés à atténuer sa dangerosité mais que ceux-ci n'ont pu produire des résultats suffisants, en raison soit de l'état de l'intéressé soit de son refus de se soigner ». Or on sait ce qu’il en est des graves défaillances du système carcéral en ce domaine...
Comme le dit le secrétaire général de l’USM, le Conseil constitutionnel « a tellement encadré la mise en place immédiate de la rétention de sûreté qu’il a vidé le texte de sa substance ».
Tel est le résultat du délire idéologique qui conduit la politique pénale et dont le premier acte a été l’abolition de la peine de mort. Une fois la peine capitale abolie, toutes les autres peines sont dévaluées. Il n’y a plus de réclusion à perpétuité : la « perpétuité » veut dire trente ans, au maximum. Le Conseil constitutionnel était coincé entre les diktats de l’idéologie et la pression populaire et gouvernementale. Il n’a pas osé dire que la « rétention » était contraire à l’état de droit, ce qui est pourtant une évidence : un condamné doit être libre (même s’il peut rester éventuellement sous surveillance) une fois qu’il a purgé sa peine.
La solution était très simple, mais elle n’est pas politiquement correcte : c’est de garantir de véritables peines de réclusion à perpétuité (ce qui n’exclut pas les soins, etc.). La meilleure solution est celle des systèmes judiciaires où l’on peut prononcer plusieurs peines qui s’additionnent ou des peines indéfinies. A condition qu’elles soient appliquées, puisque même cela est désormais souvent inopérant (en Espagne, par exemple, deux des auteurs des attentats du 11 mars ont été condamnés à 40.000 ans de prison, mais la durée de la détention ne peut excéder 40 ans...).