Extrait (chapitre 5) du Livre de Gomorrhe, dont personne ne parle au colloque vaticanesque… puisque le sujet même en a été soigneusement effacé.
Qui passera outre, en faisant la sourde oreille, qui ne frissonnera pas jusqu’à la moelle en pensant à ce que l’Apôtre a claironné, comme une trompette retentissante, en disant : « Dieu les a livrés aux convoitises de leurs cœurs, à une impureté où ils avilissent eux-mêmes leur propre corps. » (Rom. 1) Et un peu plus loin : « A cause de cela, Dieu les a livrés à une passion ignominieuse, car leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature. Pareillement les hommes, délaissant l’usage naturel de la femme, ont brûlé de désir les uns pour les autres, perpétrant l’infamie d’homme à homme, et recevant en leurs personnes l’inévitable salaire de leur égarement. »
Pourquoi donc, après une telle chute, aspirent-ils à la sublimité de l’ordre ecclésiastique ? Que penser, que croire, sinon que Dieu les a livrés à leurs sens réprouvés ? Il ne leur permet pas de voir les choses qui leur sont nécessaires, pressurés qu’ils sont par leurs péchés. Car, ayant perdu les yeux intérieurs, le soleil pour eux se couche, celui qui est sur son déclin. Ils ne parviennent pas à réaliser la gravité des maux que fait commettre l’impureté, ni que c’est plus terrible encore de désirer posséder quelque chose de façon désordonnée, contre la volonté de Dieu. Et, de façon habituelle, cela procède de la règle de la justice divine. Ceux qui se souillent avec cette vilenie mille fois condamnable sont frappés par la malédiction d’un digne jugement : ils se plongent dans les ténèbres de la cécité. Voilà ce qu’on lit sur cette infamie dans les auteurs anciens. Les Sodomites voulaient, avec frénésie, faire violence au juste, et ils étaient déjà sur le point de défoncer la porte. Et voici, dit l’Écriture, que les hommes étendirent la main, ramenèrent Loth à eux, et fermèrent la porte. Et ils frappèrent de cécité ceux qui étaient à l’extérieur, du plus petit jusqu’au plus grand, de sorte qu’ils ne pouvaient pas trouver la porte. (Gen. XIX) Il appert que, par ces deux anges, qu’on lit être venus voir Loth, les personnes du Père et du Fils sont dûment désignées. Le montre de façon évidente le fait qu’en leur parlant Loth a dit : « Parce que ton serviteur a trouvé grâce à tes yeux, et que tu as magnifié la miséricorde que tu m’as montrée, je te demande, mon Seigneur, de sauver mon âme. » Celui qui parle ainsi à deux personnes, comme à une seule, est certain qu’en deux personnes une seule substance est vénérée.
Les Sodomites cherchaient donc à entrer par effraction pour faire violence à des anges. Mais c’est à Dieu que font violence ces hommes immondes, en cherchant à s’approcher des fonctions de l’ordre sacré. Mais ils sont subitement frappés de cécité parce que, par un juste jugement de Dieu, ils tombent dans les ténèbres intérieures, de sorte qu’ils ne parviennent pas à trouver la porte. Parce que, étant séparés de Dieu par le péché, ils ignorent le chemin du retour vers lui. Car ceux qui, non par l’humilité, mais par l’effraction de l’arrogance et de l’ambition, s’efforcent d’accéder à Dieu, se rendent compte immédiatement qu’ils ignorent comment ouvrir la porte d’entrée. Parce que, tout compte fait, c’est le Christ qui est la porte, comme il le dit lui-même : « Je suis la porte. » (Jn X) Ceux qui sous la pression des péchés perdent le Christ, c’est comme si, ne trouvant pas la porte, ils ne pouvaient pas entrer dans l’habitacle des citoyens célestes.
Ils sont donc livrés à leurs sens réprouvés. Comme ils n’évaluent pas le poids de leur faute sur la balance de leur propre esprit, ils pensent qu’une très lourde masse de plomb a la légèreté des peines anodines. Donc, ce qui est dit là : « Ils frappèrent de cécité ceux qui étaient dehors, » l’Apôtre le déclare manifestement quand il dit : « Dieu les a livrés à leurs sens réprouvés. » Et ce qui est ajouté là après : « Pour qu’ils ne puissent pas trouver la porte », saint Paul l’expose clairement quand il dit : « Pour qu’ils fassent ce qui ne convient pas. » C’est comme s’il disait : « Ils essayèrent d’entrer là où ils ne le devaient pas. » Celui qui, indigne des ordres ecclésiastiques, s’efforce de faire irruption dans le ministère de l’autel sacré, qu’est-ce autre que, après avoir laissé de côté le seuil de la porte, s’efforcer d’entrer par la barrière infranchissable du mur ? Et quoiqu’aucune entrée libre ne s’offre à leurs pieds, ceux qui sont tels s’engagent solennellement à pouvoir parvenir au sanctuaire, préférant être frustrés de ce qu’ils ont présumé obtenir, plutôt que de demeurer dans le vestibule extérieur. Ils peuvent, à la vérité, se cogner la tête sur la pierre d’achoppement de la Sainte Ecriture, mais il ne leur est jamais permis d’entrer par la voie de la divine autorité. Et pendant qu’ils tentent d’entrer au lieu qui leur est interdit, ils ne font rien d’autre que de palper un mur complètement recouvert. Ce n’est pas sans raison qu’on peut leur appliquer ce que dit le Prophète : « Ils tâtaient en plein midi comme pendant la nuit. » (Job V) Et ceux qui ne peuvent pas franchir le seuil de la vraie entrée, ils s’égarent en route, et tournent en rond en un cercle vicieux. C’est d’eux que parle le psalmiste quand il dit : « Mon Dieu, pose-les comme une roue. » (Ps LXXXII) Et de même : « Les impies marcheront en rond. » (Ps XI) C’est en parlant d’eux qu’un peu plus loin saint Paul ajoute, après avoir énuméré leurs crimes : « Ceux qui font de telles choses sont dignes de mort, non seulement ceux qui les font, mais aussi ceux qui consentent à ce qu’ils font. » (Rom 1)
Certainement, celui qui ne se réveille pas après les terribles coups de tonnerre de cette invective apostolique, on jugera à bon droit qu’il est mort plutôt qu’endormi. Et comme l’Apôtre précise avec tant de zèle une sanction pour chaque méfait, qu’aurait-il dit, je le demande, s’il avait détecté cette blessure dans le corps infect de la sainte Eglise. Surtout, quelle douleur, quelle ardeur de compassion aurait embrasé sa pieuse poitrine s’il avait appris que cette peste abominable se propageait jusque dans les ordres sacrés ? Qu’ils écoutent les directeurs des clercs, et les recteurs des prêtres. Qu’ils écoutent ! Et même s’ils se sentent sûrs d’eux-mêmes, qu’ils craignent de participer aux crimes d’autrui, ceux qui répugnent à corriger les péchés de leurs sujets, et qui, par un silence complice, leur accordent la licence de pécher. Qu’ils écoutent, dis-je, et qu’ils comprennent que tous sont également dignes de mort, ceux qui font le mal et ceux qui y consentent.