Grand remue-ménage mondial après un article de UCANews disant que Asia Bibi désavoue son autobiographie et qu’elle est désormais accusée de poignarder dans le dos ceux qui l’ont aidée…
En effet elle désavoue sa soi-disant autobiographie :
« Je n’ai pas participé à sa rédaction. Je ne sais pas quand elle [Anne-Isabelle Tollet] l’a écrit, de qui est son histoire et qui l’a guidée pour le livre. Je ne suis absolument pas d’accord avec ce livre, car ce n’est pas mon autobiographie. »
Quiconque jette un œil sur le livre (« Enfin libre ! ») comprend immédiatement pourquoi. Il est évident que la vraie Asia Bibi, pauvre paysanne pakistanaise, ne s’exprime pas comme une bobo parisienne… Et il est aussi évident que ce livre est un roman « d’après une histoire vraie », comme on dit au cinéma.
Quant à poignarder dans le dos ceux qui l’ont aidée, c’est à cause de ce qui suit :
« Le livre dit que la loi m’a mis une corde autour du cou. La loi n’a pas fait cela. C’était un incident au village quand des gens allaient me tuer sans aucune raison. Elle a blâmé la loi mais je n’accepte rien contre la loi ou mon pays. Mon pays m’a libéré. (…) »
Puis vient la phrase qui est rapportée ainsi en français :
« La loi est bonne, mais les gens en font un mauvais usage. »
Telle qu’elle est rapportée par UCANews, ce n’est pas tout à fait la même chose :
« Absolutely, the law is good but people misuse it. »
Ce qui peut se traduire de diverses façons, dont celle-ci :
Dans l’absolu, la loi est bonne mais les gens l’utilisent de façon abusive.
Or dans un entretien à l’AED paru depuis lors, Asia Bibi parle précisément de la loi sur le blasphème que « certains groupes utilisent » et dont les minorités sont victimes. L’AED dit qu’il y a eu de mauvaises interprétations des propos d’Asia Bibi et que celle-ci en est désolée.
Il convient de faire quelques remarques.
Asia Bibi répondait aux questions de « VOA urdu » : Voice of America en ourdou. L’ourdou est langue officielle au Pakistan, et une grande majorité des habitants la comprennent. Néanmoins, c’est la langue maternelle de 8% seulement de la population. Il est plus que vraisemblable que la langue maternelle d’Asia Bibi soit le punjabi, et que par conséquent elle ne s’exprime pas en ourdou avec les nuances qu’un sujet aussi explosif nécessiterait. (Ce n’est pas pour rien que la seule langue officielle de la Justice pakistanaise est l’anglais – ce qui est fort pratique pour nous.) En outre ce que nous citons est une traduction anglaise du propos tenu en ourdou...
En Orient, comme c’était le cas en Occident avant la décadence, quelle que soit la religion, le blasphème est considéré comme un crime, qu’il est donc normal de punir. Il est donc normal qu’il y ait des lois sur le blasphème. Dans l’absolu, précise Asia Bibi. Mais au Pakistan elle est utilisée de façon abusive.
Contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, c’est exactement ce que l’on dit au Pakistan. En témoigne par exemple cette photo prise avant-hier à Karachi, lors d’une manifestation organisée par le « parti national chrétien » :
« Arrêtez l’usage abusif de la loi anti-blasphème ».
En réalité ce n’est pas seulement l’utilisation de la loi qui est à revoir, même si effectivement elle est essentiellement utilisée pour des vengeances et des accaparements de biens. La loi est à modifier, parce que c’est une loi islamiste et non une loi contre le blasphème. Caricaturalement islamiste, puisqu’on n’encourt pas la peine capitale pour blasphème envers Allah mais seulement pour blasphème envers Mahomet…
Contrairement à ce que croient les intellectuels de la décadence, personne en Orient (sauf les quelques décadents qui les prennent pour modèles) ne veut supprimer les lois contre le blasphème. Les chrétiens du Pakistan veulent des lois qui protègent les sentiments religieux, quelle que soit la religion, et non la caricature islamiste qu’ils ont. Et cela peut exister et fonctionner parfaitement, comme le montre l’exemple libanais. Au Liban il y a des lois qui punissent l’outrage envers les religions, l’outrage à un culte, l’incitation au mépris d’un culte, et il y a surtout une censure vigilante, efficace et admise par tous, qui interdit aux médias de proposer des contenus contraires aux bonnes mœurs ou portant atteinte au sentiment national ou religieux. On n’en parle pas, parce que cela ne pose aucun problème, et que c’est même un des rares consensus du pays…
Ce que Asia Bibi a voulu dire est que dans l’absolu une loi contre le blasphème est une bonne chose mais qu’elle doit être impartiale. Et elle a raison.
(Au fait, comment a-t-on pu imaginer une seconde qu’une femme innocente qui a passé 8 ans en prison puisse défendre comme bonne la loi par laquelle elle a été condamnée ?)