L’AGRIF, avec la FSSP, l’Institut du Bon Pasteur, l’ICRSP, et la FSVF, a déposé hier une requête en référé-liberté devant le Conseil d’État contre le décret du 29 octobre qui interdit le culte public à partir du 3 novembre.
Ce texte est aussi, ou d’abord, une admirable profession de foi catholique, comme rarement la justice laïque a pu en être témoin.
L’argument principal de l’Agrif est assurément que le Conseil d’Etat lui a déjà donné raison dans des circonstances similaires. Par son ordonnance du 18 mai, il avait conclu que la liberté de culte « comporte parmi ses composantes essentielles le droit de participer collectivement à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte ». C’est ainsi que le Conseil d’Etat laïque avait rétabli la liberté de culte que les évêques ne demandaient pas…
Mais l’argumentation de l’Agrif est essentiellement religieuse. Sur « l’urgence », le référé souligne que « les nécessités de l’homme sont également pour beaucoup d’entre eux spirituelles », et que « au-delà de la l’atteinte disproportionnée à l’exercice d’une des libertés les plus fondamentales qui soient, l’urgence est en l’espèce caractérisée par le fait que les fidèles - ici catholiques - sont menacés de ne plus pouvoir recevoir les sacrements et notamment celui de la communion eucharistique » :
« Le culte catholique ne consiste pas seulement en un ensemble de prières collectives, qui pourrait être remplacées provisoirement par radiodiffusion et prières personnelles à domicile. Pour les catholiques, la communion constitue un sacrement qui n’a rien de symbolique mais qui constitue le signe visible et sensible d’une réalité spirituelle par laquelle passe la grâce de Dieu destinée à la sanctification et au salut des hommes. »
« Dans la religion catholique, on ne peut ainsi être privé sans grave dommage spirituel des sacrements au premier rang desquels la nécessaire confession et la nécessaire communion eucharistique.
« En effet, la communion n’a rien de symbolique ou de convivial pour un catholique. Il s’agit de la réception du corps du Christ réellement présent avec Son corps, Son sang, Son âme et Sa divinité.
« La communion au corps et au sang du Christ est une nourriture spirituelle et intime vécue par chaque catholique, que rien ne peut remplacer. Cette communion insuffle au croyant qui la reçoit dignement toutes les grâces nécessaires pour vivre en chrétien.
« La communion sacramentelle et la confession annuelles sont si importantes qu’elles constituent des commandements de l’Église catholique.
« La religion du Christ ne revient pas à se contenter de prier Dieu. La religion catholique est la religion de l’Incarnation par laquelle Dieu se rend réellement présent à la messe, elle est par excellence la religion de la médiation. Dans le catholicisme tout advient par des réalités humaines, qui sont des intermédiaires entre l’homme et Dieu : le ministre du culte ordonné, le pain consacré, l’eau du baptême, l’huile sainte etc. La dimension sensible est essentielle. Sans elle, à la différence d’autres religions même chrétiennes, comme par exemple le protestantisme, la religion est vidée de son sens, et de sa réalité. Sans cérémonies sensibles, le culte catholique n’existe plus.
« Personne ne demande au gouvernement d’avoir la foi catholique. Mais en revanche, il est réclamé le respect de cette même foi et de ses urgentes nécessités. »
La requête se poursuit par un examen des « illégalités manifestes » du reconfinement, la disproportion de la mesure d’interdiction des messes au regard des autres dispositions du décret. La requête liste tous les lieux qui demeurent ouverts au public et conclut : « Ainsi, il semble adapté et proportionné au gouvernement de permettre à la population de se déconfiner pour aller chez le blanchisseur, acheter des cigarettes, un magazine, des lunettes, un barbecue ou des plantes vertes mais disproportionné de pouvoir exercer le culte 1h par semaine et dans des conditions adaptées. » Et surtout de pouvoir prendre les transports en commun où aucune règle sanitaire ne peut être respectée.
« En réalité, les exigences sanitaires sont bien plus faciles à respecter dans le cadre de lieux de culte que dans les salles de classe et encore plus que dans les transports en commun où cela est impossible. Il appartient au gouvernement d’autoriser ceux qui le souhaitent, comme le prévoit l’article 4 du décret du 30 octobre 2020 qui permet de se promener ou de sortir son chien, de pouvoir sortir de son domicile 2h le vendredi, le samedi ou le dimanche selon les cultes, pour se rendre dans le lieu de culte correspondant à sa pratique religieuse, muni d’une auto-attestation mentionnant l’heure de sortie et son motif. »
On attend avec le plus grand intérêt la décision du Conseil d’Etat. Pour l’heure, rendons à César ce qui est à César : on ne peut que féliciter chaleureusement l’auteur de la requête, Me Jérôme Triomphe.